Le 17 janvier 2022, l'Ambassadeur de Chine en France Lu Shaye a accordé une interview à France 24 sur les Jeux olympiques d’hiver de Beijing 2022, Taiwan, les relations sino-lituaniennes. Voici l'intégralité de l'interview :
Q : Bonjour et bienvenue dans l'entretien sur France 24. Notre invité aujourd'hui est M. LU Shaye, Ambassadeur de la République populaire de Chine en France. Merci d'être avec nous, Monsieur l'Ambassadeur.
R : Bonjour.
Q : Nous sommes à moins de trois semaines des Jeux olympiques d'hiver qui doivent débuter à Beijing, alors il y a un souci : c'est celui de la pandémie de COVID-19. Ce lundi le nombre de cas a atteint son plus haut niveau depuis mars 2020 en Chine avec 223 cas. On sait que le variant Omicron est désormais présent à Beijing. Est-ce que les JO sont menacés par une recrudescence de la pandémie?
R : La Chine est maintenant tout à fait prête pour accueillir les athlètes des différents pays du monde et offrir une édition des Jeux olympiques d'hiver merveilleuse et splendide. En ce qui concerne l'épidémie, récemment la Chine a dénombré quelques cas sporadiques. Mais par rapport à la situation internationale, la situation sanitaire en Chine est bien contrôlable. Quelque deux cents cas, ça ne sera pas grand chose. Nous avons déjà beaucoup d'expérience pour contrôler le virus.
Q : Mais on a vu récemment des villes entières, on pense à Xi’an par exemple, qui ont été mises sous cloche juste avec quelques cas. Est-ce que c'est une possibilité pour Beijing si jamais il y a une recrudescence des cas en raison de l'arrivée des athlètes et des délégations ou en raison d'une contamination locale ?
R : La partie chinoise a édifié, en collaboration avec le CIO, des mesures de prévention contre la COVID-19 pour cette édition des JO. Les sites fonctionneront en circuit fermé pendant les Jeux et des équipes de soutien logistique et médical sont déjà à pied d'œuvre. En ce qui concerne Xi’an, on a fait un confinement partiel, mais c'est nécessaire pour couper le circuit du virus. On a vu le résultat : ces derniers jours le nombre de cas contaminés a baissé largement.
Q : Donc ça pourrait être utilisé à Beijing pendant les Jeux si jamais ça se produit, ou c'est totalement exclu ?
R : Ça dépend. Au moins pour le moment il y a seulement un cas contaminé à Beijing, mais c'est très bien pisté et situé. Donc on n'a pas besoin de s'inquiéter. J'en suis sûr que dans la période des Jeux, il n’y aura pas de situation épidémique grave à Beijing.
Q : Sur un point de vue plus diplomatique, les Etats-Unis, le Canada, l'Australie et désormais le Danemark ont décrété ce qu'on appelle un boycott diplomatique pour protester contre la situation des droits de l'homme, notamment dans la région du Xinjiang. Est-ce que vous craignez que d’autres pays se joignent à ce boycott diplomatique, ou vous êtes totalement indifférents ?
R : Les Jeux olympiques sont organisés pour les athlètes et sportifs de tous les pays du monde, et pas pour les politiciens de certains pays. Qu'ils viennent ou pas, ça n'a rien à voir avec le bon déroulement des JO. Leur prétexte - la soi-disant question liée au Xinjiang - est tout à fait basé sur les mensonges.
Q : Si jamais des athlètes eux-mêmes sur place décident de manifester sur le Xinjiang ou sur le Tibet, quelle sera la réaction de Beijing ?
R : Selon les règlements du CIO, il faut maintenir la neutralité politique.
Q : Alors, je veux en venir à la situation dans la région et notamment avec Taiwan. Le Ministre des Affaires étrangères de Taiwan a déclaré sur nos antennes il y a quelques jours que la menace militaire de Beijing était très sérieuse. Le Président chinois vient de déclarer qu'il craint les conséquences catastrophiques d'une confrontation mondiale. Monsieur l'Ambassadeur, est-ce qu'on est proche ou on se rapproche dangereusement d'une guerre?
R : Tout d'abord, je dois clarifier que Taiwan fait partie intégrante du territoire chinois et qu’il n'y a pas de Ministre des Affaires étrangères à Taiwan. Ce que disait ce monsieur-là, c'est tout à fait faux et infondé. La question qui se pose maintenant n'est pas la réunification armée, mais que les autorités taiwanaises et des séparatistes taiwanais ne doivent pas faire des actions de provocation pour augmenter la tension de la situation du détroit de Taiwan.
Q : Est-ce que vous considérez que ce sont eux qui ont multiplié les provocations ? Parce qu'ils disent que c'est vous qui clairement dites vouloir une réunification pacifique, mais en fait que c'est vous qui vous préparez à la guerre. Et c'est pour ça qu'ils ont besoin du soutien notamment des Etats-Unis.
R : La réunification de la patrie, c'est la mission de tout le peuple chinois, y compris la population taiwanaise. Taiwan fait partie intégrante de la Chine depuis les temps anciens. En Chine, nous avons une loi pour prévenir la séparation du pays. Si les autorités taiwanaises continuent à faire la provocation pour augmenter la tension, le gouvernement chinois va faire la réaction pertinente. Les Etats-Unis n'ont pas joué un rôle positif dans cette affaire. C'est justement en s’appuyant sur le soutien des Américains que les autorités taiwanaises osent avancer de plus en plus vers le sens de la soi-disant indépendance.
Q : Quand vous dites que la Chine prendra toutes les mesures pertinentes pour qu'on soit bien d'accord, est-ce que ça inclut les moyens militaires si vous les jugez nécessaires, ou est-ce que vous dites, non, la réunification sera pacifique quelles que soient les conditions ?
R : Nous primons sur la réunification pacifique. Vous voyez que le gouvernement chinois a sorti beaucoup de mesures pour promouvoir la coopération économique inter-détroit pour améliorer le bien-être des Taiwanais et leur apporter plus de bénéfices. Mais on ne peut pas laisser Taiwan se séparer de la patrie et on n'a pas renoncé au recours à la force. Ce n'est pas pour viser la population taiwanaise, mais pour dissuader les séparatistes à Taiwan et certaines forces étrangères.
Q : Taiwan a récemment ouvert un bureau en Lituanie au sein de l'Union européenne qui porte le nom de Taiwan et non pas le nom habituel de Taipei. Suite à ça, la Chine a rétrogradé ses relations diplomatiques avec la Lituanie. L'UE vous accuse d'avoir pris des mesures de rétorsion commerciale contre la Lituanie. Mais la Chine n'est pas allée jusqu'à rompre les relations diplomatiques avec la Lituanie. Est-ce que c'est parce que vous avez peur de ce que ça pourrait déclencher vis-à-vis de l'UE ?
R : L'Union européenne observe la politique d'une seule Chine vis-à-vis de la Chine. L'action de la Lituanie va à l'encontre de la politique unie de l'UE. Donc, la Lituanie a créé des difficultés à l'UE. Le gouvernement chinois a fait des réactions pertinentes, parce que nous devons faire respecter le principe d'une seule Chine à tous les pays qui ont des relations diplomatiques avec nous. Maintenant la Chine a abaissé seulement le niveau des relations diplomatiques avec la Lituanie. On ne les a pas rompu.
Q : C'est pourquoi pas ? Vous avez peur de la réaction européenne ?
R : Ce n'est pas la peur. C'est pour exprimer notre position ferme de nous opposer à la mise à mal du principe d'une seule Chine. Mais la Chine considère toujours le peuple lituanien comme ami. Nous espérons que le gouvernement lituanien corrigera ses fautes pour revenir sur la position correcte.
Q : Dernière question, Monsieur l'Ambassadeur, on parle de négociations entre Taiwan et l'Union européenne d'accords commerciaux économiques. Est-ce que pour vous, ce serait une ligne rouge si jamais ces accords étaient négociés et éventuellement conclus ?
R : Nous nous opposons à ce que tous les pays ou un groupe de pays ayant des relations diplomatiques avec nous mènent des contacts et échanges officiels avec les autorités de Taiwan.
Q : Donc si jamais ils le font, pour vous, c'est une ligne rouge ?
R : Nous nous opposons à ce que les autorités taiwanaises fassent des actions sapant les relations entre la Chine et l'Union européenne.
Q : Monsieur l'Ambassadeur, merci beaucoup d'avoir répondu aux questions de France 24.
R : Merci et au revoir.