Discours de l'Ambassadeur Lu Shaye à l'occasion des échanges avec le Cercle franco-chinois
By Lu Shaye | Ambassade de Chine en France | Updated: 2020-09-11 10:44:00
Lu Shaye Ambassadeur de Chine en France

 

Le 8 septembre 2020, l'Ambassadeur Lu Shaye a échangé avec le Cercle franco-chinois et a prononcé un discours. Voici l'intégralité de son discours :

M. Laurent Fabius, Président du Conseil Constitutionnel,

M. Bernard Accoyer, ancien Président de l’Assemblée Nationale,

M. Jacques Van Minden, Président du Cercle Franco-Chinois,

Mme la Maire du 8ème Arrondissement,

Chers amis du Cercle franco-chinois,

Je suis très heureux d’être ici ce soir pour échanger avec vous. Je tiens, à cette occasion, à exprimer mes sincères remerciements et toute mon estime au Cercle franco-chinois pour sa contribution de longues années à l’amitié sino-française.

Depuis le début de cette année, la COVID-19 a fait des ravages dans le monde, contaminant plus de 26 millions de personnes et causant près de 900 000 décès. L’humanité est plongée dans la crise la plus grave depuis la Seconde Guerre mondiale, dont les impacts dépassent de loin le domaine sanitaire. Cette crise a non seulement affecté sérieusement l’économie mondiale et provoqué la pire récession depuis 1929, mais a également ravivé les tensions dans les relations internationales, en particulier celles entre la Chine et les États-Unis. Ce qui est au grand dam du monde entier, c’est que, face à la gravité de la situation sanitaire dans le pays, le gouvernement des États-Unis, première puissance mondiale, au lieu de sauver des vies et de lutter contre la pandémie, se sont affairés à lancer une « nouvelle guerre froide » contre la Chine. L’administration Trump politise délibérément l’épidémie et stigmatise la Chine. Elle recourt au pouvoir de l’État pour persécuter les entreprises chinoises de haute technologie d’une manière inédite. Après avoir bloqué Huawei, l’administration Trump a récemment forcé TikTok, une Appli chinoise de partage de courtes vidéos, à vendre ses activités aux États-Unis. En intensifiant la campagne « réseau propre », elle tente de faire tomber un « rideau de fer numérique » pour bloquer l’accès des entreprises chinoises telles que WeChat, Tencent et Alibaba au marché américain des services numériques.

Certains pourraient dire que la Chine ne permet non plus à Google, Twitter ou Facebook d’entrer au marché chinois. C’est faux. Si ces géants numériques américains ne sont pas présents au marché chinois, c’est parce qu’ils ne voulaient pas respecter les lois chinoises. Cependant, les entreprises chinoises ont toujours observé les lois américaines mais ont été brutalement bannies par les États-Unis. Pour barrer les progrès économique et technologique de la Chine, et retarder, voire stopper sa montée en puissance, les États-Unis, passant outre toutes les règles et insoucieux de leur image, ensevelissent dans l’oubli les principes de libre marché et de concurrence loyale qu’ils avaient prêchés avec ardeur.

À l’ère de la mondialisation où tous les pays sont interdépendants, l’approche de l’administration Trump revient à « se tirer une balle dans les pieds ». C’est non seulement stupide, mais aussi extrêmement irresponsable. Forcer le « découplage », provoquer à dessein une « nouvelle guerre froide » et contraindre les différents pays à prendre parti entre la Chine et les États-Unis : toutes ces tentatives vont non seulement à l’encontre des intérêts fondamentaux de la Chine et des États-Unis, mais encore empoisonnent l’atmosphère des relations internationales, mettent en danger la paix et la stabilité mondiales et contreviennent au progrès de l’humanité. Le développement de la Chine a pour but de procurer une meilleure vie à son peuple, et non pas de dominer le monde. La Chine ne veut pas devenir « numéro un » et les États-Unis ne veulent pas devenir « numéro deux ». Les deux pays pourraient totalement coexister en paix. Mais la Chine a un droit inaliénable de se développer. Certains qualifient de « dures » et d’« agressives » les actions de la Chine visant à se défendre face aux attaques américaines. C’est inverser le noir et le blanc. La Chine souhaite travailler avec les États-Unis pour remettre, par un dialogue constructif et sur un pied d’égalité, les relations bilatérales sur la bonne voie de non-conflit, de non-confrontation, de respect mutuel et de coopération gagnant-gagnant.

La Chine et l’Europe sont acteurs actifs du système international, en lui apportant des soutiens et contributions. Nous sommes deux forces importantes stabilisatrices dans le monde. Certes, nous avons des différences et des divergences, mais nous avons surtout des convergences et des intérêts communs, et notre coopération dépasse de loin la concurrence. La Chine et l’Union européenne sont des partenaires stratégiques globaux à long terme et non pas des rivaux systémiques. Dans le contexte de la COVID-19, la Chine et l’Europe, en tant que deux forces majeures, deux grands marchés et deux grandes civilisations du monde, doivent travailler encore plus pour surmonter ensemble les difficultés du moment, au lieu de tomber dans le piège d’une « nouvelle guerre froide ».

La France est une puissance au cœur de l’UE et un partenaire stratégique global de la Chine, jouant un rôle moteur dans les relations Chine-UE. Depuis l’éclatement de la COVID-19, les chefs d’État chinois et français ont eu quatre entretiens téléphoniques, les ministres des Affaires étrangères en ont eu sept, les collectivités locales et les divers milieux de la société des deux pays se sont soutenus et entraidés. Tout cela reflète pleinement la singularité et la qualité des relations sino-françaises.

Le Conseiller d’État et Ministre des Affaires étrangères chinois Wang Yi vient d’effectuer sa première visite officielle en France depuis la crise sanitaire. Les deux parties ont procédé à un échange de vues approfondi sur les questions bilatérales et internationales d’importance majeure et sont parvenues à une large convergence importante sur la coopération sino-française dans la prochaine étape. À l’heure actuelle, la Chine et la France doivent toutes les deux mener à bien la lutte contre la pandémie et la reconstruction économique. Et nous assumons des responsabilités particulières dans la sauvegarde du multilatéralisme, la préservation de la solidarité internationale face à la pandémie, l’édification de l’ordre international dans l’après-COVID-19 et la relance de l’économie mondiale. Par conséquent, nous devons renforcer le dialogue et la coopération stratégiques, et œuvrer ensemble pour que nos deux pays et l’ensemble de la communauté internationale sortent de la pandémie le plus rapidement possible et inaugurent un meilleur développement. Nos deux pays pourront travailler ensemble dans les directions suivantes :

Premièrement, nous devons redémarrer et faciliter de manière sûre la mobilité humaine entre nos deux pays. Compte tenu de la crise sanitaire, nous avons mis en place il y a quelques mois des restrictions d’entrée au territoire national. Avec le prolongement de la lutte contre l’épidémie, nos deux parties ont pris, en concertation, des mesures visant à faciliter la mobilité humaine, afin de contribuer à la reprise des activités économiques et à la stabilisation des chaînes industrielles et d’approvisionnement. Le nombre de vols réguliers entre la Chine et la France a augmenté à 6 par semaine. En matière de visas, l’Ambassade et les Consulats de Chine en France ont mis sur pied des « voies rapides » et délivré plus de 1 000 visas aux hommes d’affaires, scientifiques, chercheurs, enseignants des écoles françaises en Chine et citoyens français ayant des besoins humanitaires urgents. Depuis le 11 août, les citoyens français titulaires d’un titre de séjour chinois valide peuvent demander gratuitement leur visa pour la Chine. Depuis le 4 septembre, les passagers des vols au départ de la France à destination de la Chine doivent présenter un certificat de test négatif au coronavirus pour embarquer. Grâce à la mise en œuvre de cette nouvelle mesure, les déplacements entre nos deux pays seront plus sûrs et plus pratiques. Dans la prochaine étape, la Chine et la France renforceront la coordination de leurs politiques d’entrée au territoire national en fonction de la situation épidémique et des besoins de gestion sanitaire respectifs et mettront en place plus de mesures pour faciliter les échanges, afin d’assurer une coopération soutenue et régulière contre la COVID-19.

Deuxièmement, nous devons promouvoir la coopération économique et commerciale bilatérale. Pour relancer au plus vite la coopération bilatérale et contribuer à la reprise économique dans l’après-COVID-19, la Chine et la France ont tenu le septième dialogue économique et financier de haut niveau en juillet dernier. Nous sommes parvenus à une série de consensus sur la poursuite de la coopération dans le cadre des grands projets dans les domaines clés, tels que l’énergie nucléaire, l’aéronautique, l’aérospatial et la fabrication avancée, sur l’élargissement de la coopération dans l’agriculture, les sciences et technologies et la finance, ainsi que sur l’accès au marché chinois des produits agro-alimentaires français et des institutions financières françaises. Les deux pays ont également réaffirmé leur ferme engagement à élargir l’ouverture mutuelle au niveau du commerce et des investissements, à maintenir un environnement de marché équitable et non discriminatoire et à préserver conjointement le multilatéralisme et une économie mondiale ouverte. Lors de la visite du Conseiller d’État Wang Yi en France, les deux parties ont signé le Protocole d’accord sur l’exportation du matériel génétique aviaire français vers la Chine, et publié la Déclaration commune sur le renforcement de la coopération en matière d’interconnexion des chaînes d’approvisionnement dans le contexte de la COVID-19.

Je tiens à souligner en particulier que la Chine continuera d’œuvrer pour l’ouverture sur l’extérieur et la libéralisation du commerce et des investissements. Le marché chinois offrira davantage de possibilités au développement des autres pays du monde. Pendant la pandémie, malgré les pressions de la récession économique, nous avons choisi d’élargir davantage l’ouverture sur l’extérieur, au lieu de pratiquer le protectionnisme. Aujourd’hui, les activités économiques et la vie sociale ont entièrement repris en Chine. L’économie chinoise a progressé de 3,2% au deuxième trimestre et devrait connaître une croissance positive sur l’ensemble de l’année. Au cours des sept premiers mois, le commerce extérieur chinois a stoppé le recul et regagné du terrain, et les exportations ont augmenté pendant quatre mois consécutifs depuis avril. L’utilisation réelle de capitaux étrangers s’est élevée à 535 milliards de yuans, soit environ 67 milliards d’euros, en hausse de 0,5% en glissement annuel. Selon le rapport rendu public en juin par la Chambre de commerce de l’Union européenne en Chine, 89% des entreprises européennes resteront avec détermination au marché chinois. Le 4 septembre, Schneider Electric a signé en ligne avec la Zone de développement économique et technique de Beijing un accord de coopération portant sur un investissement par Schneider de 100 millions de yuans en vue de la construction d’un parc de fabrication intelligente sino-français. La Chine est déjà devenue le deuxième marché et l’une des trois plus grandes bases de R&D du groupe français dans le monde. Les faits prouvent que dans l’après-COVID-19, les investisseurs internationaux restent optimistes quant aux perspectives de l’économie chinoise et sont pleines de confiance et d’attentes en marché chinois.

Aujourd’hui, on discute en France de la question de la « dépendance excessive de la Chine », et certains demandent que les chaînes de production des produits de santé soient délocalisées hors de Chine. Nous comprenons bien les préoccupations légitimes de la France quant à la « souveraineté économique » et à « l’autonomie stratégique ». À l’ère de la mondialisation, il est naturel que les différents pays fassent valoir leurs atouts respectifs et partagent le travail. Aucun pays ne peut assurer à lui seul une « autonomie » absolue. Un exemple simple : quand la situation épidémique était alarmante en Europe et en Amérique, la Chine a reçu des commandes massives de respirateurs. Cependant, les entreprises chinoises ne pouvaient pas accepter toutes les commandes, car les pièces clés des respirateurs sont importées d’Europe et des États-Unis.

La Chine dispose du système de fabrication le plus complet au monde, mais elle n’a jamais eu l’intention de s’en servir comme un instrument politique pour bloquer quiconque. Depuis l’éclatement de la pandémie, malgré le fait que l’administration Trump ne cesse de rejeter la responsabilité et de faire pression sur la Chine, nous n’avons jamais restreint l’exportation de fournitures médicales vers les États-Unis et avons toujours soutenu énergiquement le peuple américain dans la lutte contre l’épidémie. La Chine a déjà fourni aux États-Unis 26,5 milliards de masques, 610 millions de paires de gants chirurgicaux, 330 millions de combinaisons de protection, 31 millions de paires de lunettes de protection et près de 11 500 respirateurs. La formation des chaînes industrielles, d’approvisionnement et de valeur suivent les règles du marché et doivent être déterminées par le marché.

Dans la prochaine étape, la Chine et la France devront renforcer davantage la coordination politique macroéconomique et la coopération concrète et promouvoir une ouverture mutuelle de haut niveau. En juin dernier, la Chine a encore réduit la liste négative des investissements étrangers et élargi l’ouverture des secteurs des services, de l’industrie manufacturière et de l’agriculture. Au second semestre de 2020, nous assouplirons les conditions d’accès au marché dans les secteurs financier, éducatif, culturel et médical. La Chine traitera les entreprises chinoises et étrangères sur un pied d’égalité et perfectionnera davantage son système de protection des droits de propriété. Nous espérons que la France fera également preuve de bienveillance et d’ouverture à l’égard des investisseurs chinois. Sur la 5G, la Chine espère que la France s’en tient à une politique ouverte, transparente et non discriminatoire, et accorde aux entreprises chinoises en France, comme Huawei, un accès égal aux opportunités de développement.

Troisièmement, nous devons défendre conjointement l’équité et la justice internationales. Le monde d’aujourd’hui se trouve à un moment critique. En laissant sévir l’unilatéralisme, le monde reviendra à la loi de la jungle. Le système international actuel a été fondé au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Rien de surprenant s’il existe des éléments qui ne soient pas compatibles avec notre époque et qui ont besoin des réformes. Cependant, nous devons sauvegarder ce système centré sur les Nations unies, l’ordre international basé sur le droit international, et nous opposer résolument aux actes d’intimidation, en particulier au retrait unilatéral des traités et des organisations internationaux. En tant que membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies, la Chine et la France ont la capacité et le devoir d’engager en premier un dialogue sur les sujets majeurs de la gouvernance mondiale, tels que les réformes de l’OMC et de l’OMS, la lutte contre le changement climatique et la préservation de la biodiversité, ainsi que le développement de l’Afrique, afin de traduire le multilatéralisme en acte et de remettre le monde sur les bons rails.

Je vous remercie de votre attention.

Numéro 12 avril-juin 2022
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