Le vice-président de l’Afrique du Sud Paul Mashatile (c.) coupe le ruban inaugural du pavillon sud-africain lors de la 6e Exposition internationale d’importation de la Chine à Shanghai, le 5 novembre 2023. 

La coopération sino-africaine a franchi une nouvelle étape après la tenue du Forum sur la coopération sino-africaine (FCSA) à Beijing du 4 au 6 septembre 2024, un rendez-vous organisé tous les trois ans alternativement en Chine et sur le continent africain. À l’occasion du 9e sommet de ce forum, des dirigeants de 53 pays africains ont été accueillis, ce qui témoigne du succès de cette rencontre internationale, véritable vitrine d’une coopération qui n’a cessé de s’approfondir au cours des vingt dernières années.

La coopération contribue à l’émergence du Sud global 

Mutuellement bénéfique, cette coopération présente un intérêt stratégique pour les deux partenaires. L’ampleur des échanges est visible dans les statistiques, aussi bien dans le domaine commercial que dans celui des infrastructures.

Ainsi, depuis le début des années 2000, les échanges commerciaux sino-africains ont augmenté de 17,2 % par an. En 2023, les échanges commerciaux avaient atteint un niveau record de 282,1 milliards de dollars. Les importations chinoises de fruits à coque, de légumes, de fleurs et de fruits africains ont augmenté respectivement de 130 %, 32 %, 14 % et 7 % par rapport à l’année précédente. Les véhicules à énergie nouvelle, les batteries au lithium et les panneaux solaires exportés par la Chine vers l’Afrique ont augmenté respectivement de 291 %, 109 % et 57 % par rapport à l’année précédente.

Cette tendance s’est nettement accentuée en 2024. Le commerce entre la Chine et l’Afrique a connu une croissance régulière au cours des sept premiers mois de l’année, augmentant de 5,5 % pour atteindre 166 milliards de dollars, selon les données publiées par l’Administration générale des douanes chinoise.

Du côté des infrastructures, on rappellera que de 2000 à 2020, la coopération avec la Chine a créé 10 000 km de voies ferrées, 100 000 km de routes, 100 installations portuaires, 130 hôpitaux, 200 écoles, 50 stades et 200 000 km de fibre optique. C’est cette coopération de grande ampleur qui a permis au continent africain de se doter de ce dont il a besoin pour poursuivre son développement.

Ce 9e sommet a donc consolidé le rôle de la Chine comme partenaire de premier plan du continent africain, son apport venant diversifier les ressources nécessaires à la mutation économique de ce dernier. La présence chinoise contribue aussi à rééquilibrer les relations de l’Afrique avec les autres partenaires, qu’il s’agisse des États-Unis ou de l’Union européenne, à un moment où la montée du Sud global rebat les cartes de la géopolitique mondiale.

Le chercheur ougandais George Musiime dans un atelier d’impression à Jinhua (Zhejiang), le 23 mai 2024

Une coopération plus large et plus étroite 

C’est dans cette perspective qu’il faut analyser les annonces majeures faites par le président Xi Jinping dès l’ouverture du sommet. S’engageant à consolider le partenariat sino-africain, le dirigeant chinois a dévoilé les grandes lignes d’un projet de grande envergure. « La Chine ouvrira plus largement son marché. Nous avons décidé d’accorder aux pays les moins avancés ayant des relations diplomatiques avec la Chine, parmi lesquels figurent 33 pays d’Afrique, une exemption de droits de douane pour toutes les catégories commerciales », a-t-il déclaré dans son discours devant ses invités africains.

Cette offre s’inscrit dans le cadre d’une politique menée de longue date par la Chine, visant à favoriser l’industrialisation de ses partenaires africains et asiatiques. La Chine entend ainsi contribuer au rattrapage des pays les moins avancés et à réduire la fracture entre pays développés et pays en voie de développement.

Dans le même discours, M. Xi a promis un soutien financier de 50 milliards de dollars au continent africain sur les trois prochaines années. Dans une période où le crédit se fait rare, cette promesse prend évidemment un relief tout particulier. En dépit d’une conjoncture mondiale un peu terne, la contribution chinoise au développement de l’Afrique, pour ce qui la concerne, ne va pas mollir. Au contraire, elle va se poursuivre pour donner à l’économie africaine les ressources financières dont elle a besoin.

Un autre aspect notable de ce 9e sommet est qu’il comprend également un volet sécuritaire. « La Chine mettra en œuvre une stratégie de coopération dans le cadre de l’Initiative pour la sécurité mondiale », a déclaré M. Xi. La Chine accordera à l’Afrique des aides militaires sans contrepartie de 140 millions de dollars, assurera la formation de 6 000 militaires et de 1 000 policiers et agents de forces de l’ordre africains, et invitera 500 jeunes officiers africains à visiter la Chine.

Avec ce 9e sommet, la Chine et l’Afrique entendent collaborer plus étroitement et réaffirmer une fois encore une solidarité qui plonge ses racines dans les luttes de libération du XXe siècle. Elles se soutiendront mutuellement sur les questions qui concernent leurs intérêts fondamentaux, et elles travailleront main dans la main pour sauvegarder les intérêts légitimes des pays en développement.

Un étudiant nigérian (g.) effectue un stage dans un hôpital à Fuzhou (Fujian), le 29 août 2024.

Une communauté d’avenir partagé Chine-Afrique de la nouvelle ère 

Le renforcement de la coopération économique et commerciale a été le mot d’ordre des deux parties lors de cette édition du FCSA, que le pays hôte a placé sous le signe de la redéfinition de ses relations avec le continent africain.

S’adressant à ses partenaires africains, le président chinois a mis en exergue cette volonté, tout en rappelant le chemin déjà parcouru par les deux partenaires. « Grâce aux efforts assidus depuis près de sept décennies, les relations sino-africaines se trouvent aujourd’hui dans la meilleure période de l’histoire. Pour leur ouvrir de nouvelles perspectives, je propose de porter au niveau stratégique les relations bilatérales entre la Chine et tous les pays africains ayant des relations diplomatiques avec elle, et de rehausser les relations sino-africaines à une communauté d’avenir partagé Chine-Afrique de tout temps à l’ère nouvelle. »

Alors que les prêts chinois aux pays africains ont drastiquement chuté, la Chine s’est engagée à débloquer 50 milliards de dollars de soutien financier au continent sur trois ans. Lors du Forum sur la coopération sino-africaine à Dakar en 2021, la Chine avait déjà promis d’apporter un soutien financier significatif en pleine crise sanitaire, preuve de son engagement indéfectible envers l’Afrique.

*BRUNO GUIGUE est chercheur en philosophie politique et analyste politique.