La Chine est aujourd’hui le moteur de la transition énergétique mondiale, surpassant tous les autres pays dans l’atteinte de ses objectifs et le partage de ses innovations avec la communauté internationale. Avec ce papier, nous allons voir que cette prise de conscience a débouché sur une série d’actions concrètes et une ambition soutenue par l’excellence de son industrie, guidée par une politique du long terme en phase avec son modèle de partage pour une communauté de destin pour l’humanité plus verte, notamment avec les pays de l’initiative « la Ceinture et la route » (ICR).
Une prise de conscience nationale
Ces dernières années, tous les observateurs sont unanimes, la transition énergétique sera une composante incontournable des politiques publiques à travers le monde. Le défi est avant tout de sensibiliser chacun aux enjeux communs auxquels nous faisons face. La Chine a récemment publié un livre blanc intitulé Transition énergétique de la Chine pour documenter les réalisations du pays dans le domaine au cours de la dernière décennie. Depuis les années 2000, la Chine investit des efforts considérables pour sa transition énergétique, confrontée à la nécessité de réduire sa dépendance aux combustibles fossiles, notamment le charbon, tout en répondant à une demande énergétique en constante croissance. En parallèle, le gouvernement chinois a promu la fermeture progressive des petites mines de charbon et des centrales thermiques obsolètes, tout en renforçant les normes environnementales pour les installations restantes. Le pays a également mis en place des programmes ambitieux d’efficacité énergétique, visant à réduire la consommation de charbon dans les industries lourdes et dans les grands espaces urbains. De plus, la Chine a lancé des projets de captage et de stockage du carbone pour atténuer les émissions des centrales au charbon encore en activité. Cette prise de conscience a été accélérée par l’hypocrisie occidentale qui désignait la Chine comme premier pollueur tout en omettant de dire que le pays était l’usine du monde depuis 30 ans. En réalité, si l’on considère les émissions par habitant, la Chine n’est pas le premier pollueur. Elle est le plus grand émetteur global de gaz à effet de serre en raison de sa grande population et de son économie en expansion rapide, alors que le pic industriel en Europe a été atteint dans les années 1990. En 2021, les émissions de CO2 par habitant en Chine étaient d’environ 8 tonnes par an, un chiffre inférieur à celui de nombreux pays développés. Par exemple, les États-Unis avaient des émissions par habitant d’environ 15 tonnes par an, et certains pays du Moyen-Orient comme le Qatar ou les Émirats arabes unis enregistraient des chiffres encore plus élevés.
Comme le souligne le livre blanc, l’intensité énergétique du pays a régulièrement diminué au cours de la dernière décennie, aboutissant à des économies d’énergie équivalant à environ 1,4 milliard de tonnes de charbon et réduisant les émissions de dioxyde de carbone d’environ 3 milliards de tonnes. Ces efforts visent aussi à répondre au désir croissant du peuple chinois de bénéficier d’une vie meilleure et de garantir l’équilibre avec la poursuite du développement socio-économique du pays.
L’avènement du renouvelable chinois
La Chine a massivement investi dans les énergies renouvelables, devenant le leader mondial en termes de capacité installée d’énergie solaire et éolienne. Le pays a également accéléré le développement des infrastructures pour véhicules électriques, tout en promouvant l’efficacité énergétique dans les secteurs industriels et urbains. Malgré ces progrès, la transition reste complexe, avec un mix énergétique encore dominé par le charbon. Cependant, les politiques récentes indiquent un engagement ferme vers la neutralité carbone d’ici 2060.
L’expansion de l’éolien en Chine a été rapide et impressionnante. En 2005, la capacité éolienne installée en Chine était d’environ 1,3 GW. En 2023, ce chiffre a dépassé les 440 GW, représentant plus du tiers de la capacité éolienne mondiale. Cette croissance a été soutenue par des politiques gouvernementales favorables, incluant des subventions, des tarifs d’achat garantis pour l’énergie éolienne, et des objectifs nationaux ambitieux. La topographie du pays et ses vastes espaces naturels ont facilité l’installation des infrastructures nécessaires. Les parcs éoliens chinois sont principalement concentrés en Mongolie intérieure, dans le Gansu et le Xinjiang, où les ressources éoliennes sont abondantes. Cependant, cette concentration dans des régions éloignées a posé des défis en matière de transport de l’électricité vers les centres urbains de consommation situés sur la côte est. Pour surmonter ces défis, la Chine a investi massivement dans les infrastructures de réseau électrique, notamment les lignes à ultra-haute tension pour transporter l’électricité sur de longues distances. En plus des installations terrestres, la Chine a également fait des progrès significatifs dans l’éolien offshore. Elle est devenue le plus grand marché pour l’éolien en mer, avec des projets de grande envergure le long de ses côtes. En 2021, la capacité éolienne offshore de la Chine a dépassé celle du Royaume-Uni, la plaçant en tête dans ce domaine. L’innovation a joué un rôle clé, soutenue par des investissements dans la recherche et le développement pour améliorer l’efficacité des éoliennes et réduire les coûts. Des entreprises chinoises comme Goldwind et Mingyang figurent parmi les plus grands fabricants mondiaux d’éoliennes, produisant des machines de plus en plus puissantes et adaptées aux conditions locales.
Autre secteur clé, le développement de l’énergie solaire. Celui-ci a débuté sérieusement au début des années 2000, mais a pris un élan considérable après 2010. En 2013, la Chine a dépassé l’Allemagne pour devenir le plus grand marché mondial de l’énergie solaire. En 2023, la capacité solaire installée en Chine a dépassé 600 GW, représentant plus de 40 % de la capacité solaire mondiale. Cette croissance rapide est le résultat de politiques gouvernementales robustes, telles que des subventions et des incitations fiscales. La Chine est devenue le principal producteur mondial de panneaux solaires, représentant plus de 70 % de la production mondiale. Des entreprises comme JinkoSolar, Trina Solar, et LONGi ont émergé comme des leaders mondiaux, produisant des panneaux solaires à des coûts compétitifs, ce qui a facilité l’expansion du solaire en Chine et à l’étranger. Les installations solaires en Chine sont réparties dans tout le pays, mais les plus grandes concentrations se trouvent, comme pour l’éolien, dans les régions occidentales telles que le Xinjiang, le Qinghai et le Gansu, où l’espace et la luminosité sont abondants. Ces régions abritent certains des plus grands parcs solaires du monde, tels que le parc solaire de Tengger, surnommé le « Great Wall of Solar », avec une capacité de plus de 1,5 GW.
La Chine a également innové avec des projets solaires flottants, comme celui du lac de l’ancienne mine de charbon de Huainan (Anhui), qui est l’un des plus grands parcs solaires flottants au monde. En 2021, l’énergie solaire représentait environ 4 % de la production totale d’électricité en Chine, un chiffre en forte augmentation chaque année.
Le partage grâce à « la Ceinture et la Route » verte
L’initiative « la Ceinture et la Route » verte est une extension écologique de l’ICR. Cette version « verte » se concentre sur le développement durable, la réduction de l’empreinte écologique des projets, et la promotion des énergies renouvelables.
Le 9e Forum sur la coopération sino-africaine (FCSA), principale rencontre de l’année entre dirigeants africains et chinois, s’est tenu à Beijing du 4 au 6 septembre 2024. Les chefs d’État et délégations de 53 pays du continent africain se sont rendus dans la capitale chinoise pour y assister. Le président chinois a annoncé un plan d’action 2025-2027 pour investir au total 46 milliards d’euros dans dix programmes de coopération aux thématiques variées dont le secteur de l’énergie et du développement vert.
La Chine a fortement investi dans des projets d’énergies renouvelables dans les pays partenaires de l’ICR, réduisant ainsi la dépendance aux combustibles fossiles. Parmi les projets notables, le parc solaire de Benban en Égypte peut être cité. Ce projet, l’un des plus grands parcs solaires au monde avec une capacité de 1,65 GW, est financé en partie par des entreprises chinoises, dans le cadre de l’ICR. Il contribue à l’approvisionnement en énergie propre de l’Égypte et réduit la dépendance au pétrole et au gaz naturel. De nombreux projets éoliens au Pakistan ont également été financés par Beijing dans le cadre du corridor économique Chine-Pakistan (CPEC), une composante clé de l’ICR. Enfin, la centrale solaire Noor au Maroc est un bel exemple de coopération internationale : bien que ce projet soit principalement financé par d’autres entités, la Chine a contribué à son développement via des entreprises impliquées dans la construction et le financement. Noor est l’une des plus grandes centrales solaires thermiques au monde et fait partie des efforts de l’ICR verte pour promouvoir l’énergie propre en Afrique du Nord.
Autre composante à signaler, c’est le rôle de la technologie et de l’innovation porté par la Chine. En effet, l’ICR verte inclut des projets de transfert de technologies vertes et de savoir-faire dans les domaines de l’énergie propre et de la gestion des déchets. La Chine investit dans le transfert de technologies pour le stockage de l’énergie, un aspect important pour les projets d’énergies renouvelables. Des initiatives sont en cours en Asie centrale par exemple, au Kazakhstan, la plus grande économie d’Asie centrale, les entreprises chinoises jouent un rôle toujours croissant dans les efforts de transition verte. Le Kazakhstan vise à faire de l’économie verte un principe clé de sa politique économique et s’est fixé comme objectif que la part des énergies renouvelables atteigne 15 % d’ici 2030.
Dans le domaine de l’aménagement du territoire et des villes du XXIe siècle, plusieurs projets de villes intelligentes font partie de l’ICR verte, où la Chine aide à construire des infrastructures urbaines plus écologiques et efficaces. Cela inclut des systèmes de transport public électrique, des bâtiments à faible consommation d’énergie, et des réseaux intelligents pour gérer la consommation d’électricité dans des villes en développement. On peut citer la ville de Konza au Kenya, à 70 km de la capitale Nairobi, où les investisseurs chinois construisent avec les autorités locales, le futur hub high-tech du pays.
Enfin, pour soutenir cette dynamique verte, il faut des mécanismes de financement écologique pour encourager les projets durables. Les banques chinoises, comme la Banque de développement de Chine et la Banque d’import-export de Chine, ont émis des obligations vertes pour financer des projets environnementaux. Le pays encourage les banques locales dans les pays partenaires à suivre des normes vertes pour les prêts et investissements.
Ce sont donc bien par les actes politiques, les innovations technologiques et les investissements massifs verts que la Chine démontre son ambition d’être un moteur de la transition énergétique mondiale. En partageant ses succès dans le domaine avec le monde, le pays illustre une prise de conscience et sa vision du long terme pour la construction d’une civilisation écologique mondiale. La Chine a porté l’industrie mondiale ces dernières décennies, elle montre dorénavant la voie en matière de responsabilité énergétique.
*ADRIEN MUGNIER est directeur de l’Observatoire français des nouvelles Routes de la Soie, un centre d’étude et de veille sur l’initiative « la Ceinture et la Route ».