J’ai toujours aimé les fêtes, je les associe à la famille. Dans mon enfance, je savais que j’allais y retrouver tous mes oncles et tantes, mes cousins et cousines, chez mes grands-parents, qui constituaient le cœur même de ces rassemblements réguliers.
L’auteure, enfant, et sa famille
Étant de confession juive, je suis habituée à célébrer beaucoup de fêtes dans l’année : le Nouvel An juif appelé Roch Hachana, le jour du Grand Pardon appelé Yom Kippour, la fête des Cabanes appelée Souccot, la fête des Lumières (et des cadeaux pour les enfants) appelée Hanoukka, la Pâque juive appelée Pessah, et j’en passe…
Cependant, que l’on ait ou pas une religion, quelle que soit cette religion et quel que soit notre rapport aux traditions, je sais que nous avons tous connu de bons moments en famille, en tout cas je le souhaite à chacun, car cela a toujours été pour moi une source de joie, ancrée dans ma construction personnelle.
La fête de pourim est célébrée dans les rues de Stamford Hill, au nord de Londres.
Elle commémore la délivrance miraculeuse d’un massacre de grande ampleur.
Je me souviens que mes parents travaillaient les jours de semaine, du matin au soir, à Paris, lorsque j’étais petite. Ma grand-mère maternelle était nourrice ; elle m’a gardée et élevée durant mon enfance.
Je me rappelle que je rentrais déjeuner chez elle de la maternelle au lycée, pour manger de bonnes pâtes au gruyère, le plat que je préférais. L’après-midi après l’école, je faisais mes devoirs, puis je goûtais avec mes grands-parents, en attendant que ma mère revienne du travail.
Traditions familiales
Pourquoi vous raconter cela ? Je pense que c’est parce que j’étais toujours heureuse de me rendre chez ma grand-mère. Pour moi, ces « rituels » quotidiens étaient une fête. Je savais que je croiserais toujours deux ou trois oncles là-bas, qui y vivaient ou qui y mangeaient de temps en temps.
Je pense que chaque famille a ses propres traditions ou habitudes intimes, au-delà de fêtes religieuses ou calendaires, et que nous ne devons pas les oublier, ou considérer que cela est normal, acquis. À mes yeux, c’est une vraie chance d’avoir connu de précieux moments comme ceux-là.
En plus des jours de semaine, toute la famille avait l’habitude de se réunir chez ma grand-mère le vendredi soir ou le samedi soir, pour célébrer le chabbat, jour de repos dans la religion juive. Mes pensées d’enfant étaient simples : on allait tous se revoir, manger du couscous, rire ensemble, parler de tout et de rien, et finir la soirée avec les cousins et cousines dans le salon à jouer ensemble, jusqu’à ce que les parents nous donnent le signal de « mettre le manteau ».
Pour en revenir aux fêtes juives, en raisonnant encore une fois avec mes pensées d’enfant, je voyais aussi le côté joyeux de se retrouver en famille à chacun de ces moments de l’année. Mais les adultes de ma famille ont vite appris aux enfants, comme il se doit dans notre religion, l’histoire et la signification de ces fêtes, et aujourd’hui, je vois une particularité majeure aux fêtes juives, si on les compare au sens que prend le mot « fête » ailleurs : beaucoup de fêtes juives n’ont pas une histoire joyeuse. Elles commémorent parfois le deuil d’un temple jadis détruit, parfois une délivrance joyeuse, mais pour laquelle nous devons nous souvenir chaque année de tous les malheurs que le peuple hébreu a vécus avant d’y arriver, tel l’esclavage à l’époque des pharaons, en les récitant au cours d’une prière, en jeûnant, ou encore en interdisant parfois certaines choses.
Le hallah est un pain tendre et riche, en forme de tresses.
Ce qui me fascine encore aujourd’hui, c’est la joie et l’envie avec lesquelles mon entourage, ma communauté et moi-même récitons ces prières, ou même lorsque nous nous interdisons certaines choses : notre foi et notre fierté d’être qui l’on est, de voir la force de cette communauté, prennent largement le dessus sur les contraintes que ces fêtes peuvent susciter. Je sais que sur le papier, cela peut paraître difficile à comprendre ou à réaliser pour certains, mais je souhaite que chaque individu puisse ressentir ce sentiment de fierté, de foi, d’entièreté et de force, lorsque l’on sait que ce que l’on fait est vrai, juste et nous fait du bien. Et cela vaut pour n’importe quelle action du quotidien, quelles que soient nos croyances ou notre histoire. Chacun possède une force en soi, qui permet d’avancer, de remporter des succès, de se dépasser, de se rappeler qui l’on est, d’où l’on vient et où l’on va.
Chaque instant est une fête
En réalité, je dirais que chaque moment de vie peut être considéré comme une fête. Une habitude banale pour certains peut devenir une vraie tradition pour vous, ou encore un événement simple aux yeux des autres pourrait être une fête pour vous : par exemple un repas avec un proche chaque week-end, si l’on parle de moments joyeux uniquement.
Mais voici un conseil que je me suis toujours répété et que je partage ici : considérons également les mauvais moments, après coup, comme une « fête », non pas au sens d’événement joyeux, mais dans le but de se rappeler, si l’on en ressent le besoin, que telle faiblesse du passé est devenue aujourd’hui une force, que telle erreur a été une leçon afin de faire mieux par la suite, et que tel malheur nous a forgé, fait partie de notre identité, et pourrait peut-être nous permettre d’aider quelqu’un qui rencontrerait un jour le même problème.
Pour conclure et apporter un autre regard sur la vie, je partage un proverbe connu dans ma communauté : « gam zou létova », qui signifie « tout est pour le bien ». Même les tristesses ou les épreuves qui peuvent survenir constituent notre apprentissage de la vie, sur nous-mêmes, et elles deviendront finalement une force !
Anaëlle Shahar • manager dans le numérique, master en communication numérique