Monde

La Chine réaffirme son ouverture internationale
By BRUNO GUIGUE* | Dialogue Chine-France | Updated: 2025-03-08 08:44:00

Depuis près d’un demi-siècle, la Chine fait le choix décisif de la réforme structurelle de son économie tout en s’ouvrant aux flux internationaux de marchandises, de capitaux et de savoir-faire. Cette approche méthodique et visionnaire a transformé la conquête des marchés extérieurs en un puissant moteur de croissance économique. Simultanément, l’accueil des investissements étrangers a permis à l’appareil productif chinois de bénéficier de capitaux et de technologies essentielles à son développement. Depuis 2013, Xi Jinping poursuit résolument ce mouvement en mettant l’accent sur « l’autonomie stratégique ». Cette orientation majeure vise à placer l’internationalisation des échanges au service d’un développement économique et technologique accéléré. Aujourd’hui, les résultats sont palpables : la Chine est la première puissance industrielle et commerciale mondiale, avec un degré d’ouverture exceptionnel pour une économie de taille continentale. 

Présenté le 5 mars 2025 par Li Qiang, Premier ministre du Conseil des Affaires d’État, à la troisième session de la 14e Assemblée populaire nationale, le Rapport d’activité du gouvernement s’inscrit dans cette continuité. À la lecture de ce rapport, il apparaît clairement que les turbulences géopolitiques n’empêcheront pas la Chine de poursuivre la voie qu’elle a choisie. Pour le chef du gouvernement chinois, il est impératif de continuer à « élargir l’ouverture sur l’extérieur de haut niveau » et de « stabiliser le commerce extérieur » ainsi que les « investissements étrangers ». Quels que soient « les changements extérieurs », Beijing entend ainsi persister « dans la pratique de l’ouverture ». Qu’il s’agisse d’aménager le « cadre réglementaire » ou de « stabiliser le développement du commerce extérieur », le gouvernement chinois est décidé à « intensifier ses politiques dans ce domaine, tout en aidant les entreprises à conserver leur volume de commandes et à exploiter le marché ». Les services financiers, l’assurance crédit-export, le cybercommerce transfrontalier, le système d’expédition rapide transfrontalière ou encore la construction d’entrepôts à l’étranger seront au menu de la politique gouvernementale. 

Un autre aspect important de ce rapport est l’insistance mise sur « le développement intégré du commerce intérieur et extérieur, en accélérant la résolution des problèmes de certification et de fluidité du marché ». Le gouvernement soutiendra l’innovation de façon à « augmenter la compétitivité des services traditionnels disposant d’atouts spécifiques » tout en accroissant « l’importation de services de haute qualité ». C’est pourquoi de « nouveaux pôles de croissance verront le jour », tels que « le commerce vert et le commerce numérique ». Les régions disposant des conditions nécessaires développeront un « commerce offshore de type nouveau ». La Chine est le premier investisseur mondial dans les énergies vertes, avec 38 % des investissements mondiaux dans ce secteur en 2023. Par ailleurs, les grandes foires internationales, véritables plateformes d’échanges entre opérateurs internationaux, comme la Foire chinoise de l’importation et de l’exportation (Foire de Canton) ou la Foire internationale du commerce des services de Chine, seront organisées à plus grande échelle.   

Dans le cadre de la stratégie globale d’ouverture, les autorités chinoises accordent une importance particulière à l’attraction des investissements étrangers. Développer le commerce international dans un esprit « gagnant-gagnant » suppose que les entreprises étrangères puissent librement s’installer en Chine et y développer leurs activités. Cette orientation stratégique, constante depuis le lancement de la réforme et de l’ouverture, sera amplifiée, comme en témoigne le rapport présenté par le Premier ministre. Pour concrétiser cette ambition, des « expériences pilotes » seront menées afin d’élargir l’ouverture des services. Des secteurs comme l’Internet, la culture, les télécommunications, les soins médicaux ou encore l’éducation seront ouverts progressivement. Pour attirer les investisseurs étrangers, le gouvernement chinois s’engage à « garantir effectivement aux entreprises à capitaux étrangers le traitement national en ce qui concerne l’acquisition de facteurs de production, l’obtention des qualifications, l’établissement des normes et les achats publics ». Cette égalité de traitement, réclamée de longue date par les investisseurs étrangers, notamment occidentaux, constitue un signal fort et positif. 

Aussi le gouvernement s’engage-t-il à « assurer les services aux entreprises à capitaux étrangers », à accélérer « la mise en chantier de projets emblématiques » et à développer le concept « Investir en Chine ». Pour ce faire, les zones pilotes de libre-échange auront davantage d’autonomie, le port de libre-échange de Hainan verra son rôle renforcé, et les politiques en faveur des zones de développement économique et technique seront poursuivies. L’objectif est de favoriser « la reconversion et la montée en gamme des zones franches intégrées » tout en créant « un environnement des affaires de premier ordre conforme à la loi chinoise, aux règles du marché et aux normes internationales ». Cette approche vise à offrir aux entreprises à capitaux étrangers les conditions optimales pour se développer en Chine. Ces annonces gouvernementales devraient mettre fin aux spéculations de certains milieux occidentaux qui craignaient un éventuel abandon, par la Chine, de la stratégie d’ouverture internationale, qui a pourtant fait son succès. 

C’est d’autant plus vrai que le Rapport d’activité du gouvernement insiste aussi sur la poursuite du vaste programme engagé en 2013 dans le cadre de l’initiative « la Ceinture et la Route ». La Chine a noué autour de ce dispositif hors normes un partenariat mondial qu’elle entend intensifier en coordonnant la construction de « projets majeurs emblématiques » et de « projets petits et beaux » visant à améliorer le bien-être de la population. En développant les échanges internationaux, ce programme garantira la stabilité et la fluidité de la circulation du train de fret Chine-Europe, et accélérera la construction du nouveau système de communications terre-mer de l’Ouest. Il s’agit, pour le gouvernement chinois, d’orienter les investissements à l’étranger vers « un développement sain, ordonné et sûr », afin d’approfondir la « coopération économique bilatérale, multilatérale et régionale ». 

Même si elle entend poursuivre le développement de son marché intérieur en stimulant la consommation domestique, la Chine n’abandonne nullement l’objectif stratégique de l’ouverture internationale, conçue à la fois comme moteur du développement de l’économie nationale et du co-développement des pays partenaires. C’est pourquoi le rapport réaffirme la nécessité d’élargir « les zones de libre-échange répondant à des critères élevés et tournés vers le monde entier », notamment dans le cadre des rapports Chine-ASEAN, de l’Accord du Partenariat sur l’économie numérique ou encore de l’Accord du Partenariat transpacifique global et progressiste. Acteur majeur des échanges mondiaux, la Chine entend bien inscrire son action dans un « système commercial multilatéral centré sur l’Organisation mondiale du commerce ». C’est à ses yeux le meilleur moyen d’obtenir une véritable convergence d’intérêts avec ses partenaires, dans le but de promouvoir un développement commun. 

*BRUNO GUIGUE est chercheur en philosophie politique et analyste politique. 

 

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