Le 17 mars 2025, les salons parisiens de Mandarin TV à Paris ont accueilli un dîner-conférence d’une importance singulière, placé sous le thème « Comment piloter la croissance d’une entreprise ? ». Loin d’un simple échange d’idées, cette rencontre a réuni des figures emblématiques de l’entrepreneuriat chinois et français, porteurs d’une vision commune : celle d’un développement ancré dans l’innovation, la durabilité et l’ouverture. Un événement qui, au-delà de ses enseignements économiques, illustre à merveille la vitalité des relations sino-françaises.
Parmi les invités de marque, Hervé Novelli, ancien ministre des PME-PMI en France, a rappelé combien le contexte actuel de transformation économique exige une adaptation constante. En s’appuyant sur les théories de Joseph Schumpeter, il a souligné que les cycles d’innovation sont désormais accélérés par le numérique et l’intelligence artificielle. Pour lui, « il ne s’agit plus seulement de s’adapter au changement, mais d’en être les artisans. » La destruction créatrice, pilier de Schumpeter, devient ainsi le moteur d’une nouvelle économie qui se doit d’être plus inclusive et plus responsable.
Rodrigo Basilicati Cardin, PDG du groupe Pierre Cardin, a partagé une perspective audacieuse : celle d’une haute couture éthique et tournée vers l’avenir. Héritier spirituel du célèbre couturier, il poursuit l’œuvre visionnaire de son oncle en mariant tradition et avant-garde. « Produire localement, valoriser le savoir-faire artisanal, utiliser les surplus pour créer des pièces uniques, ou encore recycler les matières issues des satellites pour concevoir des vêtements de demain », autant de pistes explorées dans une logique de circularité. Il a également insisté sur l’importance de transmettre le geste technique, le choix des matériaux, la pédagogie des procédés : une économie de la connaissance appliquée à la mode.
Enfin, Hou Juncheng, fondateur et PDG du groupe Proya, fleuron de la cosmétique haut de gamme en Chine, a incarné la dynamique d’innovation portée par les entreprises chinoises. Né à Hangzhou, ville de l’entrepreneuriat et de la tech, Hou Juncheng a raconté la genèse de son entreprise, fondée à l’âge de 17 ans, et devenue aujourd’hui un groupe international. Il a mis en avant une stratégie atypique mais payante : « alors que beaucoup cherchaient à conquérir les métropoles, nous avons commencé par les campagnes. » Ce pari sur la Chine intérieure a permis à Proya de bâtir une base solide, en s’appuyant sur quatre piliers : la technologie, la qualité des produits, la force culturelle, et une commercialisation adaptée aux nouveaux usages numériques.
Ce dîner-conférence n’était pas un simple échange d’expériences managériales. Il s’inscrit dans une dynamique plus large de coopération franco-chinoise. En créant un laboratoire de recherche à Paris, le groupe Proya franchit une nouvelle étape dans l’hybridation des savoirs. L’alliance entre l’expertise scientifique française et l’audace entrepreneuriale chinoise ouvre la voie à des innovations à la croisée des cultures.
De plus, la réflexion sur l’IA et le big data, abordée par Hou Juncheng, rejoint les préoccupations européennes : comment concilier performance technologique et respect de la vie privée ? Comment répondre avec justesse aux besoins des consommateurs ? Autant de défis partagés qui appellent des réponses conjointes.
Dans un monde en recomposition, marqué par la polarisation des discours et la montée des incertitudes, ces rencontres prennent une dimension stratégique. Elles permettent d’ancrer les relations sino-françaises dans une diplomatie économique fondée sur le partage de compétences, mais aussi sur la co-construction de normes internationales — en particulier dans des secteurs-clés comme la cosmétique, la mode, ou les technologies de rupture.
La présence de figures telles que Rodrigo Basilicati Cardin et Hou Juncheng rappelle aussi que la culture et l’industrie ne s’opposent pas : elles se nourrissent l’une l’autre. Un vêtement conçu à partir de matériaux spatiaux devient un manifeste esthétique autant qu’un défi d’ingénierie. Un produit cosmétique, façonné dans le respect des traditions médicales chinoises et des exigences scientifiques européennes, devient un pont entre deux mondes.
Alors que la Chine poursuit son ouverture, notamment avec des projets comme la création de centres de recherche internationaux, et que la France cherche à valoriser son attractivité scientifique et technologique, de telles rencontres permettent de bâtir des passerelles durables. Elles rappellent combien le facteur humain reste au cœur de toute croissance véritable.
Ce dîner du 17 mars 2025 n’était donc pas seulement un rendez-vous économique, mais un symbole. Le symbole d’une relation sino-française qui sait se réinventer en s’appuyant sur ses acteurs les plus créatifs et les plus audacieux. Comme le disait Confucius : « Lorsque les relations humaines sont en harmonie, toutes les voies deviennent possibles. » C’est bien cette harmonie, faite d’écoute, d’intelligence et d’engagement, que cette soirée a su incarner.
*SONIA BRESSLER est fondatrice de La Route de la Soie-Éditions