« Les émissions annuelles de CO2 d’une vache sont d’environ 2,4 tonnes, ce qui équivaut aux émissions d’une petite voiture ordinaire parcourant en moyenne 10 000 kilomètres par an. Passer de la consommation de viande rouge comme le bœuf à celle de la viande blanche comme le poulet peut réduire efficacement les émissions de CO2 », remarque Zhang Ning, professeur à l’Institut des sciences interdisciplinaires avancées de Weihai de l’Université du Shandong.
Bouteilles en plastique usagées dans une usine de recyclage à Quetta (Pakistan), le 8 septembre 2024
Zhang Ning et ses collègues ont récemment collaboré avec des chercheurs étrangers pour quantifier la responsabilité de la surconsommation mondiale dans la transgression des limites planétaires et proposé le concept de développement durable consistant à contrôler la consommation mondiale dans le cadre des limites planétaires. Ils ont ainsi posé des bases en termes de théorie et de données pour l’utilisation durable des ressources et de l’environnement terrestres. Les résultats de ces recherches ont été publiés dans la revue Nature.
À qui incombe la responsabilité ?
Au début, la recherche universitaire sur la comptabilisation des émissions de CO2 se concentrait sur la production. Depuis 2015, la recherche de l’utilisateur final et de la responsabilité a pris de plus en plus d’importance, et les chercheurs se sont tournés vers le comportement des consommateurs. Parmi eux, Zhang Ning et les professeurs Zhong Honglin et Tian Peipei ont porté leur attention sur le problème de la consommation énergétique dans les pays développés.
Découpe à l’abattoir moderne Teterower Fleisch de Danish Crown à Teterow, dans le Mecklembourg-Poméranie occidentale (Allemagne), le 31 juillet 2024
Afin de mieux faire face au changement climatique, les chercheurs ont proposé diverses méthodes de taxation des émissions de CO2. Cependant, en raison des différences de revenus et de modes de consommation, les responsabilités de chacun en matière de consommation énergétique et d’émissions de CO2 ne sont pas les mêmes. Les chercheurs ont étudié des échantillons classés en fonction de l’âge et du revenu dans 31 pays développés, simulé l’impact des taxes carbone sur différents groupes, avant de conclure pour la première fois que la taxe carbone aurait le plus grand impact sur les personnes âgées à faible revenu. La recherche a attiré l’attention sur les questions d’équité en matière d’atténuation du changement climatique.
Les recherches ne se limitent aux pays développés, mais chaque citoyen de la planète est responsable des problèmes énergétiques. Les dernières recherches ont été étendues à 168 pays pour créer une gigantesque base de données mondiale sur la consommation.
La difficulté d’intégrer des données
Derrière une base de données aussi énorme se cache un processus complexe d’intégration des données.
Les chercheurs ont souhaité s’étendre à 168 pays sur la base des données de 116 pays précédemment compilées par la Banque mondiale. Chaque pays a cependant des normes statistiques différentes et la confirmation des critères statistiques affecte les résultats expérimentaux. Il est difficile d’intégrer des données multivariées. De plus, étant donné que chaque pays n’enquête pas la même année, il est encore plus difficile d’analyser les données avec des normes d’évaluation unifiées. Le processus d’établissement d’une base de données ne ressemble pas à une avancée théorique. Parfois, une inspiration soudaine peut soudain faire naître une idée. « Il ne s’agit pas d’un gros problème plus un petit problème, mais de cent petits problèmes, et chaque point doit être résolu étape par étape », explique Zhang Ning. Il faut alors vérifier les articles, étudier les méthodologies et comprendre les méthodologies des tableaux entrées-sorties des données. Les chercheurs ont finalement utilisé la base de données sur la consommation mondiale de la Banque mondiale, la base de données GTAP (Global Trade Analysis Project) couvrant les tableaux entrées-sorties multirégionaux dans le monde, puis ont incorporé les données d’Eurostat, les données d’enquêtes auprès des ménages du Japon et de la République de Corée. Il aura fallu près de six mois pour enfin bâtir la base de données.
Le supermarché « Le Super tout nu » adopte une approche « zéro déchet » à Labège (Haute-Garonne), le 1er juin 2024.
Cependant, après avoir établi des données exhaustives et procédé à la comptabilité de l’empreinte environnementale écologique et à l’analyse des disparités au sein des différents groupes de consommateurs, il a fallu proposer un plan réalisable de transformation de la consommation durable. Pour cela, les chercheurs ont fixé les limites planétaires.
En 2009, la communauté scientifique a formulé le concept de limites planétaires. Il s’agit des seuils à ne pas dépasser, sous peine de provoquer des modifications brutales et irréversibles des équilibres naturels. Ces seuils incluent le changement climatique, l’érosion de la biodiversité, la perturbation des cycles de l’azote et du phosphore, le changement d’usage des sols, le cycle de l’eau douce, l’introduction d’entités nouvelles dans la biosphère, l’acidification des océans, l’appauvrissement de la couche d’ozone, et l’augmentation de la présence d’aérosols dans l’atmosphère. Ces seuils interagissent de manière complexe. Les scientifiques estiment que ces seuils sont essentiels au maintien d’un système planétaire stable et vivable, et que leur conservation peut garantir « un espace sûr pour le développement humain ».
Les chercheurs ont révélé que l’empreinte environnementale de 10 % des groupes de consommateurs les plus riches au monde est de 4,2 à 77 fois supérieure à celle des 10 % des consommateurs les plus pauvres. Entre 51 à 91 % des obligations liées aux violations contractuelles des limites planétaires peuvent être attribuées à 20 % des groupes de consommateurs les plus importants à l’échelle mondiale.
Face à une consommation aussi inégale, les chercheurs souhaitent appeler les groupes de gros consommateurs à réduire raisonnablement leurs comportements de consommation et à améliorer l’efficacité de la consommation dans une perspective mondiale. « Si les 20 % des principaux groupes de consommateurs mondiaux réduisent leur consommation excessive et modifient leurs modes de consommation, la pression environnementale mondiale sera réduite de 25 % à 53 % », estime Zhong Honglin.
La question des recommandations
En novembre 2023, après avoir révisé pendant près de huit mois la première ébauche de la version précédente du journal, ils ont décidé de s’attaquer à la revue Nature.
Il faut savoir qu’il n’est pas facile de publier les résultats de la recherche économique et politique dans les meilleures revues. Au total, trois évaluateurs étaient chargés de lire le manuscrit. Face aux inégalités significatives de consommation révélées dans l’article, le critique s’est concentré sur « les recommandations formulées par l’article ».
Le changement climatique et le développement durable sont des enjeux mondiaux. Chaque pays présente un contexte culturel différent, il fallait donc présenter une proposition qui puisse être acceptée par tous les pays, ce qui est devenu une question clé à considérer. Après discussions et consultations, les chercheurs ont décidé de procéder dans une perspective mondiale et de ne pas prendre en compte les intérêts des seuls pays développés, mais également de protéger les intérêts des pays en développement et sous-développés. La recommandation finalement contenue dans l’article de « préconiser des modes de consommation verts et sains pour les grands consommateurs » a été unanimement acceptée par les collaborateurs et les évaluateurs.
La question de savoir qui doit assumer la plus grande responsabilité dans la réduction des émissions de CO2 et dans l’impact sur l’environnement écologique entre les pays développés et les pays en développement nécessite une réponse plus juste. Les chercheurs estiment que les voix appelant à l’équité seront davantage entendues par un nombre croissant de personnes.
*LIAO YANG est journaliste à China Science News, WANG BINGDI est stagiaire à China Science News