Le district de Songyang est l’un des lieux les plus chargés en histoire et en culture de la province du Zhejiang. Avec ses 71 villages traditionnels, il est l’unique district pilote du pays engagé dans l’Action de sauvetage de l’habitat ancien. Et il a atteint de brillants résultats dans sa démarche de revitalisation rurale.
En juillet 2018, le forum de Tunpu pour la protection du patrimoine et sa transmission s’est tenu au musée du site Yunfeng Tunpu, dans l’arrondissement de Xixiu à Anshun (Guizhou). Wang Jun, alors secrétaire du Comité du Parti du district de Songyang, y a prononcé un discours sur le thème « La voie vers une revitalisation rurale guidée par la culture », l’occasion pour lui de présenter l’expérience concrète que Songyang a acquise ces dernières années en matière de développement et de protection des villages traditionnels. À l’issue de ce forum, une approche « multi-acteurs » à suivre pour la défense du patrimoine a été définie autour des axes suivants : le gouvernement apporte son soutien, les chercheurs proposent des idées, les ONG organisent des activités, les entreprises mettent en œuvre des projets, et enfin, les villages se développent.
La cour d’une ancienne maison restaurée du village de Houshe (Songyang) a été transformée en maison d’hôtes. (Photo : Yu Xiangjun)
Il faut dire que Songyang se démarque pour ce qui est du soutien gouvernemental. À l’initiative des principaux responsables du district, des travaux de revitalisation rurale ont été menés, et ces efforts ont été confortés par l’introduction de nouvelles politiques, la sollicitation d’experts, la mise à l’essai de mesures et l’analyse des résultats obtenus, avec notamment la mise en place d’un système d’artisanat traditionnel local. Ainsi, les villageois ont pu mieux gagner leur vie et les vieilles bâtisses ont pu être réhabilitées, avec la garantie que le patrimoine architectural local sera rénové et protégé. Dans le même temps, un regain d’espoir et d’attentes a vu le jour parmi les habitants. Tablant sur l’arrivée de nouveaux talents, les autorités locales encouragent ceux partis s’installer dans les villes à revenir dans les zones rurales pour y fonder des entreprises, y organiser des forums de discussion et y ouvrir des maisons d’hôtes, l’objectif étant que les bénéfices tirés du tourisme culturel viennent stimuler le développement industriel.
La culture au cœur des régions rurales chinoises tire sa vitalité des coutumes, des rituels et de la sagesse traditionnelle que les gens ordinaires ont développés au fil de leur existence proche de la nature. Les relations entre zones urbaines et zones rurales sont complémentaires, et de leur distance, il naît un sentiment de beauté et de nostalgie à l’idée de l’héritage culturel laissé derrière. Tout comme de la valeur émerge des interactions entre le passé et le présent, ou encore des différences entre l’artisanat traditionnel et la technologie industrielle.
Les structures en bois du n° 17 Doumi’ao (Songyang) sont en cours de restauration. (Photo fournie par le Musée de Songyang)
Partout dans le monde, la question suivante est au cœur des préoccupations : comment protéger le patrimoine culturel rural tout en favorisant le développement local ? Citons l’exemple de Rempart, qui depuis près d’un demi-siècle, s’investit dans cette cause en travaillant sur des chantiers de protection du patrimoine. Cette organisation s’appuie sur la participation de bénévoles et de résidents locaux pour assurer la sauvegarde, la restauration et la construction du patrimoine. En vue de préserver les 724 villages traditionnels du Guizhou, nous avons allié nos forces pour créer ensemble les chantiers de bénévoles de conservation du patrimoine chinois du Guizhou (surnommé le « camp du Guizhou »).
Cette initiative du camp du Guizhou recrute des bénévoles chinois et français pour mener des travaux collectifs de rénovation de bâtiments ruraux ancestraux. Sous la direction d’artisans du coin, des personnes volontaires (qu’elles soient d’extraction paysanne ou citadine) contribuent depuis une décennie déjà à la restauration d’antiques cours résidentielles chinoises en milieu rural.
Si le camp du Guizhou se traduit par un projet contemporain orchestré par des organisations non gouvernementales (selon une approche allant « de la base au sommet »), qui rappelle le mouvement d’envoi des jeunes instruits à la campagne en Chine, le modèle de Songyang suit une démarche de construction rurale dirigée par le gouvernement (selon une approche allant « du sommet à la base »). En combinant ces deux approches (privée et publique), non seulement la protection du patrimoine architectural local est couverte par une garantie financière, mais aussi les populations rurales deviennent sciemment et volontairement les « gardiens » des anciennes maisons et exploitations agricoles. La revitalisation et le développement ruraux débouchent naturellement sur une conjoncture favorable à long terme.
L’expérience de Songyang et le camp du Guizhou nous invitent à réfléchir à plusieurs questions :
Pour quelle raison s’investir dans la construction rurale ? Tout simplement, pour que perdure la vie rurale traditionnelle. Le délabrement des logis s’explique par la multiplication des habitants et les transports peu pratiques, qui ont conduit les villageois à édifier des « petites villas de style occidental » à l’instar des citadins et à abandonner leur toit d’origine. Il reste de nombreuses structures en pisé et en bois dans les villages traditionnels de Songyang, même si beaucoup ont été abandonnées et se sont effondrées. C’est pourquoi le gouvernement local a constitué des équipes d’artisans locaux dans le cadre de l’Action de sauvetage de l’habitat ancien, afin de remettre en état ces demeures et les revaloriser. Le camp du Guizhou prône de son côté la construction rurale en collectivité, autrement dit, avec l’implication des villageois travaillant la main dans la main, sans affecter l’agriculture et en accord avec le cycle du soleil.
Que construit-on dans le cadre de la construction rurale ? Globalement, toutes les maisons rurales devenues vétustes à Songyang ont été consolidées et restaurées. Les artisans locaux organisés en équipe ont dû travailler dur pour redonner vie aux bourgades. Quant au camp du Guizhou, il cherche par différents moyens à réveiller le savoir-faire d’antan des artisans locaux : il s’agit de sensibiliser à la protection du patrimoine, de démontrer la valeur que renferment les zones rurales et de restaurer les paysages culturels des campagnes.
L’activité reprend pour les artisans de Songyang. (Photo : Yu Xiangjun)
Quels sont les besoins des zones rurales ? Il y a lieu de répondre aux souhaits les plus essentiels des agriculteurs et de révéler la valeur des zones rurales. Celles-ci doivent bénéficier d’une vie prospère, d’un modèle de gestion communautaire s’appuyant sur des règles locales et des codes de conduite populaires, d’un espace public culturel ouvert à la participation de tous, ainsi que d’un paysage culturel avec l’agriculture comme base ; le tout guidé par une sensibilisation aux valeurs de protection du patrimoine architectural local.
À qui s’adresse la construction rurale ? À Songyang, les principaux acteurs intervenant dans la réhabilitation des vieilles bâtisses rurales ne sont autres que les équipes composées d’artisans locaux et de villageois. La construction rurale vise donc en particulier à transmettre les savoir-faire traditionnels.
Le charme culturel des zones rurales réside dans l’inextricable relation entre les hommes et leurs terres. Il renvoie aux riches coutumes populaires d’une « société d’entraide » née du modèle de subsistance traditionnel. J’ai participé un jour à un forum sur la culture rurale dans un sanctuaire des ancêtres à Songyang. Des experts de l’Institut provincial de conception et recherche d’architecture ancienne du Zhejiang y ont décrit le processus de réparation et de rénovation des vieilles demeures à Songyang. L’assistance était majoritairement composée de villageois du coin. Et au fil des échanges avec les experts, ces villageois ont pris conscience de la splendeur et de la valeur culturelles de leur campagne.
Faut-il maintenir un équilibre entre architecture, art, culture, etc. dans les zones rurales ? La solution pour maintenir un bon équilibre est de veiller à ne pas ternir le paysage culturel. L’invasion des objets modernes doit être confrontée à la culture et aux coutumes locales méritant notre respect, pour éviter que l’un prenne le pas sur l’autre. Le parc des bambous au jardin de thé de Songyang est une belle installation artistique reflétant cet idéal.
Quel rôle avons-nous à jouer dans les zones rurales ? La communauté créée à Songyang (auquel ce « nous » fait référence) rassemble, entre autres, des villageois, artisans, architectes, artistes et dirigeants locaux. Contrairement au camp du Guizhou où des bénévoles débarquent dans les campagnes pour défendre une cause d’utilité publique, à Songyang, ce sont les locaux qui agissent comme des « bâtisseurs », et par là même, comme les protagonistes du développement rural.
*YUE JIAN