En 2021, la Chine et la France ont fait face à un environnement international quasiment similaire à celui de l’année précédente sur fond de COVID-19, mais aussi dans un contexte où les États-Unis exercent une domination mondiale et considèrent la Chine comme leur principal concurrent. Si la politique chinoise du nouveau président américain Joe Biden est légèrement plus modérée que celle de M. Trump, elle reste en substance la même. Les relations sino-françaises sont néanmoins demeurées pour l’essentiel comme avant, avec des points de consensus et des divergences. Dans l’ensemble, les deux pays ont recherché des terrains d’entente au-delà des différences, et les relations ont continué de s’améliorer tout en restant stables.
L’ambassadeur de France en Chine Laurent Bili participe au séminaire « Remodeler les relations
entre grandes puissances » lors du 9e Forum mondial sur la paix, le 4 juillet 2021.
Sur le plan politique, la Chine et la France maintiennent une communication régulière, et s’efforcent d’élargir le consensus de coopération et de promouvoir conjointement le développement sain des relations bilatérales. Emmanuel Macron a hérité de la tradition d’indépendance de la Ve République dans les affaires étrangères et ne suit pas aveuglément les États-Unis. À partir de 2019, avec la montée en puissance de la Chine en tant que deuxième économie mondiale, la France et l’Union européenne (UE) ont cependant considérablement modifié leur perception et leur positionnement vis-à-vis de la Chine, la définissant pour la première fois comme un « concurrent et adversaire systémique » tout en maintenant son statut de « partenaire ». À la différence des États-Unis sous M. Trump, qui ne la considérait que comme un adversaire et ne ménageait aucun effort pour faire pression sur elle, le président Macron a au contraire publiquement exprimé son opposition à cette politique agressive vis-à-vis de la Chine, affirmant qu’il ne suivrait pas les États-Unis sur cette voie.
La boutique Dior de Shanghai, le 26 mars 2021
En février 2021, dans une communication en ligne avec le groupe de réflexion Atlantic Council à Washington, M. Macron a de nouveau souligné que bien que des valeurs communes aient rapproché la France et l’UE de Washington, la France ne s’associera pas aux États-Unis contre la Chine.
Xi Jinping et Emmanuel Macron ont en outre réaffirmé lors d’échanges téléphoniques en février 2021 que les deux pays continueraient de promouvoir un partenariat stratégique global, notamment dans les secteurs de l’énergie nucléaire, de l’aviation et de l’agroalimentaire. Fin 2021, à un moment critique où les États-Unis incitaient les pays occidentaux à boycotter les Jeux olympiques d’hiver de Beijing 2022, la France s’est de nouveau levée et a exprimé une opinion différente. La ministre des Sports a clairement indiqué que la France ne s’alignerait pas sur les États-Unis pour un « boycott diplomatique » de Beijing 2022. M. Macron a également déclaré que les Jeux olympiques ne devaient pas être politisés.
Si la politique de dialogue de la France est ainsi, c’est parce que la Chine et la France sont plus ou moins sur la même ligne sur certaines questions internationales fondamentales, notamment sur la situation internationale, l’ordre international et le changement climatique. La France a toujours été un défenseur actif du multilatéralisme, s’opposant à un monde entre les mains d’une superpuissance et à un ordre mondial unipolaire. Depuis que M. Macron a pris ses fonctions, il a appliqué le concept de politique étrangère indépendante initié par le général de Gaulle, conduisant la France et l’UE sous la direction de la France à emprunter la voie de l’indépendance, sans être le disciple ou le « petit frère » des États-Unis. Il est particulièrement attaché à l’instauration d’un ordre mondial multipolaire et s’oppose à l’hégémonisme américain. En tant que pays épris de paix et avec civilisation ancienne, la Chine s’est toujours opposée à l’intimidation des petits pays par les grands, des faibles par les puissants. Elle aide les pays à s’engager sur une voie de développement diversifiée qui convient à leurs conditions nationales. Elle n’imposera pas son idéologie et son modèle de développement à d’autres comme les États-Unis. La Chine et la France ont des vues similaires sur ces sujets.
La voiture de course à hydrogène Mission H24 de Michelin à la CIIE, le 5 novembre 2021
La Chine a toujours pleinement affirmé et fortement soutenu les actions de la France en faveur de l’instauration d’un nouvel ordre multilatéral mondial. La France apprécie également la participation de la Chine à la gouvernance mondiale dans un cadre multilatéral. Les chefs d’État chinois et français ont convenu de continuer de renforcer la consultation et la coopération dans les cadres multilatéraux de l’Organisation mondiale de la santé, de l’UE et du G20 dans les domaines des soins médicaux, de la gestion des crises de santé publique, de la recherche et développement et de la fourniture des vaccins, du changement climatique, de la protection de la biodiversité et de l’allégement de la dette des pays pauvres. Lors de la 15e Conférence des Parties à la Convention sur la diversité biologique à Kunming en octobre 2021, l’ambassadeur de France en Chine Laurent Bili a hautement salué au nom du gouvernement français les efforts de la Chine en matière de conservation de la biodiversité au cours de ces dix dernières années, estimant que la Chine a joué un rôle actif au niveau mondial. Les idées communes et l’appréciation mutuelle ont jeté les bases politiques d’une coopération mutuellement bénéfique entre les deux pays.
Le stand FIWA (French International Wine Awards) lors de la 4e CIIE à Shanghai, le 6 novembre 2021
Sur le plan pratique, la Chine et la France cherchent toutes deux à élargir la coopération pour la rendre plus diversifiée et tournée vers l’innovation. À l’heure actuelle, les deux parties coopèrent ou explorent des possibilités de coopération dans l’automobile, le nucléaire civil, l’aérospatiale, la protection de l’environnement, l’intelligence artificielle, les biotechnologies, les produits pharmaceutiques, le développement et la recherche en milieu océanique, ainsi que la protection du patrimoine culturel, l’architecture, la musique, les arts scéniques et le cinéma. Depuis le début de l’épidémie de COVID-19, les échanges et la coopération dans la santé et la prévention, ainsi que la recherche et développement des vaccins, n’ont jamais cessé.
Malgré les bouleversements mondiaux, certains pays occidentaux derrière les États-Unis continuent de stigmatiser et de contenir la Chine, mais la France peut dans une certaine mesure mettre de côté les préjugés idéologiques et coopérer de manière pragmatique avec la Chine, ce qui augure bien des relations entre les deux pays.
Le footballeur Kylian Mbappé et la championne olympique chinoise de plongeon Zhang Jiaqi
assistent à une cérémonie en l’honneur des deux bébés pandas géants chinois nés le 2 août
au ZooParc de Beauval, le 18 novembre 2021.
Force est néanmoins de constater que depuis 2019, alors que la puissance nationale de la Chine s’est considérablement accrue, de nouvelles divergences voire des incompréhensions sont apparues, par exemple en matière de culture et de valeur, au sujet du collectivisme oriental et sur le fait que l’individuel se sacrifie au profit du collectif. Cet altruisme a été perçu comme un « autoritarisme » par les sociétés occidentales qui vénèrent la liberté et l’individualisme effréné. Nous espérons sincèrement que la Chine et la France, liées par une amitié traditionnelle, pourront renforcer la communication et les échanges, et améliorer davantage la compréhension et élargir le consensus sur la base de la recherche de terrains d’entente tout en réservant les différences. Nous espérons également que les relations sino-françaises puissent éliminer rapidement les interférences et la cacophonie pour faire advenir des lendemains radieux.
PENG SHUYI • chercheuse à l’Institut d’études européennes, Académie des sciences sociales de Chine