Société

La prospérité passe par les pommes
By XIA YUANYUAN* | Dialogue Chine-France | Updated: 2024-04-15 15:49:00

La vente de pommes bat son plein à l’approche de la fête du Printemps au village de Desheng Youliang, relevant du canton de Nuanshui, dans la bannière de Jungar, à Ordos (Mongolie intérieure). À proximité de l’entrepôt frigorifique d’une capacité de plus de 2 000 m3 construit par le collectif villageois, les employés s’affairent au ramassage, à l’emballage et au chargement des pommes. 

Hua Shengming cueille des pommes. 

Il était autrefois difficile d’y développer une agriculture traditionnelle car le grès recouvre plus de la moitié de la superficie de Nuanshui. Avec la plantation des premiers pommiers dans les années 1990, le secteur de la pomme a commencé à apporter la prospérité. 

Des pommes adaptées aux conditions locales 

Le grès est une roche sédimentaire issue de l’agrégation de grains de taille majoritairement sableuse. Lorsqu’il est exposé à l’eau, il devient boueux ; au vent, il se transforme en sable. Les inondations entraînent à la fois les sédiments et le sable qui se déversent dans le fleuve Jaune. Nuanshui était autrefois connue pour son érosion. C’est pour cela qu’en 2009, les autorités ont procédé à des mesures de réinstallation et de relocalisation. La communauté de Juxin a hébergé les villageois, qui se sont retrouvés confrontés à des difficultés financières en raison du manque d’activité dans l’agriculture et l’élevage. 

Des pommiers de Nuanshui 

Dès 2015, Hua Shengming, qui était à l’époque secrétaire de la cellule du Parti du village de Desheng Youliang, s’est inspiré de l’expérience réussie dans la plantation de pommiers sur des sols en grès dans les années 1990, et en a recommencé l’exploitation. « La roche est très dure et nous ne pouvons pas utiliser de pelles. Nous utilisons des pioches pour creuser des trous petit à petit dans les crevasses », explique-t-il. Il a fallu sélectionner les graines, mettre les plants en terre, arroser, désherber et se servir de fertilisants chaque jour. Chaque étape devait être répétée par tâtonnement. Contre toute attente, le sol de la dépression montagneuse du village s’est avéré meuble. Le grès retient l’eau et permet l’aération. Il est aussi riche en oligo-éléments. De plus, la longue période d’ensoleillement tout au long de l’année et l’écart de température entre le jour et la nuit est propice à la culture des pommes de montagne. 

Les villageois ont donc commencé à planter des pommiers sur une grande superficie. Le taux de survie s’est progressivement amélioré et les autorités de la bannière de Jungar ont fourni des conseils techniques, construit des routes, installé l’eau et l’électricité ainsi que d’autres infrastructures pour le développement sain et ordonné du secteur. Les pommiers s’étendent aujourd’hui sur 2 300 mu (1 mu = 1/15 ha). 

« Nos pommes ont une teneur élevée en eau et en sucre avec une forte saveur fruitée », note M. Hua. Elles s’écoulent rapidement sur le marché grâce à leur goût unique, précise-t-il. « Les vergers fixent le sable, empêchent l’érosion des sols et purifient l’air, transformant totalement l’écologie fragile de Nuanshui », remarque Wang Long, le chef du canton. Selon lui, le développement durable du secteur de la pomme est devenu la meilleure solution pour la protection et la restauration écologique locale. 

Des pommes en or 

Les vergers ont été comme une manne financière. M. Hua en a été l’un des bénéficiaires. D’un verger de pommiers de 40 mu en 2015, il en récolte aujourd’hui sur une superficie de 100 mu. « Mon verger me rapporte désormais 1,4 million de yuans par an et un bénéfice net de 900 000 yuans. » 

Les villageois ont aussi pu améliorer leurs revenus grâce aux arbres fruitiers. En 2019, avec le soutien des autorités locales, 82 ménages ont créé une coopérative et décidé de développer un verger collectif de 150 mu. Les membres qui ont cédé à la coopérative les droits forfaitaires sur leurs terres reçoivent 25 % des bénéfices nets et le solde est affecté aux actions d’utilité publique au niveau du village, ainsi qu’à son développement économique. 

La pomme est aujourd’hui un pilier économique de Nuanshui. On y récolte plus d’une vingtaine de variétés. La récolte annuelle peut atteindre jusqu’à 5 000 tonnes avec des bénéfices dépassant 80 millions de yuans, dont 3 millions de yuans sont versés au collectif villageois. 

Les vergers du village ont tous reçu le label alimentaire bio, ce qui leur ouvre un marché considérable. Nuanshui a également lancé la marque « Monts de Nuanshui », la première marque publique régionale de pomme dans l’ouest de la Mongolie intérieure. 

De l’écologie à l’exploitation 

De la plantation au stockage en passant par la transformation et la vente, le secteur évolue vers la spécialisation et la commercialisation. 

Afin de cultiver des pommes de meilleure qualité, de nouvelles modalités de culture et de nouvelles variétés ont été introduites pour standardiser la production. Des ingénieurs agronomes ont aussi été invités à enseigner aux villageois la plantation et la taille des arbres fruitiers, la lutte contre les parasites et la pose de films en plastique. Ils ont dispensé des formations techniques. 

« Auparavant, les villageois utilisaient des méthodes locales et se servaient de leur expérience passée pour cultiver des arbres fruitiers. Après une formation professionnelle dans la foresterie et la fruiticulture, de plus en plus d’exploitants dans le village possèdent des compétences techniques et de gestion », remarque Zhao Yongjun, l’actuel secrétaire de la cellule du Parti du village. 

Ligne de nettoyage des pommes automatisé avant emballage 

Afin de créer davantage de valeur ajoutée, Nuanshui a étendu la chaîne industrielle sur la base d’une exploration continue du marché et établi une ligne de production, de transformation et d’emballage entièrement automatisée pour le vinaigre de fruit et les boissons fruitées d’une capacité annuelle de 750 tonnes de pommes. Un entrepôt frigorifique a été construit, capable de stocker 400 tonnes de pommes pour prolonger leur cycle de vie. Les canaux de vente ont aussi été élargis grâce au commerce électronique, permettant aux pommes d’atteindre un marché plus vaste. 

La région coopère également avec l’Université de l’agriculture de Chine pour numériser la production et créer une base intelligente. « À l’avenir, grâce au défilement en temps réel des données sur grand écran, les exploitants seront en mesure de détecter rapidement les besoins en eau et en engrais dans les vergers. Le numérique permettra d’améliorer davantage la qualité et l’efficacité », se réjouit M. Zhao. 

Nuanshui a par ailleurs planté notamment 200 000 mu d’argousiers et 28 000 mu d’abricotiers, faisant de la région une « banque verte » permettant aux habitants d’augmenter considérablement leurs revenus.  

*XIA YUANYUAN est journaliste à La Chine au présent 

 

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