Le septième jour de Meng Jinghui au Festival d’Avigon 2022 (PHOTO : CHRISTOPHE RAYNAUD DE LAGE)
« Jean-Luc Godard, ce grand réalisateur en pull vert, est un vieux français qui excellait à la destruction, et j’adore tous ses films », dit Meng Jinghui, célèbre metteur en scène chinois dans sa récente vidéo en mémoire de l’un des réalisateurs phares de la Nouvelle Vague. Profondément influencé par des réalisateurs occidentaux tels que Godard et Fellini, les œuvres de Meng Jinghui sont à la fois innovantes et originales. Connues sous le nom du théâtre d’avant-garde, ses pièces sont très appréciées des jeunes chinois, y compris celles adaptées de la littérature classique française comme Bonjour, tristesse de Françoise Sagan.
Le 18 juillet dernier, la nouvelle pièce de Meng Jinghui Le septième jour a été présentée au cloître des Carmes lors du Festival d’Avignon-IN, devenant ainsi la première production théâtrale chinoise officiellement commandée par ce festival de théâtre en 76 années d’existence. « C’est une pièce de théâtre avec une imagination incroyable et au-delà », a affirmé Agnès Troly, la programmatrice du Festival.
Rencontre sous le signe de la pandémie
Ce spectacle est adapté du roman éponyme de l’écrivain chinois Yu Hua, publié en France chez Actes Sud en 2014, qui raconte ce qui se passe pendant les sept jours suivant la mort d’une personne ordinaire. Meng Jinghui met en scène la tristesse et la joie, la réalité cruelle et la poésie romantique, brisant la frontière entre vie et mort : la fin de la vie est également le début de la mort.
Le cloître des Carmes, théâtre emblématique du Festival d’Avignon-IN, a été conjointement choisi par les organisateurs français et l’équipe de Meng Jinghui. Il y a dix ans, l’actrice chinoise Mei Ting avait assisté à la version française de Hamlet et été profondément touchée par la performance des acteurs français. Cette fois, elle prend le rôle principal pour Le septième jour et joue devant le public français sur cette même scène.
Pour Meng Jinghui, ce n’était pas non plus sa première rencontre avec le Festival d’Avignon. Il y a des années, il y était apparu avec son équipe pour proposer L’amour des trois oranges et Les rhinocéros amoureux. En juillet 2019, il présentait La maison de thé au 73e Festival d’Avignon avec des acteurs chinois : c’était la première fois que le théâtre contemporain chinois entrait au Festival d’Avignon-IN. « C’est le succès de La maison de thé qui a vu la naissance de la pièce Le septième jour et sa première représentation en France », explique-t-il. « Après la représentation de La maison de thé, Olivier Py, directeur artistique en chef du Festival, m’a demandé si je pouvais créer une nouvelle œuvre pour la prochaine édition. J’ai alors choisi Le septième jour. » Meng Jinghui estime que cette pièce permet de comprendre comment les écrivains pensent à la Chine contemporaine, ce qui donne au public occidental une meilleure idée du théâtre chinois modernes et de la Chine d’aujourd’hui.
Ce rendez-vous théâtral a été compliqué par la pandémie mondiale. « Selon le calendrier, la première devait avoir lieu début juillet, donc le temps était compté. Après deux mois de transport par voie maritime, tout le matériel est arrivé en Avignon, et le 11 juillet, les acteurs sont arrivés, et finalement, quand l’équipe technique a atterri en France le 14 juillet, j’ai été soulagé », remarque Wang Jing, organisatrice principale de cette coopération artistique. « Il y a un an et demi, quand le Festival a pris la décision d’inviter le réalisateur Meng Jinghui à créer une pièce de théâtre pour la présenter sur la scène d’Avignon, j’étais excitée et aussi inquiète car en raison de l’impact de l’épidémie, il existait de nombreuses incertitudes pour les échanges culturels. En fin de compte, après les efforts de toutes les parties, Le septième jour a finalement été joué sur la scène d’Avignon, et est devenu ainsi la première pièce contemporaine chinoise présentée à l’étranger depuis le début de l’épidémie dans le monde. »
Les équipes techniques de Chine et de France à l’œuvre sous une forte chaleur en juillet 2022 (Photo fournie par Meng Jinghui Studio)
Le théâtre d’avant-garde en Chine
Ces dernières années, le théâtre chinois, qui combine la culture traditionnelle chinoise et l’art populaire occidental moderne, connaît une certaine popularité en France. Certaines pièces adaptées de la littérature chinoise classique sont prisées par le public français.
« En France, il existe beaucoup de malentendus sur le théâtre chinois. Par exemple, nous nous attendions toujours à des œuvres dotées des caractéristiques de la Chine traditionnelle, ou très différentes du théâtre occidental. Cependant, le théâtre chinois contemporain est étroitement lié au théâtre occidental », note Christophe Triau, professeur en études théâtrales à l’Université Paris-Nanterre, expliquant que le théâtre chinois est riche et varié.
Wang Jing explique qu’à part l’opéra chinois, il existe une autre sorte de théâtre plus récent en Chine, le théâtre contemporain, avec ses subdivisions : le théâtre dit mainstream (thématique), le théâtre commercial et le théâtre expérimental. Le théâtre expérimental s’attache particulièrement à la création, se concentre sur l’exploration de la diversité esthétique du théâtre, et traite souvent de problèmes de société. Les troupes artistiques populaires et les artistes indépendants constituent l’épine dorsale du théâtre expérimental. Wang Jing remarque cependant qu’il n’y a pas de distinction claire entre ces trois formes. Par exemple, Meng Jinghui a créé certaines pièces expérimentales, mais en raison de leur popularité, elles entrent également dans la catégorie du théâtre commercial.
Meng Jinghui précise que le théâtre contemporain chinois est comme un arbre, absorbant la nutrition du monde artistique occidental tout en grandissant. Aujourd’hui, il est le directeur artistique de cinq festivals de théâtre en Chine, dont le Beijing Youth Theatre Festival, qui fournit une plateforme aux jeunes créateurs chinois.
Le septième jour remporte un grand succès au festival d’Avignon.(Photo fournie par Meng Jinghui Studio)
Les échanges se poursuivent
Meng Jinghui estime qu’il y a une force vivante, ambitieuse et expérimentale chez les jeunes artistes chinois. Par exemple, après la représentation en Avignon, l’acteur principale de la pièce Le septième jour Chen Minghao, a été appelé « Genius, Superman » par Olivier Py.
« Le succès de la pièce Le septième jour est dû à la persévérance de toute l’équipe chinoise et au soutien sans faille des partenaires français du Festival d’Avignon », selon Wang Jing, qui affirme que ce voyage artistique revêt une grande importance dans le monde actuel. « L’art peut vraiment transcender toutes les barrières et rendre la communication et le dialogue possible. »