Discours de l'Ambassadeur de Chine en France LU Shaye à l'Académie de Géopolitique de Paris
Ambassade de Chine en France | Updated: 2022-05-15 12:06:00
Lu Shaye Ambassadeur de Chine en France

Le 13 mai 2022, l’Ambassadeur LU Shaye a donné une conférence à l’Académie de Géopolitique de Paris. Voici son discours :

M. le Président Ali Rastbeen,

Chers amis,

C’est un grand plaisir pour moi d’échanger avec vous sur invitation de l’Académie de Géopolitique de Paris (AGP).

Il y a quelques jours, dans son message de félicitations adressé au président Emmanuel Macron à l’occasion de sa réélection, le président chinois Xi Jinping a souligné l’importance stratégique accrue du développement sain et stable des relations sino-françaises, au moment où la situation internationale traverse des changements profonds et complexes. Par une heureuse coïncidence, le thème que l’AGP m’a proposé pour mon intervention aujourd’hui est précisément « les relations sino-françaises dans l’environnement international actuel ». En effet, alors que le monde connaît beaucoup de mutations et de bouleversements, il est bien nécessaire de discuter de la situation internationale et des relations sino-françaises. La Chine et la France sont deux grands pays de l’Orient et de l’Occident et membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies. Les relations sino-françaises revêtent une portée mondiale. L’évolution de la situation internationale influe sur les relations sino-françaises, et vice versa, l’interaction entre la Chine et la France peut avoir une influence importante sur la situation internationale. J’aimerais profiter de cette occasion pour partager avec vous mon point de vue sur cette question et échanger avec vous sur des sujets qui vous intéressent.

Pour ce qui est de la situation internationale, le sujet le plus brûlant en ce moment est sans aucun doute le conflit entre la Russie et l’Ukraine.

Le conflit russo-ukrainien dure depuis plus de deux mois et s’avère particulièrement inquiétant. Certains avertissent que le conflit pourrait devenir un déclencheur de la « troisième guerre mondiale ». D’autres s’alarment de l’effondrement en cours de l’ordre international actuel, construit sur les ruines de la Seconde Guerre mondiale. Ce ne sont pas des propos alarmistes. Avec l’engrenage de la guerre et des sanctions, ce conflit géopolitique se transforme progressivement en une crise mondiale, générant des crises secondaires politique, sécuritaire, économique, alimentaire, de réfugiés et autres, ce qui pose de nombreuses menaces pour la paix et le développement durables de l’Europe et du monde entier. Nous devons sérieusement réfléchir comment mettre fin au conflit le plus vite possible, comment évaluer l’impact de cette crise sur le monde ainsi que les changements qu’elle implique, et comment gérer le monde de l’après-crise. J’ai remarqué qu’après un raz-de-marée de condamnations et de critiques contre la Russie dans les premiers jours du conflit, les intellectuels et les médias français commencent récemment à faire entendre des voix différentes, avec des points de vue éclairants, qui se concentrent essentiellement sur les questions suivantes.

Première question : qui était à l’origine du conflit ? 

L’Ambassadeur Maurice Gourdault-Montagne, ancien Secrétaire général du Ministère français des Affaires étrangères, n’est pas d’accord avec certains médias occidentaux qui exagèrent le rôle personnel de Poutine dans le conflit russo-ukrainien. D’après lui, Poutine n’est pas fou. Le conflit russo-ukrainien est le résultat de l’expansion continue de l’OTAN vers l’est, et l’Occident doit comprendre les préoccupations sécuritaires de la Russie dans une perspective historique et géographique. Le point de vue de l’Ambassadeur Gourdault-Montagne est objectif. Car tout conflit géopolitique a un contexte historique complexe. La recherche par un pays de sa propre sécurité au prix de l’insécurité d’autrui conduit inévitablement au conflit. D’autres experts pensent que la cause profonde du conflit est que les Etats-Unis, imprégnés de la mentalité de la guerre froide, ont poussé cinq cycles consécutifs d’expansion de l’OTAN vers l’est et incité l’Ukraine à adhérer à l’OTAN malgré l’opposition de la France, de l’Allemagne et d’autres puissances européennes, ce qui a réduit considérablement l’espace de sécurité de la Russie. Si des missiles balistiques étaient déployés en Ukraine, ils pourront atteindre Moscou en sept ou huit minutes. Et si c’était un missile hypersonique, il ne prendra que quatre ou cinq minutes. Cela revient à diriger le canon vers la porte de la maison de quelqu’un. Pour la Russie, l’expansion de l’OTAN vers l’est représente désormais un enjeu vital au sens littéral du terme. Alors que les Etats-Unis refusent de dialoguer, face à la loi de la jungle, la seule façon de réagir est la loi de la jungle.

Selon le géopolitologue français Pierre-Emmanuel Thomann, les Etats-Unis veulent créer un monde unipolaire et tentent d’enflammer la situation en Ukraine afin de faire durer la guerre aussi longtemps que possible pour affaiblir la Russie. Je suis d’accord avec lui pour dire que la guerre russo-ukrainienne est plutôt une « prophétie autoréalisatrice » des Etats-Unis. Rappelons ce que les Etats-Unis ont fait avant et après le déclenchement du conflit. En fin 2021, lorsque les tensions entre la Russie et l’Ukraine s’accentuaient à un rythme accéléré, contrairement à l’Europe qui cherchait à éteindre l’incendie, les Etats-Unis ont soufflé sur le feu, répondant négativement à la demande de garanties de sécurité de la Russie, exagérant la menace de guerre et poussant l’OTAN à augmenter ses troupes en Europe orientale. Certains pensent même que les Etats-Unis ont tenté d’« appâter » la Russie pour qu’elle fasse la guerre. Après l’éclatement du conflit, les Etats-Unis jettent de l’huile sur le feu et sont les plus mobilisés dans l’envoi d’armes à l’Ukraine, ce qui a conduit à l’escalade. Les Etats-Unis prétendent défendre la paix, mais ce qu’ils veulent et font en vrai, c’est se servir du conflit russo-ukrainien pour satisfaire leurs propres intérêts et garder leur hégémonie. La crise ukrainienne a une fois de plus montré que l’hégémonie américaine est le principal « détonateur » de guerres et la plus grande « source de troubles » dans le monde.

Deuxième question : qui a gagné et qui a perdu dans le conflit ? 

Qui est le plus grand gagnant du conflit russo-ukrainien ? Examinons les conséquences objectives du conflit : l’OTAN en état de mort cérébrale est réactivée par la guerre, les relations entre l’Europe et la Russie sont complètement détruites, l’Europe en quête d’autonomie stratégique est plus dépendante des Etats-Unis en matière de sécurité et d’énergie, le complexe militaro-industriel américain fait fortune grâce à la guerre, les capitaux fuient en masse l’Europe pour les Etats-Unis, tandis que les « effets secondaires » causés par les flux de réfugiés et la prolongation des conflits géopolitiques restent sur le vieux continent. Je vous suggère de regarder une courte vidéo récemment mise en ligne par Le Figaro sur son site web. Elle a analysé comment les Etats-Unis profitent du conflit russo-ukrainien dans les secteurs d’industrie de l’armement, d’énergie et d’agriculture. Qui est le plus grand gagnant dans ce conflit et qui est le dernier à souhaiter que la guerre finisse ? La réponse est évidente.

Si les Etats-Unis sont le plus grand gagnant, alors qui est le plus grand perdant ? La quasi-totalité des intellectuels et des médias français s’accordent à dire que l’Europe est en train de devenir la première victime du conflit. Ils ont peut-être raison. D’un point de vue politique et sécuritaire, l’architecture de sécurité européenne et le paysage géopolitique européen, qui étaient dans les grandes lignes stables pendant les trente ans après la fin de la guerre froide, sont en train d’être modifiés. La guerre est de retour à la porte de l’Europe, la boîte de Pandore de la course aux armements est rouverte et le risque de la guerre nucléaire émerge. Dans l’optique économique, les retombées des sanctions massives contre la Russie ont touché l’Europe de manière disproportionnée : le prix du gaz a décuplé en glissement annuel, l’inflation dans la zone euro a atteint un nouveau record depuis la naissance de la monnaie unique, le marché financier européen a connu la plus grave fuite de capitaux de l’histoire en une semaine, et les entreprises de l’UE, qui sont les principaux investisseurs étrangers en Russie, ont subi des pertes énormes. Du point de vue social, l’Europe sera confrontée au plus grand afflux de réfugiés depuis la Seconde Guerre mondiale. Il y a sept ans, la crise syrienne a fait affluer deux millions de réfugiés en Europe. L’impact se fait toujours sentir aujourd’hui. Le conflit russo-ukrainien a déjà engendré au moins 10 millions de réfugiés, dont 5 millions fuyant vers l’Europe. L’Europe sera confrontée à des épreuves encore plus sérieuses, voire extrêmes, au niveau social et économique. L’Europe est durement touchée par le conflit russo-ukrainien alors qu’elle n’est pas encore complètement sortie de la pandémie, ce qui a renversé presque du jour au lendemain les prévisions de stabilité et de prospérité durables de l’Europe et augmenté sensiblement l’incertitude de ses perspectives de développement.

Troisième question : quelle évolution du conflit sera dans le plus grand intérêt de l’Europe ? 

Pour l’Europe, il y a trois scénarios d’évolution du conflit russo-ukrainien. Premier scénario, intensifier les sanctions contre la Russie dans l’espoir que les sanctions et une guerre prolongée feront tomber la Russie ; deuxième scénario, augmenter l’aide en armement à l’Ukraine dans l’espoir de la déroute de la Russie sur le champ de bataille ukrainien ; et troisième scénario, chercher une solution pacifique par le dialogue et les négociations. Comment choisir ? Les intellectuels français ont trois points de vue qui donnent matière à réflexion. Le premier est qu’il est peu probable de faire tomber la Russie. Sans parler de la forte puissance militaire de la Russie, du seul point de vue du caractère national, l’Ambassadeur Gourdault-Montagne estime que « la population russe est résiliente et souvent plus habituée à survivre qu’à vivre » et qu’il ne faut pas avoir d’« illusions excessives sur l’efficacité des sanctions ». Le deuxième point de vue est que l’envoi d’armes à l’Ukraine constitue une démarche dangereuse au bord de la « participation directe à la guerre » et pourrait entraîner l’Europe dans une confrontation frontale avec la Russie, voire une guerre nucléaire. Récemment, les inquiétudes dans ce sens se sont fait de plus en plus entendre. Le troisième point de vue est celui d’un analyste politique français Philippe Gélie, qui relève que face à la Russie, « même la victoire serait périlleuse », voire plus périlleuse que la défaite. D’une part, l’histoire a déjà démontré à répétition qu’il n’est jamais sage d’acculer une grande puissance dans une situation désespérée. D’autre part, la victoire sur le champ de bataille n’apporte pas forcément la paix. Si, comme l’espère l’Occident, Poutine quittait le pouvoir en cas de défaite dans la guerre avec l’Ukraine, la Russie plongera certainement dans le chaos et deviendrait même une source de troubles régionale. Qui en pâtirait en premier ? Encore l’Europe. Les Etats-Unis peuvent regarder les bras croisés sur l’autre rive de l’Atlantique, mais où l’Europe pourrait-elle se cacher ? Après cette guerre, l’Europe et la Russie resteront toujours des voisins et devront de nouveau rechercher une architecture de sécurité commune. Alors, pourquoi ne pas commencer avant que le conflit ne s’envenime davantage ?

Nous notons que la position de la France sur cette question a toujours été très claire. Le président Macron n’a jamais renoncé à ses efforts pour résoudre pacifiquement les différends par le dialogue. Il s’est entretenu par téléphone avec le président Poutine à plusieurs reprises depuis le début du conflit. Récemment, le président Biden a accusé la Russie de « génocide » en Ukraine. Le président Macron a dit publiquement que « le mot de génocide doit être qualifié par des juristes, pas par des politiques » et qu’il n’était pas sûr que « l’escalade des mots serve la cause ». La Chine apprécie l’attitude rationnelle de la France et soutient son rôle positif dans la recherche du règlement pacifique du conflit russo-ukrainien. Nous sommes prêts à travailler avec la France pour favoriser le retour de la paix sur le continent européen le plus tôt possible.

Je voudrais également parler du rôle de la Chine dans le conflit russo-ukrainien. Quelques pays occidentaux, les Etats-Unis en tête, tentent de répercuter les coûts de la guerre sur la Chine. Au début du conflit, ils ont dénigré la Chine, affirmant qu’elle avait connaissance des opérations militaires russes et qu’elle était même « complice » de la Russie ; ensuite, ils ont exigé que la Chine prenne parti et se joigne à eux pour condamner la Russie ; ils ont même accusé la Chine d’avoir aidé la Russie à échapper aux sanctions, et ont menacé d’imposer des sanctions secondaires à la Chine. Je voudrais faire trois remarques. D’abord, le postulat de la « théorie de la responsabilité chinoise » dans le conflit russo-ukrainien n’est pas valable. La Russie et l’Ukraine sont toutes les deux pays amis de la Chine, et l’évolution actuelle de la question ukrainienne est ce que la Chine ne voulait pas voir. Mais la Chine n’est pas partie prenante. Elle peut participer à la recherche d’une solution à la crise, mais la clé pour résoudre le problème n’est pas entre les mains de la Chine. Deuxièmement, les critiques contre la Chine ne tiennent pas la route du tout. Dès l’éclatement du conflit, la Chine se démène pour rechercher une solution pacifique, jouant un rôle constructif. Ce que la Chine dit et fait est totalement transparent. On peut tirer ses conclusions de manière objective sur la base des faits. Troisièmement, la menace américaine d’imposer des « sanctions secondaires » à la Chine n’est ni raisonnable ni utile. La menace des Etats-Unis vise un autre but. Un rapport du groupe de réflexion américain la RAND Corporation indique clairement que créer des conflits en Europe et dans la région du Pacifique et entraîner la Chine dans la guerre est une stratégie établie des Etats-Unis pour contenir la montée en puissance de la Chine. Je tiens à souligner que la Chine n’a jamais provoqué les autres, mais elle n’a jamais peur des provocations non plus. Si les Etats-Unis veulent exploiter le moindre prétexte pour endiguer la Chine, nous y répondrons avec force et fermeté.

Le conflit russo-ukrainien montre une fois de plus que la communauté internationale est confrontée à de sérieux défis de sécurité. Dans ce contexte, le président Xi Jinping a avancé l’Initiative pour la sécurité mondiale lors de la Conférence annuelle 2022 du Forum de Boao pour l’Asie. Il a exposé systématiquement l’approche de la Chine pour résoudre les problèmes de sécurité épineux dans le monde et apporté des solutions pratiques pour relever les défis sécuritaires, y compris le conflit russo-ukrainien. Cette initiative comprend « six engagements », à savoir : s’engager à porter une vision de sécurité commune, intégrée, coopérative et durable ; s’engager à respecter la souveraineté et l’intégrité territoriale des pays ; s’engager à observer les buts et principes de la Charte des Nations Unies ; s’engager à prendre en compte les préoccupations sécuritaires légitimes de tous les pays ; s’engager à rechercher, par la voie du dialogue et de la concertation, des solutions pacifiques aux divergences et différends interétatiques ; et enfin, s’engager à adopter une approche globale pour préserver la sécurité traditionnelle et la sécurité non traditionnelle. Partant de la pratique diplomatique de la Chine, cette initiative répond au besoin urgent de la communauté internationale de sauvegarder la paix mondiale et de prévenir les conflits et les guerres, correspond à l’objectif commun de tous les pays de préserver le multilatéralisme et la solidarité internationale, et fait écho à l’aspiration générale des peuples à surmonter ensemble les difficultés pour créer un monde meilleur dans l’après-COVID. C’est l’illustration du sens de responsabilité de la Chine en tant que grand pays.

Les Etats-Unis, au contraire, ont des agendas cachés dans le conflit russo-ukrainien et ont tendu trois pièges à la communauté internationale. Premièrement, le piège du manichéisme. Les Etats-Unis cherchent à intensifier les conflits géopolitiques en prônant l’approche binaire « ami ou ennemi », « noir ou blanc ». Deuxièmement, la mentalité de la guerre froide. Les Etats-Unis tentent de provoquer une confrontation des blocs dans le monde en prêchant la « rivalité entre démocratie et dictature ». Troisièmement, le chantage. Les Etats-Unis cherchent à exploiter le conflit russo-ukrainien pour prendre en otage les relations sino-européennes et demandent aux pays du monde entier de choisir leur camp. Comme le dit un universitaire français José Garson, « ce qui se passe dans la guerre actuelle montre que les Etats-Unis ont décidé d’abandonner le multilatéralisme pour retourner aux politiques de rapports de force de l’ancien temps. »

Nous espérons que tous les pays du monde, y compris l’Europe, resteront vigilants à l’égard des conséquences dangereuses des actes hégémoniques des Etats-Unis, se placeront du bon côté de l’Histoire et travailleront ensemble pour sauvegarder le multilatéralisme ainsi que la paix et la stabilité mondiales.

Lorsque l’on parle de la situation internationale, la pandémie de la COVID-19 est un sujet incontournable.

A l’heure actuelle, l’épidémie continue à se propager dans le monde et pose toujours une grande menace pour la vie et la santé des peuples et un énorme défi pour la sécurité de la santé publique mondiale. L’humanité vit dans une communauté de destin. Aucun pays ne peut faire face seul à un défi mondial comme la pandémie de la COVID-19. Voilà l’enseignement le plus important que nous donne la crise sanitaire. La pandémie a diminué les interactions entre les pays, il est donc d’autant plus important que nous renforcions davantage la compréhension et le soutien mutuels et réduisions les barrières des cœurs. Ce n’est que de cette manière que les pays pourront surmonter les difficultés et travailler dans la solidarité pour sortir au plus vite de l’ombre de la pandémie. Mais malheureusement, certains médias et intellectuels français font le contraire. Par exemple, ces derniers temps, dans la presse française, certaines personnes ont accablé la Chine de la moquerie au sujet de la nouvelle vague de la COVID-19 en Chine et lancé des critiques gratuites contre la politique « zéro COVID dynamique ». Leurs prétendus « arguments » ne sont ni objectifs ni scientifiques. Cela est extrêmement irresponsable et fourvoie le public dans sa perception de la Chine. Nous avons réfuté ces divagations en détail dans des articles publiés sur le site Web de notre ambassade. Si vous êtes intéressés, vous pouvez y jeter un coup d’œil.

Depuis les dernières années, l’Europe accorde une attention croissante à la Chine. Mais en même temps, certains médias et chercheurs regardent la Chine sous un prisme de plus en plus négatif. En particulier, depuis le début de la pandémie, ils sont allés jusqu’à lancer une campagne de « China-bashing ». Certains d’entre eux le font par malentendu, parce qu’ils ne connaissent pas la situation réelle, tandis que d’autres sont mus par des préjugés idéologiques et critiquent pour le plaisir de critiquer. Par exemple, pour ceux qui prétendent que la Chine a perdu dans la lutte contre la COVID-19, lorsque nous avons apporté des éclaircissements, avec les chiffres du nombre d’infections et de décès à l’appui, ils esquivaient la question et nous parlaient des impacts économiques des politiques antiépidémiques de la Chine ; et lorsque nous avons présenté les résultats économiques, ils changeaient de sujet et parlaient du coût social. Si nous suivions vraiment les « conseils » de ces personnes et abandonnions la politique « zéro COVID dynamique », je crois que ces mêmes personnes accuseraient le gouvernement chinois de mépriser la vie du peuple. L’Europe et la Chine sont géographiquement éloignées et n’ont pas de conflits d’intérêts stratégiques majeurs. Si certains en Europe ont des préjugés aussi profonds à l’égard de la Chine, je crains que, dans une grande mesure, c’est parce qu’ils sont embrasés par l’idéologie, et sont intoxiqués et même manipulés par quelques-uns d’autres.

Chers amis, je vous remercie d’être venus prendre le temps d’échanger avec moi. Cela montre que vous vous intéressez aux relations sino-françaises et vous voulez connaître la vraie Chine. Alors, comment porter un jugement objectif sur la Chine au milieu des reportages médiatiques de tout acabit et souvent imbus de préjugés ? Je voudrais saisir cette occasion pour partager trois réflexions avec vous, en prenant l’exemple de l’épidémie en Chine.

Premièrement, il faudrait juger les choses sur la base des faits. Par exemple, pour ce qui est de savoir si la Chine a échoué dans sa lutte contre la COVID-19, aujourd’hui, je me garderai de tirer la conclusion, je vous donne seulement des chiffres. En termes de taux de mortalité, en Chine, environ 1 personne sur 92 000 est décédée de la COVID-19, contre 1 sur 333 aux Etats-Unis et 1 sur 462 en France. En termes de proportion de personnes infectées par rapport à la population totale, en Chine, c’est environ 1 personne sur 2230, contre 1 sur 4 et 1 sur 2,4 respectivement aux Etats-Unis et en France. D’ailleurs, en Chine, lorsque des cas confirmés sont signalés dans une région, plusieurs cycles de tests PCR y seront effectués à grande échelle, voire parmi tous les habitants. La majorité des cas confirmés sont en fait des porteurs asymptomatiques. Alors que dans la plupart des pays, les tests PCR ne sont effectués que chez les patients symptomatiques et selon leur volonté. Le taux d’infection réel y est donc plus important que les chiffres publiés. En termes économiques, la Chine a réalisé une croissance de 8,1 % en 2021 et de 4,8 % en glissement annuel au premier trimestre 2022. En revanche, l’économie américaine a enregistré un taux de croissance annualisé de moins 1,4 % au premier trimestre 2022, et la France a connu une croissance nulle pendant la même période. La simple comparaison des chiffres suffit à savoir si l’allégation selon laquelle la Chine a échoué dans sa lutte contre l’épidémie tient la route ou pas.

Deuxièmement, il est important de voir les choses dans une optique globale et évolutive. Dans leurs reportages sur la Chine, certains médias ont coutume de se focaliser sur une ou deux informations négatives et de les amplifier indéfiniment. Mais il est essentiel d’avoir une vue d’ensemble et globale. Pour apprécier les coûts et les résultats de la lutte contre l’épidémie, il est nécessaire d’évaluer à la fois sur le plan économique et au niveau du bien-être du peuple. La politique « zéro COVID dynamique » et les mesures antiépidémiques mises en place en Chine reviennent à acheter une police d’assurance pour les 1,4 milliard de Chinois contre des incertitudes de l’évolution de l’épidémie et de la propagation des virus mutants. C’est sacrifier temporairement le confort de vie d’une minorité de personnes pour maximiser le bien-être social global. Dans une mégalopole de 25 millions d’habitants comme Shanghai, la mise en œuvre des politiques antiépidémiques implique forcément des inconvénients dans la vie quotidienne. S’il existe inévitablement des problèmes isolés et des voix négatives, il y a beaucoup plus d’histoires positives et de gestes touchants. Simplement, les médias français en font abstraction. Il est aussi très important de considérer les choses dans leur évolution. Face à une épidémie qui évolue rapidement et à de nouveaux variants qui surgissent sans cesse, les politiques antiépidémiques d’aucun pays ne peuvent parer à toute éventualité et doivent être constamment améliorées et ajustées dans la pratique. La Chine ne fait pas exception. Au début de l’actuelle vague épidémique, il y a eu en effet des défaillances dans la gestion sanitaire à Shanghai. Mais on a rapidement fait des ajustements pour rendre les politiques antiépidémiques plus scientifiques, plus précises et plus humaines. Par exemple, l’installation des hôpitaux de fortune où les parents peuvent accompagner leurs enfants infectés, l’adoption des mesures innovantes pour assurer la livraison de fournitures chez les habitants, etc. Ces derniers jours, le nombre de nouveaux cas confirmés et de cas asymptomatiques à Shanghai a considérablement diminué. On peut espérer sous peu une « transmission collective zéro » à Shanghai. De Wuhan à Shanghai, la pratique a prouvé à plusieurs reprises que les mesures sanitaires mises en place en Chine sont pertinentes et efficaces et peuvent résister à l’épreuve de l’Histoire.

Troisièmement, il faut respecter les voies choisies par les différents pays en fonction de leurs conditions nationales. Les conditions nationales des pays présentent une grande diversité, et il est naturel que leurs choix en matière de voies de développement et de politiques ne soient pas identiques. La politique « zéro COVID dynamique » est le choix le plus adapté aux réalités de la Chine. Tout d’abord, la population de la Chine est 20 fois plus importante que celle de la France. Si la Chine adoptait l’approche française de lutte contre l’épidémie et si les contaminations et les décès survenaient à la même proportion qu’en France, il y aurait des conséquences inconcevables. Ensuite, les Chinois ont l’esprit de sacrifice au profit de l’intérêt commun de la nation. C’est dans nos gènes culturels. S’il est vrai que certains Chinois s’opposent à la politique « zéro COVID dynamique », l’immense majorité des Chinois sont prêts à respecter strictement le protocole sanitaire. Mais ils sont absents dans les reportages des médias occidentaux. En même temps, la vision d’ensemble de la Chine qui considère « le pays entier comme un seul échiquier » a fourni la garantie à la mise en œuvre de la politique « zéro COVID dynamique ». En moins de 10 jours après l’arrivée de l’actuelle vague épidémique à Shanghai, plus de 38 000 personnels soignants civils et 2 000 personnels soignants militaires y ont été envoyés en renfort. Tout le reste du pays vient en aide aux zones en difficulté. C’est grâce à cet esprit de solidarité que chaque fois qu’il y a eu une résurgence épidémique, nous avons toujours pu réaliser le « zéro COVID dynamique » en un temps assez court. La Chine n’a aucune intention de comparer son système avec celui d’un quelconque pays, et encore moins de le concurrencer. Nous n’avons jamais jasé sur les politiques antiépidémiques de l’Occident. Nous espérons simplement que les pays occidentaux considéreront les politiques antiépidémiques de la Chine avec la même mentalité et que nous nous soutiendrons et nous encouragerons mutuellement, au lieu de stigmatiser et de discréditer.

Enfin, je voudrais parler avec vous des relations sino-françaises.

Actuellement, les transformations de notre monde, de notre époque et de l’Histoire se déroulent d’une manière inédite. De nombreux intellectuels français estiment que quand la pandémie remodèle profondément le paysage international et le conflit russo-ukrainien fait renaître le spectre de la guerre froide, l’humanité se trouve à une nouvelle croisée des chemins. Dans un tel contexte, comment les relations sino-françaises peuvent-elles trouver leur place et quel rôle peuvent-elles jouer ? Je pense qu’il faut garder à cœur trois éléments, à savoir la confiance, l’ambition et l’engagement initial.

Tout d’abord, la confiance. Depuis l’établissement des rapports diplomatiques entre la Chine et la France il y a plus de 50 ans, les relations sino-françaises ont résisté aux aléas internationaux et forgé une grande résilience à travers un parcours marqué par des hauts et des bas. Les échanges et coopérations étroits ont permis de resserrer les liens politiques, économiques et culturels. Au cours des cinq dernières années, les relations sino-françaises ont globalement maintenu une dynamique de développement soutenu, ce qui en fait l’une des relations entre grands pays les plus stables. Nous avons confiance que le président Macron continuera d’attacher de l’importance aux relations avec la Chine et maintiendra la stabilité de la politique chinoise de la France dans son second mandat. Nous sommes également persuadés que les relations sino-françaises connaîtront un plus grand développement sous l’impulsion des deux Chefs d’Etat.

Deuxièmement, l’ambition. La Chine et la France sont toutes deux des pays grands et singuliers, et des nations dotées de la sagesse politique et d’une vision mondiale. Comme le président Xi Jinping l’a souligné, ensemble, la Chine et la France pourront apporter de grandes transformations au monde. Il y a plus de 50 ans, la Chine et la France ont établi des relations diplomatiques sur fond de la guerre froide. Cet événement, qualifié de « bombe nucléaire diplomatique brisant la glace de la guerre froide », a profondément changé le cours des relations internationales. Aujourd’hui, quand le spectre de la guerre froide plane à nouveau sur le monde, il est d’autant plus important pour la Chine et la France, deux grands pays et représentants par excellence des civilisations de l’Orient et de l’Occident, d’assumer les responsabilités qui leur incombent, d’œuvrer ensemble à la compréhension mutuelle entre l’Orient et l’Occident, et de contribuer, par leur rôle exemplaire, à la défense du multilatéralisme, de la paix et de la sécurité mondiales.

Enfin, l’engagement initial. Ces dernières années, l’échiquier international a connu de profonds changements et les relations sino-européennes sont entrées dans une période de remodelage historique. Dans ce contexte, comment tenir le cap des relations sino-françaises ? Dans son entretien téléphonique avec le président Macron il y a quelques jours, le président Xi Jinping a formulé la proposition de la Chine, à savoir poursuivre l’esprit d’indépendance, de compréhension mutuelle, de clairvoyance et de bénéfice partagé, qui avait présidé à l’établissement des relations diplomatiques sino-françaises. Nous sommes convaincus que, tant que les deux pays resteront attachés à cet engagement initial et prendront des décisions indépendantes et lucides en tenant compte des intérêts nationaux de chacun, leurs relations bilatérales pourront continuer d’avancer, et même si des remous et des écueils surviendraient, elles pourront toujours rectifier le cap à temps et aller de l’avant.

Je m’en arrête là pour mon intervention. Merci de votre attention et je suis maintenant disposé à échanger avec vous.

Numéro 12 avril-juin 2022
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