Lors de la COP26, on a beaucoup entendu parler des engagements des États. Ceux de la Chine, responsable de plus d’un quart des émissions mondiales de gaz à effet de serre (27 %), étaient très attendus. Le géant asiatique s’est engagé à réduire son intensité carbone (émissions de CO2 rapportées au PIB) de plus de 65 % par rapport à 2005, à atteindre son pic d’émissions avant 2030 et la neutralité carbone d’ici 2060.
Un couple a passé plus de six mois à transformer une ferme en location à Chengdu en plantant
des centaine de types de végétaux avant d’y emménager, le 29 juin 2017.
Mais l’on entend moins parler des actions des gens ordinaires qui, pourtant, s’engagent eux aussi à leur niveau pour relever les défis environnementaux actuels. D’ailleurs, en Chine comme dans d’autres pays, des initiatives émergent dans plusieurs secteurs et participent à changer la donne écologique.
Transport et mode
L’économie collaborative, appelée aussi économie de partage, est en plein boum en Chine. Favorisée par une population ultra numérisée – près d’un milliard d’internautes – elle s’est développée à l’initiative de jeunes entrepreneurs dans de multiples secteurs et produits dont les vélos, les voitures de transport avec chauffeur (VTC), l’hébergement, le financement participatif, la santé ou même les parapluies.
Le vélo partagé 2.0 sans borne a été lancé en 2014 par quatre étudiants pékinois, suivis par une trentaine d’autres start-up aux vélos jaunes, orange, rouges… À l’aide d’une application et d’une caution d’environ quarante euros, ce nouveau service de mobilité a remis en selle des millions de Chinois. Les décideurs locaux ont vite pris conscience de la nécessité de réhabiliter ce mode de transport afin de désengorger le trafic urbain et de réduire la pollution des villes. Aujourd’hui, des pistes cyclables ont été construites dans de nombreuses villes comme Beijing, Shanghai, Guangzhou et Chengdu pour mieux absorber ces futurs millions de vélos et sécuriser les usagers. Une autre solution de mobilité a fait son apparition : les VTC et le covoiturage. C’est la start-up Didi Chuxing, l’Uber chinois, dirigée par Liu Qing, une jeune femme d’affaires brillante, qui a connu le plus grand succès en Chine. Huit ans après sa création, elle détient 79 % du marché et a géré près de 30 millions de trajets chaque jour en 2018.
Défilé de la marque Reclothing Bank à la Fashion Week printemps/été 2019 à Shanghai, le 12 octobre 2018
Dans le pays de la consommation de masse, où acheter en un clic est aussi facile que de respirer, le secteur de la mode voit également poindre des créateurs et des consommateurs qui s’intéressent aux vêtements produits de manière éthique. C’est le cas de la designer Zhang Na, créatrice de la marque Reclothing Bank qui utilise de vieux vêtements pour en faire de nouvelles pièces élégantes et écologiques. Elle recycle aussi des bouteilles en plastique usagées en tissu de polyester recyclé, fait défiler des travailleurs migrants et des retraités sur les podiums, verse 10 % de ses recettes à un centre de formation pour des femmes sans emploi et 1 % de son chiffre d’affaires à l’ONG « 1% for the Planet » qui participe à des programmes de protection de l’environnement. D’autres marques font partie de cet écosystème de mode durable et choisissent également des matériaux durables et des productions respectueuses de l’environnement. Par exemple : Erdos, ICICLE, Klee Klee (qui veut dire « lenteur » en tibétain), Norlha, Wobabybasics… Cependant, comme le dit Shaway Yeh, l’une des grandes prêtresses de la mode durable chinoise, il est nécessaire qu’une multitude de marques green se développent dans les années à venir afin de répondre à une demande croissante.
Une consommation plus vertueuse
Un autre secteur connaît une évolution récente, celui de la consommation de viande. Les habitudes alimentaires ont en effet fortement évolué en Chine ces dernières années et les citadins se sont mis à consommer de la viande tous les jours. Un Chinois en mangeait en moyenne 52 kg par an en 2020 (contre 13 kg en 1980), c’est beaucoup moins qu’un Français (85 kg) et moitié moins qu’un Américain (100 kg). Mais vu la taille de la population et les conséquences négatives de l’élevage intensif sur l’environnement (déforestation, émissions de gaz à effet de serre…), si les Chinois augmentent fortement leur régime carné, l’impact négatif sur l’environnement sera considérable. D’où l’importance d’initiatives qui sensibilisent la population chinoise à devenir flexitarienne (baisser sensiblement sa consommation de viande) ou végétarienne. C’est le cas de la start-up AiXingXiu (VegPlanet), une plateforme média et un e-shop qui partage des recettes véganes avec succès – plus de 100 millions de vues en cinq ans – et vend des produits véganes artisanaux. Elle forme également des chefs à l’occasion de déjeuners et de dîners éphémères. En outre, des associations se créent dans plusieurs villes du pays et organisent des festivals végétariens pour faire connaître les régimes alimentaires à base de plantes. Des entreprises locales se mettent enfin à produire de la viande végétale, un marché en pleine expansion qui vient compléter une offre déjà présente pour la communauté bouddhiste chinoise. Comme dans de nombreux pays, le végétarisme en Chine est passé d’un phénomène de niche à une tendance de plus en plus répandue dans la classe moyenne, soucieuse de sa santé et de celle de la planète.
Des vélos partagés sont stationnés à proximité de la Tour de la cloche en cours de rénovation, à Beijing, le 21 mars 2021.
Pour « pousser » à une consommation plus vertueuse, on connaît l’importance des influenceurs sur les réseaux sociaux, et la Chine ne fait pas exception à la règle. De nombreuses campagnes en faveur de la protection de la faune et de la flore ont impliqué avec succès des célébrités. La consommation d’ailerons de requin a baissé de plus de 80 % à la suite d’une campagne publicitaire portée par Yao Ming, la star du basketball chinois et ancien joueur de NBA. Il existe aussi des influenceurs plus atypiques comme Li Ziqi. Cette jeune femme de 29 ans, très tôt orpheline et qui vit aujourd’hui avec sa grand-mère dans un petit village du Sichuan, tourne des vidéos qui sont un hymne à la vie simple. Elle filme sa vie à la campagne : on la voit faire son pain, confectionner ses vêtements ou encore fabriquer ses meubles à partir de tiges de bambou qu’elle va couper elle-même. Aujourd’hui, la jeune blogueuse est devenue une star du monde numérique et cumule des millions de vues sur les réseaux sociaux chinois et occidentaux : 34 millions de personnes la suivent sur Douyin (la version chinoise de TikTok) et sa chaîne YouTube compte un total de 16,4 millions d’abonnés (en novembre 2021). Un succès qui peut paraître déconcertant tant il est éloigné des diktats de la société de consommation.
Le virage vers une consommation plus verte et plus résiliente est amorcé dans le pays. Si la Chine verdit, cela impactera le mode de vie de 1,4 milliard de personnes. Autrement dit, si elle réussit sa mue écologique, les effets d’échelle seront tels que cela insufflera un espoir nouveau pour l’avenir de notre planète. Reste à savoir si cela sera suffisant pour convaincre les jeunes générations qui achètent de plus en plus vite sur les plateformes numériques, d’autant plus lorsque l’on connaît la volonté du gouvernement chinois d’utiliser la consommation pour doper sa croissance.
Nathalie Bastianelli • fondatrice de WeBelongToChange