Allocution de l'Ambassadeur LU Shaye au séminaire « 58e anniversaire des relations franco-chinoises 2022: les grands enjeux »
Ambassade de Chine en France | Updated: 2022-02-10 16:24:00
Lu Shaye Ambassadeur de Chine en France

Le 7février 2022, lAmbassadeur LU Shaye a assisté au séminaire « 58e anniversaire des relations franco-chinoises 2022 : les grands enjeux». Voici son allocution :  

Monsieur le Premier Ministre Jean-Pierre Raffarin, 

Monsieur le président de la CCI Paris Ile-de-France Dominique Restino, 

Monsieur lAmbassadeur Jean-Pierre Lafon, 

Madame la présidente de la CCICF HE Liqin, 

Chers amis entrepreneurs,   

C’est un grand plaisir pour moi de me retrouver parmi vous quelques jours après la Fête du Printemps de l’Année du Tigre. Tout d’abord, je tiens à vous adresser tous mes meilleurs vœux pour le Nouvel An chinois. Ces derniers temps, l’économie chinoise a fait l’objet d’une grande attention et de nombreux commentaires dans les médias français. Aujourd’hui, je voudrais évoquer quatre questions à ce sujet.   

Première question : l’économie chinoise va-t-elle sessouffler ? 

En 2021, le PIB de la Chine s’est élevé à 17 700 milliards de dollars américains, réalisant une croissance annuelle significative de 8,1%, supérieure à l’objectif prévu de 6%. Désormais, l’économie chinoise devrait représenter plus de 18% dans l’économie mondiale, atteindre le niveau historique de 80% de l’économie américaine, égaler, voire dépasser le total des 27 pays réunis de l’Union européenne. Les prix à la consommation en Chine n’ont augmenté que de moins de 1% et le taux de chômage au sens du recensement était de 5,1%. Nous avons ainsi réalisé tous les objectifs fixés, à savoir : une croissance relativement élevée, une inflation relativement faible et la création de plus d’emplois.  

Bien sûr, tout le monde n’est pas optimiste sur les perspectives économiques de la Chine. Obsédés par le ralentissement de la croissance chinoise au quatrième trimestre de l’année dernière, certains se sont écrié« coup de frein sur la croissance chinoise », ou « 2021 serait la dernière grande année de croissance pour la Chine ». C’est évidemment sensationnaliste. Si l’économie chinoise qui a réalisé une croissance moyenne de 5,1% sur les deux ans écoulés rendait encore les gens si pessimistes, comment verraient-ils l’économie américaine ? Sachant qu’après avoir épuisé quasiment tous les moyens de stimulation économique, les États-Unis n’ont enregistré qu’une croissance moyenne de 1% sur deux ans, soit une croissance négative de -3,5% en 2020 et une croissance de 5,7% en 2021, sans oublier que le pays souffre du taux d’inflation le plus élevé depuis 40 ans. 

Quant à la Chine, malgré une triple pression - contraction de la demande, choc d’offre et affaiblissement des attentes - les fondamentaux de l’économie chinoise sont inchangés et toujours marqués par une forte résilience, un immense potentiel et une tendance positive sur le long terme. En 2021, les dépenses de consommation finale des ménages et les investissements ont respectivement stimulé le PIB de la Chine de 5,3 points et de 1,1 point de pourcentage, les deux contribuant ensemble à hauteur de 79,1% de la croissance économique, ce qui signifie que le rôle du circuit domestique en tant que pilier principal de l’économie chinoise a été renforcé ; le PIB par habitant a franchi le seuil de 12 000 dollars, dépassant la moyenne mondiale, et le revenu disponible par habitant a augmenté de 8,1%, ce qui signifie que le développement de la Chine repose sur une base plus solide et bénéficie d’une plus grande dynamique. Plus important encore, dans la boîte à outils économiques de la Chine, il reste de nombreux outils budgétaires et monétaires qui n’ont pas été utilisés. Ils nous donnent suffisamment de moyens pour faire face aux futures fluctuations de l’économie mondiale, en particulier aux chocs résultant des ajustements des politiques dans les grandes économies.  

Deuxième question : la Chine a-t-elle plombé la reprise économique mondiale ? 

L’économie mondiale est en train de se redresser, mais elle est aussi confrontée à de multiples contraintes, comme la récurrence épidémique, l’aggravation de l’inflation, les perturbations de la chaîne industrielle et d’approvisionnement, les bulles boursières et les crises de la dette dans des pays en développement. Le processus de développement mondial est frappé de graves impacts. Comme l’a souligné le président Xi Jinping à la session virtuelle 2022 du Forum économique mondial tenue il y a quelques semaines, « dans les turbulences d’une crise planétaire, les plus de 190 pays du monde ne sont pas à bord de leurs petits bateaux respectifs, mais partagent heurs et malheurs à bord d’un même grand navire. Toute tentative de mettre des bâtons dans les roues aux autres ou de se défausser de leurs responsabilités ne pourra que faire rater les opportunités et compromettre l’objectif essentiel.  » Certains prétendent que la politique  du « zéro COVID  dynamique » de la Chine a perturbé la stabilité de la chaîne industrielle et d’approvisionnement et fait grimper l’inflation dans le monde. Ce sont des allégations désinformantes. Pour couper la propagation du virus, la Chine peut en effet fermer temporairement des usines ou des quais portuaires, mais c’est pour garantir une stabilité à plus long terme de la production et de l’approvisionnement. En 2021, le volume total du commerce extérieur de la Chine a augmenté de 21,4% et franchi pour la première fois la barre des 6 000 milliards de dollars. Cela en dit long. Si la Chine avait perturbé vraiment la chaîne industrielle et d’approvisionnement mondiale, elle aurait importé et exporté beaucoup moins !  

En réalité, ce sont les États-Unis qui sont le plus grand responsable du chaos de la chaîne industrielle et d’approvisionnement mondiale. Pour contenir la Chine, les États-Unis abusent des mesures de restriction commerciale en imposant d’énormes droits de douane supplémentaires sur les produits chinois exportés vers les États-Unis, en empêchant les entreprises américaines d’exporter des composants clés vers des entreprises chinoises et en plaçant près d’un millier d’entreprises et entités chinoises sur la liste de sanctions. L’administration américaine laisse l’épidémie se propager dans le pays, à tel point qu’un million de personnes sont infectés par jour. Le nombre d’employés absents et de démissions pour cause de COVID-19 ne cesse de grimper. Si des centaines de cargos font la queue pendant de longues périodes avant de pouvoir accoster dans les ports américains et des centaines de milliers de conteneurs sont empilés sur les quais en attendant d’être manutentionnés, c’est parce qu’il y a une grave pénurie de dockers et de chauffeurs de poids-lourd, due à la mauvaise gestion de l’épidémie aux États-Unis.  

Dans la crise sanitaire, la Chine a toujours joué et continuera à jouer son rôle de «  stabilisateur  » de l’économie mondiale. D’une part, nous encourageons activement la coopération internationale contre la COVID-19. La Chine a déjà fourni plus de 2,2 milliards de doses de vaccins à plus de 120 pays et organisations internationales, et fournira encore un milliard de doses supplémentaires aux pays africains. D’autre part, grâce à la bonne gestion de l’épidémie et aux atouts du secteur manufacturier, la Chine est en train de devenir la «  base logistique  » la plus fiable pour la lutte contre la pandémie et la reprise économique dans le monde. En aucun cas, on ne peut accuser la Chine d’avoir «  plombé  » la reprise économique mondiale. 

Troisième question : la coopération économique et commerciale sino-française et sino-européenne a-t-elle rencontré des «  vents contraires  » ? 

À vrai dire, la coopération économique et commerciale sino-française et sino-européenne a rencontré certaines difficultés et certains défis au cours des dernières années, en raison de divers facteurs, notamment l’approche erronée de certaines personnes consistant à politiser les questions économiques et commerciales. Néanmoins, il n’est pas nécessaire de jouer les Cassandres de notre coopération. 

La Chine, la France et l’Europe ont des histoires, cultures, systèmes sociaux et stades de développement différents, il est normal que nous avions des divergences sur certains sujets. Mais nous avons surtout de nombreux atouts complémentaires, de larges intérêts communs et d’énormes besoins de coopération. Nous avons beaucoupplus de terrains dentente que de désaccords et beaucoup plus de coopération que de concurrence. En 2021, le volume des échanges commerciaux sino-français a dépassé pour la première fois les 80 milliards de dollars ; le commerce entre la Chine et l’Europe a même augmenté de 27,5% pour franchir la barre des 800 milliards de dollars. Les entreprises chinoises et européennes ont par ailleurs exprimé leur volonté commune de poursuivre l’approfondissement de leur coopération. C’est particulièrement précieux étant donné la récurrence épidémique et la morosité prémonitoire de la reprise économique mondiale. 

Dans le même temps, il convient de noter que depuis le début de la pandémie, certains facteurs négatifs sont effectivement apparus du côté français et européen. Le dernier rapport publié par la Chambre de commerce chinoise dans l’UE en collaboration avec le Conseil chinois pour la promotion du commerce international (CCPIT) ont signalé les facteurs négatifs suivants : premièrement, l’UE a élevé les barrières daccès au marchédans les trois domaines que sont le filtrage des investissements étrangers, le contrôle des subventions étrangères et le contrôle des marchés publics. Deuxièmement, l’UE et ses États membres recourent au protectionnisme sous prétexte des droits de l’homme et de la concurrence équitable, traitent différemment les entreprises européennes et étrangères avec comme cibles principales les entreprises chinoises. Troisièmement, la discrimination contre les entreprises chinoises en Europe au niveau de l’application de la loi s’est aggravée : près de 38% des entrepreneurs chinois sondés estiment que leurs entreprises font l’objet d’un traitement injuste. L’histoire a prouvé à maintes reprises que le protectionnisme ne protège personne et finira par nuire aux intérêts de soi-même et des autres. La Chine est disposée à créer un environnement commercial respectueux des règles du marché, de l’État de droit et des normes internationales pour les entreprises étrangères, y compris les entreprises françaises et européennes. Nous espérons en retour que l’UE travaillera dans le même sens que la Chine pour préserver ensemble la mondialisation économique et un environnement de commerce et d’investissement qui soit libre et ouvert.  

Quatrième question : que doivent faire les entreprises françaises et européennes ? 

J’ai quelques conseils à vous donner à ce sujet. 

Tout d’abord, prendre de la hauteur pour voir loin et embrasser le marché chinois. Avec une population de 1,4 milliard d’habitants, dont plus de 400 millions de personnes à revenus moyens, qui ne cessent d’ailleurs d’augmenter, et un PIB par habitant supérieur à 12 000 dollars, la Chine est sur le point de dépasser les États-Unis pour devenir le plus grand marché de consommation au monde. Nous espérons que les divers milieux français et européens considéreront la Chine comme un partenaire au lieu dun rival, et contribueront à créer un environnement commercial et politique favorable à l’accès mutuel au marché. Si la France et l’Europe loupent le coche du développement de la Chine, d’autres pays en tiront parti.  

Deuxièmement, s’intégrer proactivement dans la «  double circulation  » de l’économie chinoise. Si la Chine travaille à créer une nouvelle dynamique de développement, où le circuit domestique joue le rôle de pilier principal et les circuits domestique et international se renforcent mutuellement, ce n’est pas pour fermer ses portes. Comme le Président Xi Jinping l’a souligné, la réforme et l’ouverture sont un choix décisif pour l’avenir et le destin de la Chine. Pourquoi serions-nousaussi stupides pour nous en départir au détriment du développement ? Ce sont précisément les États-Unis qui sont un bel exemple du repli sur soi, en cherchant à « se découpler » de la Chine, à créer une clique hermétique de pays occidentaux par, par exemple, la mise en place du Conseil commun du commerce et de la technologie (TTC). J’espère que les entreprises françaises et européennes ne s’aligneront pas sur les États-Unis, mais prendront toute leur part au circuit domestique et au circuit international de l’économie chinoise, sintégreront profondément dans la «  double circulation  » pour partager les dividendes générés par le développement chinois.  

Troisièmement, faire rayonner la tonalité positive de la coopération sino-française et sino-européenne. La coopération économique ne peut pas se développer dans le vide. Elle est inévitablement sous influence du climat politique et de l’opinion publique. Il est impossible de faire des affaires en s’enfermant dans une bulle et en se fichant de ce qui se passe autour. Donc, face à des cacophonies qui stigmatisent la Chine et remettent en cause notre coopération, jespère que les entrepreneurs français et européens pourront discerner le vrai du faux, faire valoir leur influence et jouer leur rôle pour défendre la justice et maintenir le cap de notre coopération. C’est dans notre intérêt commun.  

Je vous remercie de votre attention.  

Numéro 12 avril-juin 2022
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