Société

Une vie à la carte en Chine
By ZACHARY G. LUNDQUIST, membre de la rédaction | La Chine au présent | Updated: 2024-12-03 14:40:00

« Venant du Sri Lanka, je suis venu pour la première fois en Chine en octobre 1974. Après avoir étudié le chinois pendant un an à l’Institut des langues de Beijing (aujourd’hui l’Université des langues et cultures de Beijing), je suis entré à l’Institut de technologie du Nord-Est (aujourd’hui l’Université du Nord-Est) au Liaoning pour y étudier pendant quatre ans », a déclaré Raja Magasweran, directeur général et cofondateur de la société China Business Associates Inc.

À la fin de ses études, M. Magasweran a dû faire face à la question que tout le monde se pose lorsqu’il étudie à l’étranger : « Que vais-je faire après mes études ? Vais-je rester et travailler ici ou rentrer chez moi ? » À cette époque, la réforme et l’ouverture de la Chine venaient à peine de commencer, et de nouvelles opportunités qui s’offraient à lui l’ont incité à rester en Chine.

Au fil des ans, les politiques publiques visant à faciliter la vie et le travail des étrangers en Chine ont évolué dans un sens favorable. Les mesures en faveur de la main-d’œuvre qualifiée étrangère remontent à la fondation de la Chine nouvelle en 1949, mais il a fallu attendre les années 2000 pour qu’elles entrent dans un cadre institutionnel, plus en phase avec la politique d’immigration du pays. Depuis la fin des années 1970, en particulier depuis le célèbre discours de Deng Xiaoping sur l’introduction du personnel étranger qualifié le 8 juillet 1983, de plus en plus d’experts étrangers ont contribué au développement du pays. Le gouvernement a commencé à élaborer des politiques en matière de gestion et de facilitation de leur séjour, qui constituent aujourd’hui un élément crucial de la politique d’immigration chinoise.

Les principales voies d’accès pour demander une carte de résidence permanente (CRP) avant 2023 concernaient les employés étrangers occupant des postes clés dans une entreprise, le personnel hautement qualifié, les étrangers réalisant un investissement direct relativement important en Chine, et le regroupement familial (conjoint d’un citoyen chinois, enfants célibataires de moins de 18 ans, et personnes âgées de plus de 60 ans qui ont des parents en ligne directe en Chine).

En 2023, le seuil de demande de la CRP a été assoupli. Plusieurs villes de Chine ont mis en place de nouvelles politiques simplifiant considérablement la procédure de demande pour les titulaires de doctorat étrangers. Shanghai et Shenzhen ont été les premières à adopter des mesures de demande de CRP accélérée pour les étrangers titulaires d’un doctorat, que Beijing et Guangzhou ont adoptées dans la foulée.

Aujourd’hui âgé de 70 ans, Raja Magasweran passe encore une grande partie de son temps à travailler chez lui sur les projets des entreprises qu’il aide à démarrer. 

Tirer la bonne carte 

Après avoir décidé de rester en Chine, M. Magasweran a suivi le processus de changement de son visa d’étudiant en visa de travail et a créé plusieurs entreprises à Beijing au cours des années suivantes, notamment California Trade Delegations Inc. et China Business Associates Inc. De 1979 à 1982, California Trade Delegations a permis l’entrée en Chine de 128 entreprises et investisseurs, comme Control Data Corporation et IBM.

Dans les années 1980, lorsque ses enfants ont atteint l’âge de scolarisation, sa famille a décidé de déménager à San Francisco pour demander le statut de résident permanent américain. Mais M. Magasweran partageait son temps entre Beijing et San Francisco pour gérer ses entreprises. En 2006, il est retourné définitivement en Chine. Finalement, en 2019, il a demandé la CRP, puis la carte « cinq étoiles », délivrée pour la première fois en 2023, qui peut être utilisée comme document d’identité autonome en Chine. Elle est valable dix ans et les titulaires de la carte peuvent résider en permanence en Chine pendant cette période avec le statut de résident permanent et également travailler sans avoir à demander un permis de travail.

Le Hongrois Steven Back est arrivé en Chine il y a près de vingt ans. Il travaille dans le secteur culturel à Shanghai en tant que PDG de la société Back & Rosta, spécialisée dans la numérisation culturelle et les solutions intelligentes pour les musées. Il est également le représentant général du Musée national de Hongrie en Chine. Son travail l’a amené à parcourir toute la Chine, travaillant dans divers musées chinois.

M. Back s’intéressait déjà à la langue et la culture chinoise grâce à ses interactions avec ses nombreux amis chinois dans son pays d’origine. L’apprentissage du chinois a été une expérience unique qui lui a permis de comprendre la Chine en profondeur.

Dès son plus jeune âge, M. Back rêvait de voyager. Il a fait ses études universitaires aux Pays-Bas où il a rencontré sa femme, une Chinoise de Shanghai. Ils se sont rendus à Shanghai en 2005 pour s’y installer. M. Back travaillait alors dans une entreprise technologique hongroise. C’est à ce moment-là qu’il a vu l’environnement de travail à Shanghai s’améliorer progressivement au fil des ans. Ainsi, le Bureau des experts étrangers de la ville propose souvent des services linguistiques et organise des réunions pour aider les nouveaux arrivants à mieux comprendre les mesures gouvernementales.

En 2016, M. Back a fait la demande de CRP en étant conjoint d’une citoyenne chinoise, puis la carte « cinq étoiles » que Shanghai lui a délivrée pour la première fois en 2023. Il constate qu’il est désormais beaucoup plus facile d’inviter sa famille de Hongrie à lui rendre visite. L’achat de billets de train et d’avion est également plus pratique et, lors de son retour en Chine, il peut utiliser le canal E, le service automatisé de contrôle des passagers à l’immigration.

De plus, à partir du 14 mars 2024, les détenteurs d’un passeport ordinaire hongrois pourront se rendre en Chine sans visa pendant 15 jours maximum pour des raisons professionnelles, touristiques, familiales ou de transit. Il est donc beaucoup plus commode d’inviter des directeurs de musée et des experts à participer à des activités culturelles, qui constituent une partie essentielle de son travail.

Kirill Solonin, professeur de russe à l’Université Renmin de Chine à Beijing, a été l’un des premiers à demander la carte « cinq étoiles ». Il en aime le design, qui intègre les cinq étoiles du drapeau national et un segment de la Grande Muraille, deux images emblématiques de la Chine, et a déclaré qu’il voulait en faire la demande depuis longtemps.

« Le processus de demande n’est pas compliqué du tout », a-t-il déclaré. « Je fais de la recherche universitaire en Chine depuis environ dix ans, et la plupart de mes travaux universitaires ont été faits en Chine. Depuis que j’ai obtenu cette carte, je me sens très heureux, comme si c’était une reconnaissance de la part du pays. »

Le Pakistanais Zafar Hayat Khan est professeur à l’Université normale de Nanning, dans la province sud du Guangxi. Il se consacre à la recherche et à l’enseignement dans le domaine des fluides thermiques depuis 2006. Parlant de la façon dont la carte « cinq étoiles » lui facilitait la vie, il souligne qu’il n’avait dorénavant plus besoin de renouveler périodiquement son visa comme il le faisait auparavant.

En plus d’assouplir les restrictions sur les CRP, d’ouvrir davantage d’opportunités commerciales et de réduire les restrictions sur les visas d’entrée en provenance de certains pays, la Chine a également créé des « communautés internationales de talents » (CIT) pour répondre à leurs besoins. Beijing a par exemple créé plusieurs communautés de ce type, notamment celle dans la zone de développement économique de Beijing, dans le sud de la capitale, qui fournira environ 7 000 appartements aux talents étrangers en fin de l’année. L’arrondissement de Haidian, qui souhaite attirer des talents internationaux de haut niveau dans différents domaines, a commencé à construire une CIT pour sa Cité des sciences de Zhongguancun en 2017, agréable à vivre, à travailler, à apprendre et à créer.

Steven Back est de retour sur les rives du fleuve Huangpu à Shanghai, la ville où il a élu domicile. 

Une carte maîtresse 

« Lorsque nous réfléchissons aux changements qui pourraient être apportés, nous devons prendre en considération le chemin parcouru par la Chine depuis le début des années 1980 jusqu’à aujourd’hui, en 2024 », remarque M. Magasweran en évoquant les suggestions pour améliorer l’environnement de travail en Chine. Le gouvernement chinois continue d’améliorer les conditions de vie et de travail des professionnels étrangers et préconise à toute personne envisageant de travailler en Chine de passer plus de temps à essayer de comprendre la culture et la langue du pays.

M. Back se réjouit des changements qui peuvent être apportés, se demandant si un jour, une carte similaire à la carte « cinq étoiles » pourrait être émise aux personnes travaillant en Chine pour une courte période, et servirait de pièce d’identité locale reconnue. Alors que la Chine continue de développer des politiques visant à attirer les talents internationaux et à améliorer l’environnement de vie et de travail de ceux déjà présents, il est important de connaître tout le chemin parcouru et celui qui reste à faire.

Numéro 21 juillet-septembre 2024
Les 60 ans de relations diplomatiques CHINE-FRANCE
Lumière sur le Manhandiao et le Gaoqiang
La mélodie de l'harmonie
Qu'est-ce que la ténacité chinoise ?
Liens