Société

Une vie pour la laque dans la Cité interdite
By HOU XUE* | Dialogue Chine-France | Updated: 2022-08-09 16:40:00

Je suis né à Beijing et évidemment, j’ai une prédilection certaine pour la Cité interdite quand on parle de l’Axe central. La Cité interdite, située au milieu de l’Axe central de Beijing, est le plus grand musée du pays en termes de culture et d’art de la Chine ancienne. Elle a été construite la 18e année du règne Yongle sous la dynastie des Ming (1420) et a servi de palais impérial sous les dynasties des Ming et des Qing. Le Musée du Palais, comme on l’appelle maintenant, est le plus grand et le plus complet des ensembles architecturaux anciens en bois au monde. 

Travail sur la laque incrustée d’or (Photo fournie par Hou Xue)

De 2014 à 2016, j’y ai travaillé comme technicien dans l’artisanat de la laque incrustée d’or et de sa décoration. J’ai participé à un projet de coopération dans la restauration et la protection des collections grâce aux technologies de sauvetage et de protection. L’accent avait été mis sur la recherche dans la protection et la reproduction de la collection de laques du Musée du Palais. 

La laque chinoise a une histoire de 8 000 ans et les pièces incrustées d’or sont une catégorie importante de cet artisanat traditionnel. Ces objets étaient destinés à la cour impériale, surtout les meubles et les éléments décoratifs. On trouve par exemple, le panneau avec l’inscription « Franc et Honorable » accroché au Palais de la pureté céleste, le « trône du Dragon » dans la Salle de l’harmonie suprême, ainsi que les lits, les bibliothèques, les boîtes à peinture, et les coiffeuses de la Cité interdite. 

Depuis l’enfance, je prends plaisir à visiter la Cité interdite et écouter les histoires des personnes âgées, et j’ai un profond respect pour son patrimoine. Je le restaure en utilisant principalement l’artisanat traditionnel et mon savoir-faire, afin d’en ralentir ou d’en empêcher la dégradation, et de le préserver et maintenir son aspect original. 

Paravent en laque incrustée d’or symbolisant la longévité (Photo fournie par Hou Xue)

Quiconque a regardé le documentaire Je restaure le patrimoine culturel dans la Cité interdite sait à quel point ce travail est complexe et techniquement exigeant. Il est différent de la création artistique ordinaire et de la fabrication avec une machine. C’est un processus long qui exige de la patience. 

Pour donner un exemple simple, à cette époque, je comblais le bleu qui s’effritait dans une pièce en laque abîmée depuis longtemps. Généralement, la laque de cette couleur doit subir sept ou huit applications, et elle doit être appliquée couche par couche, du clair au foncé, pour parvenir à une saturation des couleurs. Le plus important est qu’il faut le faire à la même heure, au même moment et au même endroit afin de s’assurer qu’il n’y aura pas d’aberration chromatique dans le produit fini. Outre des exigences techniques élevées, la restauration du patrimoine dans la Cité interdite accorde une grande attention à la configuration climatique et géographique, des critères qui proviennent également de l’ancienne tradition de la restauration. 

Modèle de boîte en laque incrustée d’or et une montre incrustée de nacre (Photos fournies par Hou Xue) 

Au cours du processus de restauration, il est nécessaire non seulement d’utiliser les techniques de peinture, de plaquage de l’or et d’incrustation des matières précieuses, mais aussi de comprendre l’histoire derrière chaque objet. Ce patrimoine symbolise l’esthétique d’une époque, et la raison pour laquelle il conserve son attrait après tous ces siècles, c’est qu’il incarne une culture riche et porte en lui un artisanat merveilleux qui a traversé les époques. Ce patrimoine dégage un sentiment de chaleur et sa restauration nécessite de laisser parler ses émotions avec ses mains pour lui redonner vie. 

Il ne s’agit pas seulement d’un métier, c’est aussi un vecteur de transmission culturelle. Sur l’Axe central de Beijing, les maîtres et artisans qui entreprennent la restauration des différents sites du patrimoine sont un maillon de ce patrimoine. Dans notre secteur d’activité, nous nous y adonnons pour la vie, et cet esprit est une richesse spirituelle précieuse accumulée et transmise par la civilisation chinoise.  

*HOU XUE est maître des arts et métiers de Beijing et héritier national de la technique de la laque incrustée d’or 

Numéro 12 avril-juin 2022
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