Discours de l'Ambassadeur LU Shaye au dîner-débat organisé par Le Cercle
Ambassade de Chine en France | Updated: 2022-11-25 12:01:00
Lu Shaye Ambassadeur de Chine en France

Le 23 novembre 2022, l’Ambassadeur Lu Shaye a assisté au dîner-débat organisé par Le Cercle et y a prononcé un discours. Voici son discours : 

Monsieur le bâtonnier Jean Castelain, 

Monsieur le Président Didier Kling, 

Mesdames et Messieurs, chers amis, 

C’est un grand plaisir pour moi d’être invité au dîner-débat organisé par Le Cercle. Il y a un mois, le XXe Congrès national du Parti communiste chinois (PCC) s’est tenu avec succès. En France comme en Europe, on considère ce Congrès comme une fenêtre pour observer la Chine, dans l’espoir de trouver des réponses aux questions comme « où va la Chine ? » et « Quelles répercussions sur le monde et sur les relations sino-françaises et sino-européennes ? » J’ai suivi de près les commentaires en France. J’y ai trouvé des remarques lumineuses, mais aussi de nombreuses mal-interprétations, voire des déformations et stigmatisation. Comme le dit un adage chinois : « Qui écoute les deux côtés aura l’esprit éclairé, qui n’écoute qu’un côté restera dans les ténèbres. » Je voudrais donc profiter de cette occasion pour partager avec vous mes réflexions et échanger avec vous. 

A mon avis, pour comprendre l’impact du XXe Congrès sur la Chine et sur le monde et l’Europe, il faudrait avant tout avoir une juste perception de la vision chinoise du développement, de notre monde et de l’Europe. 

I.Commençons par la vision chinoise du développement. 

Au cours de la dernière décennie, la Chine a avancé et mis en œuvre une nouvelle vision du développement, celle d’un développement innovant, coordonné, vert, ouvert et partagé. Dans ce processus, l’économie chinoise a surmonté les aléas de la situation internationale et de nombreux risques et défis, pour réaliser des progrès tant quantitatifs que qualitatifs. En termes quantitatifs, l’économie chinoise s’est accrue en moyenne de 6,6 % par an, contribuant à hauteur de 38,6 % à la croissance mondiale, soit plus que les pays du G7 réunis, et son poids dans l’économie mondiale a progressé de 11,3 % en 2012 à 18,5 % en 2021. Sur le plan qualitatif, la Chine est passée de la 34e à la 12e place dans le classement de l’Indice mondial de l’innovation, figurant désormais au rang des pays innovants et se classant numéro un mondial en termes de nombre de chercheurs ; la consommation d’énergie par unité de PIB a diminué de 26,2 % ; la tâche historique de l’éradication de la pauvreté absolue a été accomplie, le PIB par habitant est passé de 6 300 dollars à plus de 12 000 dollars, la population de personnes à revenu moyen s’est élevée à environ 400 millions. Le sentiment de satisfaction, de bonheur et de sécurité des Chinois s’est renforcé continuellement.  

Depuis le début 2022, l’économie chinoise, comme la plupart des économies mondiales, est confrontée à plus de difficultés et de pressions en raison de la prolongation de la pandémie et des retombées de la crise ukrainienne. Depuis un certain temps, la « théorie de l’effondrement de l’économie chinoise » refait surface. Mais les faits sont plus éloquents que les mots. Face aux chocs des facteurs qui ont dépassé les anticipations, l’économie chinoise a fait preuve d’une forte résilience. Depuis le mois de mai, en particulier au troisième trimestre, elle a connu un net rebond et maintenu son élan de reprise. Au troisième trimestre, le PIB a enregistré une croissance de 3,9 % tant en glissement annuel qu’en glissement trimestriel. C’est beaucoup mieux qu’au deuxième trimestre. Et par rapport aux autres pays, la performance de l’économie chinoise reste exceptionnelle. En particulier, la hausse des prix à la consommation est modérée, un contraste frappant avec la montée de l’inflation à l’échelle mondiale. 

En fait, si on regarde dans l’histoire, on peut constater que la « théorie de l’effondrement de l’économie chinoise » ressurgit régulièrement. Mais, au lieu de s’effondrer, l’économie chinoise ne cesse de se développer et de progresser, devenant l’« usine du monde » et le « marché du monde ». Si on devrait élire la « pire prophétie » du monde, la meilleure candidate serait la « théorie de l’effondrement de l’économie chinoise ». 

Aujourd’hui, après avoir réalisé l’objectif du premier centenaire, à savoir le parachèvement de l’édification intégrale de la société de moyenne aisance, la Chine s’engage dans la nouvelle marche vers la réalisation de l’objectif du deuxième centenaire, c’est-à-dire faire de la Chine un grand pays socialiste moderne sur tous les plans. Nous avons établi une feuille de route en deux temps : de 2020 à 2035, réaliser pour l’essentiel la modernisation socialiste, et de 2035 au milieu du siècle, faire de la Chine un grand pays socialiste moderne, beau, prospère, puissant, démocratique, harmonieux et hautement civilisé. À cette fin, nous suivrons une voie de modernisation chinoise. 

La modernisation chinoise partage des points communs avec la modernisation des autres pays, mais possède aussi, et surtout, cinq caractéristiques basées sur les réalités concrètes de notre pays. Première caractéristique, la grande taille de la population. La population chinoise étant plus importante que celle de tous les pays développés réunis, la modernisation de la Chine dans son ensemble va complètement redessiner la carte de la modernisation de l’humanité. Deuxième caractéristique, la prospérité commune du peuple tout entier. Cela suppose que la population de personnes à revenu moyen en Chine continuera d’augmenter et que l’énorme potentiel de son marché continuera d’être libéré. Troisième caractéristique, l’équilibre entre la civilisation matérielle et spirituelle. Une Chine marquée par la richesse matérielle abondante et le plein épanouissement de l’homme créera des conditions plus solides pour contribuer au progrès de la civilisation humaine. Quatrième caractéristique, la coexistence harmonieuse entre l’homme et la nature. Une Chine qui poursuit fermement le développement vert et durable contribuera davantage aux efforts de l’humanité pour lutter contre le changement climatique, préserver la biodiversité et parvenir à un développement pérenne. Et enfin, cinquième caractéristique, la poursuite de la voie du développement pacifique. La Chine portera haut levé l’étendard de la paix et du développement, apportera la plus grande certitude à la cause de la paix et du développement dans le monde et injectera davantage d’énergie positive pour améliorer la gouvernance mondiale.  

Je vois que certaines personnes ont des malentendus sur l’orientation du développement de la Chine. Par exemple, selon certains, si le XXe Congrès met l’accent sur l’accélération de la mise en place d’un nouveau modèle de développement dit à « double circulation », cela signifie que l’économie chinoise deviendrait plus fermée, voire reviendrait à l’autarcie. C’est une interprétation déformée du terme. Le président Xi Jinping a souligné à plusieurs reprises que le nouveau modèle de développement repose sur l’interaction dynamique entre les circuits économiques domestique et international, et non sur un circuit économique domestique fermé. Le rapport du XXe Congrès a réitéré la détermination de la Chine à poursuivre une ouverture de haut niveau. L’histoire a prouvé que la réforme et l’ouverture sont un coup de maître décidant du destin de la Chine contemporaine. Puisque c’est un coup de maître, pourquoi l’abandonner ? Tout comme les mers et les océans sont reliés, la « mer » du circuit économique domestique de la Chine et l’« océan » du circuit économique international sont aussi reliés. Aujourd’hui, la Chine est le principal partenaire commercial de plus de 140 pays et régions, le plus grand pays du commerce de marchandises, et l’un des plus grands pays en termes d’investissements étrangers absorbés et d’investissements à l’étranger. Elle est en train de travailler à une ouverture à plus grande échelle, plus ample et plus approfondie. Bref, la porte de la Chine s’ouvrira toujours plus grand.  

II.Parlons maintenant de la vision chinoise du monde. 

Notre monde traverse des changements majeurs inédits depuis un siècle. L’humanité se trouve une fois de plus à la croisée des chemins de l’Histoire. Où va-t-elle ? Le XXe Congrès du PCC a de nouveau donné la réponse chinoise : c’est construire une communauté d’avenir partagé pour l’humanité. L’essentiel de cet objectif est de construire un monde beau et propre, ouvert et inclusif, et marqué par la paix durable, la sécurité universelle et la prospérité commune. 

Certains médias occidentaux y voient la tentative de la Chine de « prétendre à l’hégémonie mondiale » et de « servir ses intérêts égoïstes sous couvert d’universalisme », affirmant que cela « mettrait en péril l’ordre international ». C’est malintentionné. Le président Xi Jinping a clairement indiqué que « construire une communauté d’avenir partagé pour l’humanité, ce n’est pas de remplacer un système par un autre, ni de substituer une civilisation à une autre. C’est en fait de promouvoir le partage des intérêts, des droits et des responsabilités par les pays aux systèmes sociaux, aux idéologies, aux passés historiques, aux cultures et aux niveaux de développement différents dans la communauté internationale, pour trouver le plus grand dénominateur commun en vue d’un monde meilleur. » 

Le concept de la communauté d’avenir partagé pour l’humanité n’est pas créé de toutes pièces. Il est profondément ancré dans les gènes de la culture chinoise et la conception du monde du PCC. Il est aussi cohérent avec le but de la politique extérieure chinoise, qui est de préserver la paix mondiale et de promouvoir le développement commun. La philosophie chinoise a toujours exalté l’idée selon laquelle « un homme déchu travaille seul à se perfectionner ; et il favorise le monde entier quand il a la capacité. » C’est le savoir-vivre des Chinois depuis plus de 5 000 ans. Le PCC est un parti qui œuvre non seulement pour le bonheur des Chinois et le renouveau de la nation chinoise, mais aussi pour le progrès de l’humanité et l’harmonie du monde. C’est l’engagement initial et la mission du PCC depuis plus d’un siècle. Nous pensons toujours que la Chine ne va bien que lorsque le monde va bien, et que le monde se porte mieux quand la Chine se porte bien. Une Chine émergente a la responsabilité et la capacité de partager davantage de possibilités de développement avec le reste du monde et de fournir davantage de biens publics au monde. 

La Chine a toujours été un acteur actif dans la mise en œuvre de la communauté d’avenir partagé pour l’humanité. Au cours des dix dernières années, la Chine a signé plus de 200 documents de coopération avec 149 pays et 32 organisations internationales dans le cadre de l’Initiative « la Ceinture et la Route », un grand nombre de projets emblématiques ont progressé à pas assurés, par exemple, les trains de fret Chine-Europe sont devenus un axe vital pour le transport de marchandises du continent eurasiatique ; la Chine a réalisé en premier les Objectifs du millénaire pour le développement (OMDs) des Nations unies, s’est montrée exemplaire dans la mise en œuvre du Programme de développement durable à l’horizon 2030 (Agenda 2030) des Nations unies et contribué à plus de 70 % à la réduction de la pauvreté dans le monde ; face à la pandémie du siècle, elle a mené la plus grande opération humanitaire d’urgence à l’échelle mondiale depuis la fondation de la Chine nouvelle, envoyé 38 équipes d’experts médicaux dans 34 pays et livré plus de 2,2 milliards de doses de vaccins à plus de 120 pays et organisations internationales ; elle a soutenu fermement la mise en œuvre de l’Accord de Paris sur le climat et figure parmi les pays qui déploient le plus d’efforts en matière d’économies d’énergie et de réduction des émissions, et où les énergies nouvelles et renouvelables se développent le plus rapidement ; elle est le deuxième contributeur financier au maintien de la paix des Nations unies et le premier pourvoyeur de Casques bleus parmi les cinq membres permanents du Conseil de sécurité. L’année dernière, le président Xi Jinping a avancé l’Initiative pour le développement mondial et l’Initiative pour la sécurité mondiale. La Chine est prête à travailler avec les autres membres de la communauté internationale pour les mettre en œuvre et insuffler, par plus d’actions concrètes, un élan durable à la construction d’une communauté d’avenir partagé pour l’humanité. 

Si on parle de la vision chinoise du monde, on ne peut pas ne pas évoquer les relations sino-américaines. En Europe, certains prédisent avec pessimisme qu’une guerre est inévitable entre la Chine et les Etats-Unis, et craignent que « quand deux éléphants se battent, la savane souffre ». Je peux vous rassurer que cela ne correspond pas au positionnement ni aux attentes de la Chine dans ses relations avec les Etats-Unis.  

Faisons une analogie : imaginez que les Etats-Unis et la Chine sont deux lycéens en terminale. Les Etats-Unis sont l’« élève modèle » depuis de nombreuses années et la Chine est l’étoile montante de la promotion. Pour cet élève qu’est la Chine, l’objectif n’est pas de surpasser ou de vaincre les Etats-Unis, ce qui n’a aucun sens en soi, mais d’intégrer l’université de son rêve, ce qui demande de se dépasser sans cesse, c’est-à-dire s’occuper bien de ses propres études. Sachant que la Chine se classe encore après la 60e place mondiale en termes de PIB par habitant et après la 70e place dans le classement de l’indice de développement humain. Le gouvernement chinois doit travailler extrêmement dur pour offrir une vie meilleure à 1,4 milliard d’habitants. Il n’a pas la tête à se disputer avec les Etats-Unis. Bien entendu, la Chine sera heureuse de voir les Etats-Unis obtenir de meilleurs résultats et d’entrer en émulation avec eux pour progresser ensemble. Mais le problème est que l’élève que sont les Etats-Unis craint qu’une Chine en pleine ascension ne « menace » son statut de numéro un. Il cherche donc par tous les moyens à barrer la route à la Chine, et prend la tête d’une bande d’élèves pour la harceler et l’intimider. 

Revenons au monde réel. Les Etats-Unis affirment qu’ils n’ont aucune intention d’entrer en confrontation avec la Chine, mais leurs actes ne sont pas cohérents avec leurs déclarations : ils définissent la Chine comme leur « adversaire le plus important » et leur « défi le plus sérieux à long terme », fabriquent le récit de la « démocratie contre autocratie », tentent d’encercler la Chine en « façonnant l’environnement stratégique qui l’entoure », contraignent les autres pays à choisir le camps et prêchent le « découplage » d’avec la Chine. Ce que font les Etats-Unis non seulement viole le droit légitime du peuple chinois à mener une meilleure vie, mais aussi pousse le monde entier dans l’abîme d’une nouvelle guerre froide. 

Quant à la Chine, sa politique américaine est constante et cohérente. Elle se résume à trois principes que sont le respect mutuel, la coexistence pacifique et la coopération gagnant-gagnant. Ce sont les expériences importantes accumulées au cours de 50 ans de relations sino-américaines et aussi la bonne approche pour les deux pays de s’entendre. Respectivement en tant que plus grand pays en développement et plus grand pays développé, la Chine et les Etats-Unis sont en effet très complémentaires et peuvent coopérer dans de nombreux domaines. Ils partagent des responsabilités communes sur les questions planétaires telles que la lutte contre les épidémies, la reprise économique, la lutte contre le changement climatique, la lutte antiterrorisme, la non-prolifération et la résolution des crises régionales. La coopération profite à tous les deux et l’affrontement nuit à l’un comme à l’autre. C’est la plus simple des vérités.  

Le soi-disant « piège de Thucydide » n’est pas inévitable. Même Graham Allison lui-même, qui a théorisé cette notion, ne croit pas que la Chine et les Etats-Unis soient condamnés à entrer en guerre. Au XXIe siècle, la Chine et les Etats-Unis devront avoir la sagesse et la capacité de transcender la logique de la confrontation, de rechercher un terrain d’entente, et d’accroître les convergences tout en aplanissant les divergences, afin de créer une situation gagnant-gagnant pour la Chine, les Etats-Unis et le monde entier. Nous espérons que les Etats-Unis travailleront dans le même sens que la Chine, corrigeront leurs erreurs de jugement sur la Chine, respecteront la voie de développement de la Chine et éviteront de tomber dans le vrai piège de la prophétie autoréalisatrice. 

Nombreux sont ceux qui estiment que la question de Taiwan est le plus grand point de friction entre la Chine et les Etats-Unis. Taiwan fait partie de la Chine, et est placée sous la juridiction administrative effective du gouvernement chinois depuis plus d’un millier d’années. L’histoire de Taiwan en tant qu’une partie de la Chine est plus ancienne que l’histoire de la France. L’état particulier actuel de séparation politique entre les deux côtés du détroit est le résultat de la guerre civile chinoise et de l’intervention de forces extérieures il y a plus de 70 ans. Néanmoins, la souveraineté nationale et l’intégrité territoriale de la Chine n’ont jamais été divisées. Il n’y a qu’une seule Chine dans le monde, Taiwan fait partie intégrante du territoire chinois, et le gouvernement de la République populaire de Chine est l’unique gouvernement légal représentant toute la Chine. Tel est le statu quo dans le détroit de Taiwan, confirmé par la résolution 2758 de l’Assemblée générale des Nations unies et accepté par 181 pays dans le monde, dont les Etats-Unis. Les Etats-Unis s’y sont clairement engagés dans les trois Communiqués conjoints sino-américains. 

Cependant, depuis des décennies, et plus particulièrement ces dernières années, les Etats-Unis n’ont cessé de violer leurs engagements sur la question de Taiwan, cherchant à faire de Taiwan un pion pour contenir la Chine. Prenons l’exemple de la question des ventes d’armes à Taiwan : dans le Communiqué conjoint sino-américain du 17 août 1982, le gouvernement américain s’est explicitement engagé à « réduire graduellement ses ventes d’armes à Taiwan, pour aboutir, dans un certain temps, à une solution finale ». Mais en réalité, au lieu de mettre un frein aux ventes d’armes à Taiwan, les Etats-Unis ont appuyé sur l’accélérateur, et vendent de plus en plus d’armes offensives. C’est justement à l’instigation des Etats-Unis que les forces sécessionnistes pour l’« indépendance de Taiwan » se sont proliférées dans l’île. Les autorités du Parti démocrate progressiste, au pouvoir à Taiwan, refusent de reconnaître le « Consensus de 1992 », qui incarne le principe d’une seule Chine, et ont ouvertement inscrit l’« indépendance de Taiwan » dans les statuts du parti. L’« indépendance de Taiwan » est devenue un « rhinocéros gris » déchaîné et destructeur. Nous devons absolument l’arrêter. Toutes les actions prises récemment par la Chine sur la question de Taiwan sont des réactions proportionnées aux actes dangereux des Etats-Unis et des forces indépendantistes de Taiwan. Le but est de sauvegarder la paix et la stabilité du détroit.  

Le principe dit « réunification pacifique ; un pays, deux systèmes » est le meilleur moyen de réaliser la réunification de la Chine et correspond le plus aux intérêts de nos compatriotes des deux rives et de la nation chinoise tout entière. C’est la solution la plus réaliste et la plus inclusive compte tenu des différences de systèmes entre la partie continentale et Taiwan. Nous cherchons toujours la réunification pacifique avec la plus grande sincérité et en déployant le maximum d’efforts. En même temps, nous ne tolérerons jamais la séparation de Taiwan du territoire chinois, tout comme la France ne permettra pas la séparation de la Corse, et l’Espagne celle de la Catalogne. C’est pourquoi nous ne renonçons pas à l’usage de la force et nous gardons toutes les options ouvertes. Cela ne vise pas nos compatriotes de Taiwan, mais s’agit de dissuader les ingérences extérieures et une poignée d’indépendantistes de Taiwan de fuire en avant. 

III.Enfin, parlons de la vision chinoise de l’Europe. 

Situées aux deux extrémités du continent eurasiatique, la Chine et l’Europe n’ont pas de conflits d’intérêts stratégiques, et sont deux forces majeures dans le maintien de la paix mondiale, deux marchés essentiels au développement commun et deux grandes civilisations au service du progrès de l’humanité. Quels que soient les aléas internationaux, la Chine a toujours soutenu l’intégration européenne, l’unité et la prospérité de l’Union européenne et l’autonomie stratégique de l’Europe. Il y a huit ans, le président Xi Jinping a appelé la Chine et l’Europe à bâtir un partenariat pour la paix, la croissance, la réforme et la civilisation. C’est d’autant plus d’actualité dans le monde d’aujourd’hui, où les déficits de paix, de développement, de confiance et de gouvernance continuent de se creuser. 

Bien entendu, étant donné que la Chine et l’Europe ont des différences en termes d’histoires, de cultures et de systèmes sociétaux, il n’est pas surprenant qu’il y ait des divergences, voire des frictions entre nous. La clé est de se respecter mutuellement et de se traiter sur un pied d’égalité, et en particulier gérer adéquatement les différences idéologiques. Comme le disent les Chinois : « Les sages recherchent les points communs, alors que les sots s’accrochent aux points divergents. » Les systèmes chinois et européen sont différents, tout comme la cuisine chinoise et occidentale, les baguettes et les couteaux et fourchettes : chacun a ses propres raisons d’être. Aucun des deux ne doit, ni ne peut changer l’autre, mais chacun peut apprendre de l’autre. C’est d’ailleurs conforme à la devise même de l’UE : « unité dans la diversité ». 

Malheureusement, l’UE s’accroche au triptyque « partenaire, concurrent, rival » et met de plus en plus l’accent sur les aspects « concurrent » et « rival », ce qui a créé un énorme obstacle au développement des relations sino-européennes. Certains disent que c’est une preuve de l’autonomie stratégique de l’Europe, mais je pense que c’est le contraire. Ces derniers temps, de nombreux Européens clairvoyants ont soupiré que sur la question ukrainienne, l’Europe semble confondre de plus en plus les intérêt européens et les intérêts américains. N’est-ce pas pareil vis-à-vis de la Chine ? Le triptyque de l’UE s’aligne totalement sur les Etats-Unis. On se demande si elle se place du côté des Etats-Unis ou du côté de l’Europe. Si l’Europe ne sort pas rapidement de l’obsession de la soi-disant diplomatie des valeurs, elle risque de causer davantage de dégâts à ses propres intérêts stratégiques et réels, ainsi qu’aux relations sino-européennes.  

Par exemple, ces derniers temps, on parle beaucoup en Europe de la « réduction de la surdépendance à l’égard de la Chine », certains prônent même le « découplage » d’avec la Chine. Ils sont pigeonnés par les Américains. A l’ère de la mondialisation économique, la dépendance n’est jamais unilatérale. En 2020, la Chine est devenue le premier partenaire commercial de l’UE, en 2021, le volume des échanges commerciaux sino-européens a franchi la barre des 800 milliards de dollars, un nouveau record, et au premier semestre 2022, le volume des échanges commerciaux de l’UE avec la Chine a encore augmenté de 28,3 % en glissement annuel. Si l’Europe dépend de la Chine, la Chine dépend autant de l’Europe. Doit-elle aussi s’inquiéter de l’Europe ? 

Récemment, un haut fonctionnaire du FMI a dit qu’il n’était pas envisageable et qu’il serait très coûteux de délocaliser artificiellement la production hors de la Chine. Le Premier ministre singapourien Lee Hsien Loong a dit que le « découplage » pourrait entraîner une diminution de la coopération économique, de l’interdépendance, de la confiance et, en fin de compte, une instabilité mondiale. Et des chercheurs européens estiment que le véritable défi pour l’économie européenne est le manque de compétitivité plutôt que la dépendance à l’égard de la Chine. Ces voix de la raison méritent d’être écoutées et devront donner à réfléchir. 

Sur la question de l’Ukraine, malgré des points de vue différents, la Chine et la France sont d’accord sur la direction de la résolution du conflit. La Chine poursuit une politique étrangère indépendante et décide de sa position selon la réalité des faits. Nous sommes d’avis que la souveraineté et l’intégrité territoriale de tous les pays doivent être respectées, que les buts et principes de la Charte des Nations unies doivent être observés, que les préoccupations sécuritaires légitimes de tous les pays doivent être prises au sérieux et que tous les efforts propices au règlement pacifique doivent être soutenus. Cette position a toujours été constante.  

La Chine et la France sont toutes deux grandes nations dotées d’un esprit indépendant. Depuis leur établissement il y a 58 ans, les relations diplomatiques sino-françaises, marquées par des caractères stratégique, pionnier et global, ont toujours été à la pointe des relations entre la Chine et l’Occident. Aujourd’hui, sous l’impulsion stratégique de nos deux chefs d’Etat, les relations sino-françaises se développent à un niveau élevé. A mon avis, alors que la cause de la paix et du développement dans le monde se heurte à des vents contraires, la Chine et la France devraient avoir à cœur le monde entier, assumer les responsabilités qui leur incombent, et donner l’exemple dans trois domaines : 

Premièrement, donner l’exemple de la confiance. Nous devrons dissiper les doutes et méfiances à travers un dialogue sincère et franc, renforcer la confiance stratégique mutuelle, consolider constamment la stabilité et la prévisibilité des relations bilatérales et injecter davantage d’énergie positive dans un monde plein d’incertitudes. Pour ce faire, il est essentiel pour la Chine et la France d’avoir une juste perception l’une de l’autre. Je souhaite que les amis français ici présents continuent à y contribuer. 

Deuxièmement, donner l’exemple de la coopération gagnant-gagnant. La coopération économique sino-française s’intensifie malgré un contexte difficile, mais son potentiel est loin d’être pleinement exploité et elle fait face en même temps à la transition vers de nouveaux moteurs. Il y a beaucoup d’amis entrepreneurs parmi nous. J’attends de vous des conseils éclairés pour favoriser le développement durable de la coopération sino-française, au profit du développement économique et social de nos deux pays et de la reprise de l’économie mondiale.  

Troisièmement, donner l’exemple de la compréhension mutuelle des peuples. Transcender les barrières par les échanges intercivilisationnels est un moyen important de raffermir les bases du développement pacifique du monde. Alors que la situation sanitaire s’améliore petit à petit et que se profilent en 2024 le 60e anniversaire des relations diplomatiques sino-françaises, l’Année sino-française du tourisme culturel et les Jeux olympiques de Paris, les échanges culturels et humains sino-français sont promis à retrouver leur pleine vitalité. Les amis français de tous horizons sont les bienvenus pour y prendre part ! 

Bien, je m’arrête là et j’ai plaisir à échanger avec vous. 

Numéro 13 juillet-septembre 2022
XXe Congrès du Parti communiste chinois
Allocution de Jean-Pierre Raffarin pour le Dialogue Xiamen-Nice-Durban
Le crieur de rue du vieux Beijing
La transmission et le développement de l'esprit esthétique chinois
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