Le 6 octobre 2019, la zone humide du village de Yuzi, dans la zone de développement économique de Wansheng (Chongqing), resplendit de mille couleurs sous le soleil.
Depuis 2012, la bataille décisive contre la pauvreté s’est engagée dans une « voie verte » durable.
Les trésors inestimables de la nature
Parmi les 592 districts clés dans le travail national de lutte contre la pauvreté et pour le développement en Chine, plus de 80 % sont des endroits vulnérables sur le plan écologique ; et plus de 95 % des personnes vivant dans la pauvreté absolue sont réparties dans des anciennes bases révolutionnaires, zones peuplées d’ethnies minoritaires, régions frontalières et campagnes pauvres, où l’environnement est extrêmement fragile. La Chine doit donc suivre la « méthode verte » de réduction de la pauvreté, caractérisée par le développement intégré entre aménagement écologique et lutte contre la pauvreté.
Depuis 2015, la Chine a promulgué une série de lois et règlements. Ils visent non seulement à identifier les domaines et régions prioritaires en matière de compensation écologique, mais aussi à poser un cadre fondamental pour les mécanismes de compensation fondés sur le marché. En outre, la Loi de la République populaire de Chine sur la sylviculture a exigé la création d’un fonds de compensation écologique pour les ressources forestières, afin de clarifier les normes applicables.
Les grands modèles de référence
À l’heure où la Chine préconise un développement associant lutte contre la pauvreté et aménagement écologique, chaque région cherche à concilier ses propres conditions et ses propres avantages. Ce faisant, il en est qui ont accumulé une certaine expérience et donné naissance à des modèles nouveaux.
Premier modèle : agir pour freiner le phénomène de désertification, afin de contribuer à la réduction de la pauvreté et à la création de richesses écologiques, comme à Kubuqi. Le mode de gestion du désert de Kubuqi constitue un exemple concret d’intégration entre aménagement écologique et développement vert. Cette région s’est d’abord avancée sur la voie de la désertification, puis a rejoint la voie de la réduction de la pauvreté, pour enfin déboucher sur la voie de la création de richesses écologiques. À partir des années 1980, Kubuqi a progressivement façonné un modèle d’aménagement du désert à quatre moteurs, à savoir : orientation politique des autorités gouvernementales ; investissement industriel des entreprises ; participation des agriculteurs et éleveurs au marché ; innovations scientifiques et technologiques selon une logique durable. Le Rapport sur la création de richesses écologiques dans le désert de Kubuqi en Chine, publié par le Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE), dresse un bilan historique du modèle de Kubuqi : au total, 9,69 millions de mu (1 mu = 1/15 ha) de terres désertiques ont reverdi ; 15,4 millions de tonnes de carbone ont été capturées ; 24,376 milliards de m3 d’eau provenant des sources ont été préservés ; 18,3 millions de tonnes d’oxygène ont été libérées ; 349 millions de yuans ont pu être générés grâce à la protection de la biodiversité ; et plus de 500 milliards de yuans de richesses écologiques ont pu être occasionnés, dont 80 % correspondant à des bénéfices écologiques et sociaux.
Deuxième modèle : s’appuyer sur les ressources forestières pour favoriser les revenus d’activité. Citons l’exemple du district de Puxian (province du Shanxi), riche en ressources forestières. Ces dernières représentent, d’une part, le principal cheval de bataille dans l’aménagement écologique, et d’autre part, une arme massive pour repousser une bonne fois pour toutes la pauvreté. Après des analyses et recherches, le district de Puxian a donné la priorité à l’exploitation forestière dans des filières traditionnelles (noix et aubépine), ainsi que dans des filières spécifiques (mûriers à papier et poivriers du Sichuan). L’objectif consiste à aider les ménages pauvres à développer diverses branches industrielles en lien avec les forêts, telles que la culture de plantes médicinales ou de champignons et la culture en sous-bois. En 2016, rien que dans le district de Puxian, 4,24 millions de kilos de noix ont été produites et ont apporté, suite à leur vente, plus de 67 millions de yuans aux agriculteurs, soit un revenu moyen de 16 000 yuans par tête. Parallèlement, le district profite de fonds d’aménagement écologique forestière du gouvernement central et d’autres niveaux. En prévision de travaux de boisement s’étendant sur 3 675 mu, des contrats ont été conclus avec 19 coopératives locales spécialisées dans ce secteur. Les ménages pauvres, en intégrant ces coopératives, ont pu travailler à proximité de leur domicile et augmenter leur revenu d’au moins 6 500 yuans par habitant. Compte tenu de l’éventail de projets envisagés (aménagement et préservation des forêts nationales d’intérêt public, protection des forêts naturelles et transformation des jeunes arbres choisis en forêts), le district a ouvert des postes chargés de la gestion et de la protection des ressources forestières, et employé des démunis comme gardes forestiers pour encourager l’emploi local.
Troisième modèle : miser sur les ressources naturelles et humaines pour développer l’écotourisme, afin d’atténuer la pauvreté. Selon les statistiques du Bureau du groupe dirigeant du Conseil des affaires d’État pour la lutte contre la pauvreté et pour le développement, depuis 2011, la Chine a fait sortir de la pauvreté plus de 10 % de sa population démunie par le biais du tourisme rural, soit plus de 10 millions d’habitants. Les données du Centre national de suivi du tourisme rural montrent que le revenu par habitant démuni a augmenté de 1 123 yuans dans les 101 lieux de pauvreté observés (villages identifiés comme pauvres) dans 25 provinces (régions autonomes et municipalité) du pays. En guise d’illustration, intéressons-nous au district de Laishui, dans la ville de Baoding (province du Hebei), où les terres sont stériles et où les réseaux routiers et de communication sont arriérés. Ce district, reconnu comme frappé par la pauvreté à l’échelon national, est également un exemple type de zone écologiquement fragile. À dessein de favoriser la réduction de la pauvreté, le district de Laishui met en valeur ses ressources naturelles uniques dont le parc naturel Yesanpo, tout en développant le tourisme rural. Tous les villages pauvres ont été invités à rejoindre le plan de développement global des zones pittoresques. Au final, 71 villages pauvres, abritant 9 094 foyers et 17 526 habitants en situation de pauvreté, ont fait cette démarche. En 2016, au district de Lai-shui, la vente de billets d’entrée dans des parcs naturels a permis de réaliser un chiffre d’affaires de 150 millions de yuans, avec 1,7 milliard de yuans d’avantages sociaux comme retombées. En 2019, le district de Laishui est parvenu à remplir les critères de sortie de la pauvreté et a donc été rayé de la liste des districts défavorisés.
Quatrième modèle : recourir à Internet et aux plates-formes d’e-commerce pour développer des filières vertes et des canaux de vente dynamiques. Considérons l’exemple du département autonome yi de Liangshan (province du Sichuan), une région tout en relief où la pauvreté atteint un degré et une portée non négligeables. C’est même l’une des régions du pays où la pauvreté est un problème des plus graves, dont la résolution est une tâche des plus lourdes. Le département de Liangshan a choisi de tabler sur la production biologique d’olives comme « porte de sortie » de la pauvreté. Il a alors appelé les agriculteurs locaux et les ménages pauvres à cultiver des oliviers d’Europe à grande échelle. Pour gonfler les ventes d’olives, un modèle de coopération de type « ménages pauvres + entreprises leader + plate-forme JD via Internet » a été adopté : les ménages pauvres cultivent les olives ; les entreprises leader fournissent aux agriculteurs des jeunes plants à forte productivité, des services techniques pour la plantation et des contrats d’achat ; la plate-forme JD se charge des ventes. Ce modèle a permis de dissiper les inquiétudes des agriculteurs quant à l’avenir, de rehausser leur enthousiasme à faire des plantations et de consolider la force endogène que représente la population locale. En 2018, pour les 230 ménages pauvres qui ont pris part à ce modèle, leurs recettes par mu d’olivier d’Europe ont augmenté d’environ 4 000 yuans.
Le partage des expériences chinoises
Réduire la pauvreté par le développement écologique est une approche qui cherche à réaliser une symbiose harmonieuse entre l’homme et la nature, tout en promouvant de concert l’aménagement écologique et la lutte contre la pauvreté, pour atteindre des résultats durables. La Chine a formé des modèles et des grandes pratiques connexes. Une sagesse et des solutions chinoises dont les pays étrangers pourraient s’inspirer pour atténuer la pauvreté chez eux.
Premièrement, améliorer la mise en place de la « méthode verte » de réduction de la pauvreté. L’État doit introduire des politiques pertinentes et canaliser en permanence les ressources (fonds et talents notamment) pour favoriser l’investissement dans les régions écologiquement fragiles et les zones défavorisées. Deuxièmement, affermir la motivation et la participation des ménages pauvres. La sortie définitive de la pauvreté et l’enrichissement des habitants sont tributaires de la force endogène des populations démunies. Si l’on rehausse leur motivation et leur participation, il y aura un impact positif direct sur l’enthousiasme des pauvres à produire et sur leurs capacités de développement. Troisièmement, allier les ressources potentiellement lucratives et créer un modèle à part entière de réduction de la pauvreté. Il convient d’intégrer pleinement les ressources naturelles et humaines locales, tout en créant des modèles tels que « écosystème + tourisme rural / industries caractéristiques / postes d’intérêt public », afin de tracer une voie vers la prospérité marquée par un développement coordonnant deux aspects : une croissance économique respectueuse de l’environnement et la réduction de la pauvreté via l’écologie. Quatrièmement, recourir aux nouvelles technologies comme Internet et les plates-formes d’e-commerce pour donner lieu à des méthodes innovantes en matière de réduction de la pauvreté. Il convient de tirer parti des avantages qu’offrent Internet et les plates-formes d’e-commerce, notamment l’accès à un large public et à de multiples canaux marketing. Ces technologies permettent aux régions et groupes pauvres de promouvoir et vendre leurs produits, pour que ces derniers engendrent rapidement des retombées économiques.
TAN WEIPING : directeur général adjoint du Centre international de la réduction de la pauvreté