À l’issue de la cérémonie de clôture des JO d’hiver de Beijing 2022, et en dépit d’une situation géopolitique et sanitaire défavorable, nous pouvons rétrospectivement affirmer que ce énième défi pour la Chine a été une nouvelle fois relevé avec brio.
Le Français Romain Bardet, le Britannique Geraint Thomas en jaune, et le Danois Jakob Fuglsang lors du 2e Critérium du Tour de France à Shanghai, le 17 novembre 2018
De fait, la compétition n’avait pas encore commencé que la Chine écrivait déjà l’histoire. En attribuant les JO 2022 à la ville de Beijing, le Comité international olympique a fait de la capitale chinoise la première ville à organiser tant les Jeux d’été que ceux d’hiver. Par ailleurs, une troisième place au classement général (quinze médailles, dont neuf titres olympiques), une bulle sanitaire préservée et des athlètes satisfaits viennent couronner les initiatives chinoises.
Dans l’objectif des Jeux, le gouvernement chinois avait présenté un Plan quinquennal ambitieux (2016-2020) axé sur le tourisme visant à faire profiter 300 millions de citoyens chinois des plaisirs des sports d’hiver, et ce, grâce au soutien des entreprises du secteur, à la construction de centres sportifs ou encore au développement du marché des services et produits du sport.
Le but de ce plan étant de faire passer la part de la Chine dans ce secteur de moins de 2 % à 22 % et de produire les champions de demain. Il va sans dire qu’au vu de ces ambitions vertigineuses, les pays souhaitant continuer d’attirer la population chinoise vont devoir faire preuve d’ingéniosité afin de capter cette dernière.
En effet, les JO 2022 ont été conçus avant tout pour les Chinois eux-mêmes. Au sortir de la crise du COVID-19, la Chine a fait le choix d’engager une stratégie de « double circulation » – stratégie de politique économique visant à stimuler simultanément le marché intérieur (circulation intérieure) et le marché extérieur (circulation internationale) – changeant ainsi le modèle de croissance chinoise. Les Chinois sont désormais invités à consommer localement, à sortir, à faire de l’exercice, etc.
Nouvelles opportunités
L’accroissement du tourisme en Chine s’est parallèlement accompagné du développement d’activités sportives, parfois liées à des usages anciens et traditionnels (tels que le vélo et la randonnée) et de la découverte de nouveaux sports comme le parapente, le surf ou la plongée.
Cérémonie de clôture des JO d’hiver de Beijing avec le défilé des délégations, le 20 février 2022
Cet optimisme chinois en l’avenir et ce changement progressif des mentalités est une véritable aubaine à saisir. Moteur de la reprise économique mondiale, l’émergence de la nouvelle classe moyenne chinoise permettra à de nombreux pays touchés par la pandémie de se relever et de percevoir, à leur tour, de nouvelles opportunités. Cela est particulièrement vrai pour les pays dont le tourisme représente une part importante de leur PIB. À ce titre, la France, dont la consommation touristique intérieure a atteint 7,4 % du PIB en 2018, et parmi lesquels 6 % des recettes totales générées par les touristes internationaux sont réalisées par les touristes chinois (3,5 milliards d’euros) en 2019, attend le retour de ces visiteurs asiatiques avec impatience.
Hasard du calendrier, la capitale française hébergera les JO d’été en 2024. Deux ans après les JO d’hiver de Beijing, ces derniers seront l’occasion pour Paris et la France de renouer avec le public chinois, et notamment la jeunesse. Forts de leurs prochaines expériences sportives et touristiques, profondément transformés par la lutte contre le COVID-19, les touristes chinois seront désireux de suivre cette compétition et de découvrir la France en dehors des circuits touristiques habituels qui ne correspondront plus nécessairement aux besoins de cette nouvelle classe moyenne chinoise.
Ainsi, les groupes touristiques organisés pourraient faire place à un tourisme plus individuel et familial. Les tournées superficielles et rapides pourraient se tarir au profit de voyages plus en profondeur, c’est-à-dire culturels ou encore sportifs. Les visites de lieux emblématiques pourraient être délaissées aux profits de sites moins connus et moins fréquentés, pouvant notamment se trouver en région.
Une question de culture
Effectivement, nombreux sont les acteurs qui, non pas par intérêt sportif, mais purement économique, se sont positionnés sur ce marché chinois si prometteur. Car la Chine, à l’image des autres pays, n’échappe pas à la mondialisation du sport qui consiste à solliciter des experts, des techniciens et des entraîneurs étrangers pour construire des installations sportives, former des équipes, des champions, repérer des jeunes, etc. La liste est longue et concerne de nombreux sports et activités sportives, à l’image du ski, du football, de l’escrime ou de l’athlétisme, même si l’ambition chinoise requiert des compétences bien singulières tant sur le plan national qu’à l’étranger.
Le compte à rebours de 1 000 jours avant les JO de Paris 2024 se déroule le 31 octobre 2021 en présence du célèbre marathonien kényan Eliud Kipchoge.
Reconnue à travers le monde pour son excellence et son savoir-faire dans l’organisation des grands événements sportifs internationaux et dans l’art de former les champions, la France tire son épingle du jeu. Si l’on prend ne serait-ce que la présence d’experts français en Chine, cette dernière est importante et s’est renforcée à l’approche des JO d’hiver de Beijing.
Les liens entre les professionnels du secteur sportif des deux pays se resserrent continuellement par l’établissement de multiples coopérations. Par exemple, il existe des partenariats entre l’École du ski français et des écoles de ski en Chine pour former des moniteurs français à travailler au contact de la clientèle chinoise. La Fédération française de football et certains clubs comme le FC Sochaux-Montbéliard accueillent de jeunes footballeurs et entraîneurs au sein de leurs unités de formation.
Les coopérations sportives entre la France et la Chine représentent une part importante des échanges humains existants, au sein desquels le tourisme du sport prend une place de choix. Si bien qu’en Auvergne-Rhône-Alpes, nous constations une augmentation de 135 % de touristes chinois entre 2012 et 2018. Certes, la pandémie a ralenti le phénomène, mais les efforts fournis par les professionnels français au travers des salons et rencontres/partenariats avec leurs homologues chinois devraient porter leurs fruits à long terme.
À l’inverse des investissements consentis, tant sur le plan professionnel que diplomatique, il est à noter un manque de personnel compétent sur le terrain dans chaque discipline, capable de pallier le fossé culturel et linguistique qui sépare nos deux cultures. Le déploiement d’études sociologiques sur les besoins des touristes sportifs chinois sur notre territoire et la mise en application de recommandations adaptées à ce public permettraient d’assurer une position française dominante dans ce secteur.
Au regard de cela et au moment même où la Chine et sa société se transforment, où les déplacements en Chine restent limités et les chancelleries se jaugent, il est important de rappeler que le dialogue entre les peuples est la seule garantie d’harmonie et de succès.
*VICTOR BERNARD • directeur de l’Institut Confucius des Pays de la Loire