Salle d’exposition de peintures locales dans le village de Songzhuang
« Les artistes amènent l’art dans les campagnes. Certains pour améliorer l’apparence du village et lui apporter un peu de popularité, d’autres pour aider les villageois à créer de l’art, combinant la réduction de la pauvreté et le soutien par leurs connaissances ; d’autres enfin pour se servir de leur créativité culturelle afin de promouvoir l’artisanat des zones rurales, faire connaître les spécialités locales à l’extérieur, et donner une nouvelle vitalité aux villages », explique Li Wei, directeur du département de la communication du district. Il note que l’art est étroitement lié à la campagne, ce qui permet de donner une nouvelle vie aux vieilles maisons rénovées et de stimuler le dynamisme des vieux villages.
Le pouvoir de l’art
En 2018, lorsque Yang Yang, directrice du musée d’art Jiuceng de Beijing, est arrivée pour la première fois dans le village naturel de Shanlong, relevant du village administratif de Hengkeng, elle était déterminée à y ouvrir un musée d’art.
Avant Shanlong, Mme Yang avait visité de nombreux villages à Lishui, mais selon ses propres termes, elle a été fascinée par son aura et sa simplicité. Entourée de sommets verdoyants, de cascades et de sources, d’un pont couvert centenaire et de vieux camphriers se dressant au bout du village, avec des rangées de maisons en terre battue aux murs jaunes et aux tuiles noires attenantes à la montagne, elle a su que c’était là qu’elle voulait s’établir.
Une boutique d’objets originaux dans le village de Chenjiapu (Songyang)
Par rapport à d’autres villages anciens, la plupart des maisons étaient vacantes et seulement une vingtaine de personnes âgées résidaient dans ce petit village. En voyant trois rangées de maisons délabrées sur une colline de bambous, elle a eu le déclic. « J’ai soudain eu l’idée d’y construire un musée d’art. »
Ce musée devait être intégré à l’environnement naturel, se fondre dans le style architecturale local avec ses boiseries, ses pierres, ses murs en terre battu et ses tuiles noires. « Il fallait que tous les matériaux soient locaux, et non pas venir de l’extérieur. » En mars 2019, elle a repris les trois maisons vacantes du collectif villageois et invité le concepteur Lu Xiang de Beijing ainsi que Hu Miao, un artisan spécialisé dans les projets de conception traditionnelle de ponts en arc en bois et héritier inscrit au patrimoine culturel immatériel au niveau national. Après plus de quatre ans de travail, le musée d’art des Neuf strates nuageuses a vu le jour. Des chambres d’hôtes, un café, un espace d’art botanique sont en cours de construction.
Avec son style littéraire et artistique, Shanlong attire les touristes. L’Université Tongji et l’Université Huaqiao ont signé des accords de coopération avec Hengkeng pour en faire une base de pratique hors campus. « Avant, le village était sombre la nuit, mais l’arrivée des artistes a illuminé tout le village », estime Zhou Shuijin, un villageois de Shanlong.
Outre Mme Yang, Yang Xiaojin, professeur agrégé à l’École d’art de l’Université des sciences et technologies du Zhejiang, et Zhang Ming, artiste national de premier ordre, se sont installés à Songyang. Ils ont implanté l’art dans les campagnes, redonnant de la vitalité à ces villages endormis depuis longtemps. On compte au total 94 artistes, 68 studios et 3 galeries d’art publiques à Songyang, dans des domaines aussi différents que les beaux-arts, l’artisanat traditionnel, la littérature, l’architecture et la création culturelle, regroupés dans des zones culturelles à Doumi’ao dans le bourg de Yecun, à Houshe dans le bourg de Zhuyuan, et à Chenjiapu, dans le bourg de Sidu.
Des revenus en hausse
Le village de Nandai, relevant du bourg de Yecun, est situé au sud du mont Nandai. Si les anciens villages regorgent de ressources, les transports peu pratiques et l’éloignement géographique ont limité leur développement et ils sont tombés dans l’oubli.
En 2019, Xia Keliang de l’Académie des beaux-arts de Chine, installé dans le village de Nandai, a invité des peintres pour créer des œuvres sur le thème « Nandai, un pinceau à la main ». Nandai est désormais appelé le « village des peintres », mais l’on trouve aussi le dessin, la photographie et la création littéraire.
Produits culturels et créatifs aux caractéristiques locales à l’Académie Wuxin du village de Youtian (Songyang) (Photos : Yu Xiangjun)
À Songyang, la construction rurale artistique lui apporte un regain de popularité. Mais c’est aussi un moyen d’accroître les revenus des villageois et de transformer les maisons vacantes en actifs de valeur.
En 2022, Nandai a signé un contrat avec une entreprise culturelle et médiatique locale pour construire un projet de base de dessin « Nandai Wenshan » intégrant des chambres d’hôtes, la création de croquis, la formation artistique, les loisirs et le tourisme. Elle a aussi établi l’Atelier de peinture pour la prospérité commune afin de générer des revenus pour l’économie collective du village grâce au modèle commercial coopératif « revenus garantis + dividendes ». Depuis 2018, 26 artistes s’y sont installés et quelque 22 000 passionnés se sont adonnés à leur passe-temps favori. Le village a empoché environ 400 000 yuans de revenus, permettant de remettre en état 16 maisons. En une seule année, le collectif villageois a dégagé un revenu d’exploitation de 170 000 yuans. Que Yangzhan, responsable du projet « Nandai Wenshan », a déclaré qu’il espérait faire gagner le village en popularité et y retenir les artistes, se servant ainsi de l’art pour stimuler le développement durable.
L’atmosphère artistique de Nandai a également incité une équipe de diffusion en direct à s’installer. Ils y ont transféré leur studio et mis en place un atelier de coprospérité de diffusion en direct de commerce électronique pour vendre des produits agricoles locaux. Le premier mois, plus d’une tonne de pommes de terre et d’autres produits agricoles ont été vendus pour 1,2 million de yuans, créant des emplois pour plus de 30 villageois et faisant passer leur revenu mensuel moyen à 2 000 yuans.
Vers la prospérité commune
La construction artistique rurale a changé les villageois. À Songyang, les villageois, pour qui l’art était une conception éloignée, sont devenus des protagonistes. Le village de Songzhuang, dans le bourg de Sandu, fournit d’ailleurs un exemple caractéristique.
Songzhuang est situé à environ 20 kilomètres du centre de Songyang. C’est un ancien village traditionnel dont l’histoire remonte à plus de 500 ans. À l’entrée, une galerie de peintures locales appelée « Graffitis à l’entrée du village » attire le regard. Cet atelier d’art reconverti dans une ancienne maison présente 25 aquarelles, peintures à l’huile et calligraphies, créées par les anciens du village et les jeunes employés des maisons d’hôtes.
Sun Yingying expose les souvenirs créés par des villageois.
En 2017, Sun Yingying, la fondatrice des maisons d’hôtes Taoye, en a ouvert une à Songzhuang. Elle a remarqué que le village comptait généralement moins de 80 résidents permanents, la plupart étaient des personnes âgées, mais qui chaque année disparaissent peu à peu. Elle leur a proposé d’égayer leur quotidien en les invitant à peindre ensemble. Utilisant des fruits et des légumes, notamment des choux, des poivrons, des pommes de terre ou des feuilles de théier, ou simplement leurs mains, et les trempant dans la peinture, ils s’en servent pour les tamponner sur un support en papier ou en toile. Une fois séchées, ces œuvres deviennent des peintures originales au caractère enfantin.
Avec le soutien de Taoye, Songzhuang propose depuis 2020 des expositions dans la galerie « Graffitis à l’entrée du village » et le projet des « Artistes du monde entier en résidence », permettant ainsi aux villageois de participer à la création artistique, et attirant plus d’une dizaine d’artistes dans les domaines de l’illustration, de la photographie et de la sculpture et créant ainsi une forte atmosphère culturelle.
En mai 2022, les œuvres de la galerie « Graffitis à l’entrée du village » sont apparues sur les emballages de parfum, de gomme de pêcher et de thé local. « Chaque produit vendu est accompagné d’un souvenir, et nous donnons aux villageois la part qui leur revient », précise Mme Sun.
Liu Qi, maître de conférences à l’Université des sciences et technologies de Kunming, a remarqué que le but ultime de la construction artistique rurale est de renforcer la conscience culturelle des villageois et de véritablement réveiller les villages endormis.