Chine-France

Les relations franco-chinoises : chantier en cours...
By ALAIN LABAT* | Dialogue Chine-France | Updated: 2024-01-24 14:54:00

En janvier 2024, la France et la Chine commémorent ce qui fut alors qualifié en Occident, dans le contexte de la Guerre froide, de « coup de tonnerre géopolitique » : l’établissement de relations diplomatiques entre la République française et la République populaire de Chine. J’ai été, plus de quarante années durant, dans les domaines de l’éducation et de la culture, un modeste acteur de ces liens noués en 1964 par le général Charles de Gaulle, dont les écrits et propos sur la Chine n’ont pas pris une ride. À l’instar des rares jeunes Français que le hasard a conduit au début des années 1970 à s’intéresser à ce pays, j’ai bénéficié d’un privilège rare, au fil de mes visites annuelles en Chine entre 1978 et aujourd’hui. Celui d’être témoin de l’extraordinaire essor économique et social d’une nation déterminée à sortir du sous-développement et à recouvrer une place de premier plan dans le concert international. Un essor qui, sans doute, restera sans équivalent dans l’histoire, au regard de sa rapidité et de son ampleur. 

 

Érigée en février 2020 dans le 13e arrondissement de Paris, la Porte asiatique conçue par l’artiste Georges Rousse est un symbole d’amitié entre les peuples au sein du quartier chinois. 

La langue, le premier instrument du dialogue 

Reconnaître la Chine n’assure pas de la connaître. À la fin du XXe siècle, le savoir ordinaire des Français sur ce pays qui s’entrouvre se réduisait à peu de choses. La France a pourtant une ancienne tradition sinologique, notamment dans l’enseignement supérieur. Trois prestigieuses institutions furent pionnières en matière d’enseignement de la langue chinoise : le Collège de France dès 1814, l’École nationale des langues orientales (1843) et l’université de Lyon, la première à ouvrir une chaire de chinois en 1913. Mais à l’aube des années 1980, collèges et lycées français ne comptent quasi aucun élève sinisant. Quarante années plus tard, ils sont 45 000, soit, en termes d’effectifs, la cinquième langue vivante apprise dans notre système éducatif. Ce résultat ne tient pas du miracle, mais de la vision et de l’énergie d’un homme que j’ai eu la chance de seconder, Joël Bellassen. Président de l’Association française des professeurs de chinois puis premier inspecteur général statutaire de chinois au ministère de l’Éducation nationale, il s’est avéré précurseur de la pédagogie du chinois langue étrangère : matériaux, programmes scolaires, coopération éducative. Il a été à l’origine d’une discipline nouvelle peu à peu présente, du primaire aux classes préparatoires, dans l’ensemble de nos académies, et développée avec le souci d’un mouvement parallèle en faveur de la langue française en Chine. 

  

Arrivée du premier train de marchandises Wuhan-Lyon en avril 2016 

La Chine dans les régions françaises 

La Chine est lointaine, moins de la capitale que des régions françaises. La rendre plus accessible, hors de toute considération confessionnelle ou politique, est l’objectif des associations franco-chinoises qui se sont, en 1993, regroupées dans la Fédération des Associations franco-chinoises (FAFC), et sont aujourd’hui présentes dans une vingtaine de villes. Par le biais de cours, expositions, conférences, voyages, échanges, liens avec la diaspora chinoise…ces associations s’emploient à y proposer tout au long de l’année des activités culturelles de qualité autour du passé et du présent de la Chine. Lieu de rencontre et de réflexion des responsables associatifs, la Fédération – qui doit infiniment à son Secrétaire général, Alain Caporossi – compte trente années de partenariat avec l’Association du peuple chinois pour l’amitié avec l’étranger, avec aussi nombre de ses branches locales et autres bureaux des affaires étrangères provinciaux et municipaux. Fort divers dans leurs origines socio-économiques et orientations personnelles, les adhérents de ces associations partagent une commune conviction : la connaissance de la Chine en France est un chantier permanent, dont les progrès conditionnent l’avènement de relations plus rationnelles et productives entre nos deux pays. 

La 16e Semaine française de Shanghai, le 9 octobre 2017 

La coopération décentralisée : la force du terrain 

D’abord limitées à celles d’État à État, ces relations se sont enrichies, au tournant des années 1990, d’une dimension nouvelle, avec les liens entre collectivités territoriales des deux pays. Cette coopération décentralisée présente l’avantage de mettre en contact direct les responsables locaux dans les régions, métropoles, villes voire départements côté français, provinces et villes côté chinois. Ceci permet de conduire des actions d’ampleur diverse, mais toujours concrètes, sur des thèmes touchant à la vie quotidienne des citoyens. Avant la pandémie, 60 de nos collectivités – dont 16 disposant d’un bureau de représentation en Chine – étaient engagées avec 47 de leurs homologues chinoises dans 140 projets regardant entre autres politiques urbaines, santé et vieillissement des populations, tourisme innovant, formation professionnelle etc. Je me suis personnellement impliqué dans l’établissement de ce type de partenariat entre l’actuelle Région Auvergne Rhône-Alpes et la municipalité de Shanghai en 1986, puis entre Lyon et Guangzhou en 1988, qui constituent autant de portes et fenêtres ouvertes entre nos territoires, que nos efforts communs ont depuis agrandies. 

Le Nouvel Institut franco-chinois 

En mars 2014, lors du 50e anniversaire des relations franco-chinoises, le président Xi Jinping, en visite entre Rhône et Saône, a parcouru l’exposition consacrée à l’Institut franco-chinois de Lyon (1921-1946), où ont été formés près de 500 jeunes Chinois, à une époque où séjournaient en France beaucoup de ceux qui allaient devenir les dirigeants du Parti communiste chinois et de la République populaire de Chine. Pourquoi, s’interroge alors Gérard Collomb, président de la Métropole de Lyon, ne pas capitaliser sur ce passé pour renforcer des liens uniques en Europe par leur ancienneté et leur continuité ? Deux ans plus tard a ainsi été inauguré le Nouvel Institut franco-chinois, présidé par Thierry de La Tour d’Artaise, Président du Groupe SEB, leader mondial de l’électroménager, très présent en Chine sous la marque Supor. Sous la tutelle de la Région Auvergne Rhône-Alpes et de la Métropole lyonnaise, bénéficiant du financement de nombreuses entreprises et établissements d’enseignement supérieur mécènes, il est investi de plusieurs missions dont celle de conserver la mémoire de ce commerce historique qui remonte au XVIIe siècle et, fédérant leurs acteurs, de créer de nouvelles coopérations – économiques, universitaires, culturelles, touristiques et autres. Le Nouvel Institut propose chaque année des Rencontres économiques, déjà devenues la référence en matière de dialogue. Leur dernière édition a eu lieu en novembre 2023 sur le thème « Vers une société bas-carbone - Les solutions françaises et chinoises ». Fort d’un riche passé, il entend par ailleurs réfléchir au futur de nos relations dans le difficile contexte géopolitique de l’après-pandémie. 

Deux vieux pays dans un monde nouveau 

Depuis 1964, les relations franco-chinoises ont connu leurs heures brillantes. On se souvient des très riches Années culturelles croisées 2004-2005, mais aussi de leur lot de tensions : rien que d’ordinaire dans les relations entre nations. Mais nous sommes depuis peu dans un monde nouveau, comme le montrent les conflits d’intérêts entre la Chine et les États-Unis, les crises au cœur de l’Europe, du Moyen-Orient et ailleurs, la montée partout des antagonismes et politique du plus fort. Nos cultures sont par ailleurs distantes, nos contentieux nombreux, nos systèmes politiques différents. Autant de raisons de consolider le dialogue entre deux membres permanents du Conseil de sécurité des Nations Unies, dialogue aujourd’hui structuré en trois volets : stratégique, économique et financier, sur les échanges humains. Au terme de longs entretiens entre les présidents Emmanuel Macron et Xi Jinping a été publiée le 7 avril 2023 la Déclaration conjointe franco-chinoise, qui ouvre de nouvelles et multiples perspectives à notre coopération. Puissent donc ce soixantième anniversaire et une année 2024 labellisée celle du tourisme culturel France-Chine voir l’emporter entre nos deux pays la connaissance et la conversation sur la caricature et l’invective…  

*ALAIN LABAT est président de la Fédération des Associations franco-chinoises et vice-président du Nouvel Institut franco-chinois 

Numéro 18 octobre-décembre 2023
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