Culture

Faire revivre le patrimoine à l'ère contemporaine
By FRANCESCO BANDARIN* | Dialogue Chine-France | Updated: 2022-08-08 15:32:00

Le patrimoine est l’héritage du passé dont nous profitons aujourd’hui et que nous transmettons aux générations à venir. Il fait partie des biens inestimables et irremplaçables, non seulement de chaque nation, mais de l’humanité tout entière. Afin d’assurer le mieux possible l’identification, la protection, la conservation et la mise en valeur adéquates du patrimoine mondial, les États membres de l’UNESCO ont adopté en 1972 la Convention du patrimoine mondial. 

Sous la porte Yongdingmen, à l’extrémité sud de l’Axe central de Beijing, le 19 septembre 2020 

L’inscription d’un site sur la Liste du patrimoine mondial de l’UNESCO est d’une grande importance pour la protection du patrimoine. Chaque année, de nombreux pays soumettent des propositions de classement de biens situés sur leur territoire auprès de l’UNESCO. 

La réussite d’une nomination dépend de deux facteurs principaux : une claire identification des valeurs du patrimoine et un bon cadre de gestion après l’inscription. Les problèmes qui se posent parfois dans le patrimoine sont liés à une mauvaise identification ou à une identification trop générique des biens à protéger, et au manque de capacité de réaction aux pressions et menaces qui se posent toujours en vue d’un classement du patrimoine mondial. Les problèmes principaux sont normalement connectés au développement de formes de tourisme non durable et aux pressions économiques sur le patrimoine et sur les populations, qui risquent d’altérer l’authenticité et même le cadre physique des biens. 

La Chine se prépare à présenter une demande de statut de patrimoine culturel mondial pour l’Axe central de Beijing, un ensemble de bâtiments situés au cœur de la capitale chinoise, s’étendant sur une longueur totale de 7,8 km du nord au sud et comprenant des monuments, d’anciens bâtiments royaux, des temples et d’autres sites historiques, parmi lesquels la Cité interdite et le Temple du ciel. 

Les axes urbains ont une très longue histoire, depuis l’Antiquité. On en trouve partout, par exemple à Palmyre en Syrie, ville du IIIe siècle. Mais à partir de la Renaissance, l’axe est devenu la forme la plus utilisée dans la construction urbaine, de la Rome baroque des XVIe et XVIIe siècles jusqu’au Paris haussmannien du XIXe siècle. Les grandes capitales modernes sont toutes basées sur un grand axe, par exemple Washington et Delhi. 

La Cité interdite numérique est présentée au Centre national des congrès de Beijing, le 5 septembre 2021.

L’Axe central de Beijing est un peu particulier, car il revêt une signification symbolique extrêmement importante dans le principe d’organisation de la ville. De plus, l’axe physique est interrompu par d’autres monuments, notamment la Cité interdite, mais ça ne change en rien sa signification. C’est un modèle asiatique, qui trouve à Beijing sa plus importante réalisation. 

Le concept de « paysage urbain historique » est une approche de la gestion des ressources patrimoniales dans des environnements dynamiques et en constante évolution. Il joue un rôle important dans l’urbanisation et la protection du paysage urbain historique. Le processus visant à inscrire l’Axe central de Beijing sur la Liste du patrimoine mondial correspond bien à l’approche promue par la Recommandation concernant le paysage urbain historique adoptée par l’UNESCO en 2011, dont le but est d’élargir le concept de centre historique au-delà de la simple définition du périmètre d’un lieu physique, et qui demande l’inclusion des éléments immatériels dans le concept de patrimoine urbain. 

Le patrimoine culturel urbain est le témoin de l’histoire urbaine, et la construction de villes modernes est l’objectif commun du développement urbain dans le monde d’aujourd’hui. C’est un grand défi pour nos sociétés de concilier la protection du patrimoine historique et culturel avec la modernisation urbaine. Il faut que les villes accordent beaucoup de valeur au patrimoine urbain, non seulement aux monuments, mais aussi au tissu urbain mineur pour préserver les traces du passé comme valeur pour l’avenir. 

Le théâtre Tianleyuan, établi il y a deux siècles à l’extrémité est de la rue Xianyukou, est situé dans le quartier historique et culturel de Qianmen.

Aujourd’hui, le patrimoine culturel et naturel est de plus en plus menacé de destruction, à la fois par les causes traditionnelles de dégradation et par l’évolution de la vie sociale et économique. À l’heure d’Internet et du numérique, de nombreuses nouvelles approches peuvent être utilisées pour protéger et mettre en valeur le patrimoine culturel et naturel. 

L’ère numérique ouvre beaucoup de possibilités d’accroître encore la reconnaissance internationale du patrimoine. Il suffit de voir comment, aujourd’hui, on peut visiter assez bien un site de manière virtuelle et sans bouger. Par conséquent, il y a d’énormes possibilités pour l’éducation du public au patrimoine et pour les écoles, sans compter les apports que la technologie peut amener à la gestion des sites, en termes de monitoring des utilisations, de l’état de conservation des bâtiments et des sites, de contrôle des flux de visiteurs, etc. Cela ouvre de grandes possibilités, peut-être encore à explorer et comprendre. 

*FRANCESCO BANDARIN est architecte italien, ancien directeur du Centre du patrimoine mondial de l’UNESCO et ancien sous-directeur général de l’UNESCO pour la culture  

Numéro 12 avril-juin 2022
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