Culture

Barbizon, Lishui et Jinshan font école
By MA LI • membre de la rédaction | Dialogue Chine-France | Updated: 2025-01-14 10:15:00

L’exposition « Le charme français dans la peinture de Lishui-Jinshan : Quand l’art français rencontre la peinture paysanne de Jinshan et l’école de Lishui-Barbizon » s’est déroulée à Shanghai du 27 décembre au 1er janvier 2025. L’école de Lishui-Barbizon, née de la rencontre du village des peintres de Guyan à Lishui (Zhejiang) et de l’école de Barbizon, et fruit des échanges avec les peintres paysans de Jinshan (Shanghai), est à l’origine un dialogue centenaire entre l’Orient et l’Occident qui transcende le temps et l’espace. 

L’exposition « Le charme français dans la peinture de Lishui-Jinshan : Quand l’art français rencontre la peinture paysanne de Jinshan et l’école de Lishui-Barbizon » 

Un trait d’union entre la Chine et la France 

L’école de Barbizon désigne, de façon informelle, à la fois le centre géographique et spirituel d’une succession de résidences de peintres paysagistes établis autour de Barbizon dans les années 1830-1840 et le désir de ceux-ci de travailler « en plein air et d’après nature » dans la forêt de Fontainebleau. 

Dans les années 1980, à Lishui, un groupe de jeunes peintres locaux s’est imprégné de l’atmosphère de l’école de Barbizon pour peindre le cadre naturel unique de la région, créant l’école de Lishui-Barbizon. 

Cao Xiuwen, représentante de la peinture paysanne de Jinshan, présente une de ses œuvres à un visiteur étranger. 

C’est en mai 2015 que le district de Liandu à Lishui et Barbizon ont été jumelés. Cette année-là, 33 peintures à l’huile de l’école de Lishui-Barbizon ont été exposées dans la commune de Barbizon, en Seine-et-Marne, marquant un retour aux origines. 

L’exposition de Shanghai présente des œuvres sur les paysages de Lishui réalisées par des artistes français, notamment de Marie Rauzy, l’arrière-petite-fille de Cézanne, de Matthew Barney, et de Remy Aron. Ce dernier, dans Le camphrier du village des peintres, a peint un grand camphrier au bord d’une rivière, un point de repère du village de Guyan. « L’artiste peint avec des couleurs simples pour nous faire pénétrer dans le paysage. La perspective renforce l’aspect esthétique de l’espace. C’est le paysage tel que l’artiste le voit », explique Lei Jianhua, vice-président de la Fédération des cercles littéraires et artistiques du district de Liandu. L’exposition présente également de nombreuses œuvres de peintres de l’école Lishui-Barbizon comme Zhan Weike et Cai Zhiwei. Les Neuf dragons de Zhan Weike montre la passion des artistes de Lishui pour leur environnement naturel. « La verdure luxuriante du Sud du fleuve Changjiang avec son aspect pastoral constitue un tout poétique. Cette énergie picturale provenant de l’attention portée à la nature est une des caractéristiques les plus attrayantes de l’école de Lishui-Barbizon. » 

Des créations enracinées dans un terroir 

Avec leur quête de beauté naturelle et de réalisme, Lishui-Barbizon est le reflet des zones montagneuses de Lishui, faisant écho au style réaliste de l’école de Barbizon en France. À Jinshan, la « ville natale de la peinture populaire moderne », la culture du Sud du fleuve Changjiang possède les mêmes racines, et a donné naissance à une école aux caractéristiques similaires. 

Lei Jianhua, représentant de la peinture à l’huile de l’école Lishui-Barbizon, lors de la cérémonie d’ouverture de l’exposition 

Comme celles de Lishui-Barbizon, les peintures de Jinshan, puisent leur inspiration des paysages et des coutumes des villes d’eaux de la région. On y trouve ce qui fait partie du patrimoine immatériel local comme la broderie, le papier découpé, le calicot bleu, les peintures sur les poêles de cuisine, les sculptures et la peinture sur laque, donnant un fort contraste dans les couleurs. 

« Les peintures paysannes de Jinshan et de Lishui-Barbizon sont réalistes. Les peintres contemplent la nature et la peignent avec réalisme, mais il existe des différences dans les thèmes choisis », remarque Yin Jingjing, directeur adjoint de l’Académie de peinture paysanne de Jinshan. Et d’expliquer que ces peintures sont enracinées dans le terroir et reflètent l’expérience sensorielle des peintres. 

Dans La jeune fille va chercher sa pharmacopée, Cao Xiuwen, une artiste-peintre de Jinshan, représente une scène qu’elle a observée. On y voit des plantes médicinales chinoises en arrière-plan, et le style fait usage des techniques de peinture sur laque. Le noir met en valeur les personnages avec des couleurs pures, faisant ressortir de manière frappante la jeune fille sur la toile. 

« L’exposition elle-même permet au plus grand nombre d’observer les paysages et de découvrir la culture », dit Lu Yongzhong, un peintre de l’école de Barbizon originaire de Jinshan qui vit en France depuis 20 ans. Les peintures de Jinshan et celle de Lishui-Barbizon témoignent toutes deux de l’affection profonde des peintres pour leur environnement naturel et de leur profonde compréhension de l’aspect authentique de l’existence. « Les traits de pinceau de Lishui-Barbizon donnent une sensation d’épaisseur et de fluidité, et les peintures de Jinshan ont des couleurs vives et des contrastes forts, ce qui m’a énormément inspiré. » 

Les peintures de Lishui-Barbizon et celles de Jinshan ont à la fois un contenu culturel et une valeur commerciale. « L’exposition et la vente de peintures de Jinshan ont favorisé le développement du tourisme local, stimulant ainsi la création des peintures paysannes », remarque Wu Bin, président de Shanghai Jinbinhai Urban Development Group. 

Lishui en a fait un secteur d’activité. Jiang Shan, directeur de la communication du Comité du Parti pour le district de Liandu, explique que 126 ateliers proposent des résidences d’artistes et accueillent quelque 150 000 peintres chaque année. Plus de 300 institutions, comme l’Académie centrale des Beaux-Arts, y ont une antenne. Le secteur de la peinture à l’huile génère 120 millions de yuans de chiffre d’affaires et les peintures sont exportées vers plus de 60 pays et régions, dont l’Europe et les États-Unis. 

Un espace de dialogue sino-français 

L’art est une fenêtre sur la beauté qui transcende le temps et l’espace, et c’est aussi un moyen d’exprimer des sentiments et d’établir des liens. Lors de l’exposition, la délicatesse des peintures de l’école de Barbizon, la pétulance de celles de l’école de Lishui-Barbizon et la simplicité de celles de Jinshan se complètent dans un jeu de miroir, tout comme les échanges amicaux entre la Chine et la France placés sous le signe de la beauté et de l’art. 

Exposition de produits culturels et créatifs des peintures à l’huile de l’école Lishui-Barbizon et des peintures paysannes de Jinshan 

« Les peintres français n’étaient pas présents, mais appartenant à la même communauté culturelle, je pense que nous avons intégré l’observation de la vie et la reconnaissance de nos deux cultures », estime Lei Jianhua, précisant que si l’école de Barbizon avait eu une influence majeure sur Lishui-Barbizon, il ne s’agit pas d’un simple copier-coller. « Il s’agit de deux écoles à part entière, chacune rayonnant de sa propre beauté. » 

« Les peintures de Barbizon montrent la France, celles de Lishui-Babizon, les paysages locaux, et celles de Jinshan, les villes d’eaux du Sud du Changjiang. Ce sont des peintures enracinées dans le terroir », dit Xia Ying, un jeune peintre de Jinshan, pour expliquer que c’est à partir de cette base commune que le dialogue entre ces trois lieux se déroule. 

Le peintre Matthew Barney a visité le village des peintres Guyan à plusieurs reprises pour communiquer avec les peintres locaux et créer. Le jour de l’ouverture de l’exposition, il était présent par lien vidéo. Il a déclaré qu’à l’occasion du 60e anniversaire de l’établissement de relations diplomatiques entre la Chine et la France, il souhaitait voir davantage d’échanges et de coopération au niveau culturel.  (Photos : Yu Jie) 

Numéro 21 juillet-septembre 2024
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