D’aussi loin que je puisse m’en souvenir, j’ai toujours eu un lien très fort avec la nature. J’ai toujours été fascinée tant par la faune que par la flore. Chez mes grands-parents, sans hésitation, j’allais construire des cabanes, ramasser les œufs des poules, planter des fleurs, des patates; j’allais observer les papillons, ainsi que les quelques chevreuils et sangliers qui venaient se perdre dans le jardin. D’abord un peu craintive, alors je n’étais pas plus haute que trois pommes, je me retrouvais rapidement émerveillée par ce que je ne voyais jamais dans mon habitat quotidien : la ville.
Jonathan Attias, 34 ans, Caroline Perez, 35 ans, et leurs deux filles posent dans leur cabane
où ils prônent une « désobéissance féconde », un retour à la nature pour la « régénérer »,
à Chasteaux, dans le centre de la France, le 23 avril 2021.
Les années ont passé, j’ai fait un collège à horaires aménagés pour la musique, un bac économique et social, puis un CAP Pâtissier, une licence en gestion hôtelière, et aujourd’hui, la boucle se referme autour de mes envies : allier écologie, bien-être, création, service et challenge à travers un master pour devenir experte en transition écologique, solidaire et citoyenne.
Au fil des ans, je me suis rendu compte que je n’étais jamais tout à fait à ma place. J’ai presque toujours eu envie de faire de la pâtisserie, mais arrivée dans le milieu, il me manquait le rapport direct à l’humain. J’étais dans des laboratoires de pâtisserie où il manquait de bienveillance, d’entraide et de communication. Je ne voyais jamais le bonheur des clients, je n’avais jamais de retour de leur part, ni constructif ni émotionnel. Aussi, nous utilisions beaucoup de produits gras peu recommandables pour les artères de nos clients… La notion de bien-être n’était pas là. Enfin, il y avait beaucoup de gaspillage. Ce petit package m’a fait quitter le milieu.
Ensuite, la licence en gestion hôtelière m’a permis de toucher au monde sensible de l’hôtellerie avec ses savoir-faire et ses savoir-être. Lors de ma 1ère année, en dehors de l’école, j’ai rencontré des jardiniers-paysagistes, des charpentiers et des chaudronniers qui avaient pour ambition d’ouvrir un écovillage afin d’y rassembler leurs savoirs et d’y respecter le vivant. C’est là que les premières pièces du puzzle ont commencé à s’emboîter. J’ai découvert le merveilleux milieu de l’écologie !
Paris veut transformer 100 ha d’espace urbain inutilisé pour agriculture urbaine.
Cette ferme biologique est installée sur un toit dans le 20e arrondissement, le 29 septembre 2018.
L’écologie ou « science qui étudie les interactions des êtres vivants entre eux et avec leur milieu » a fait écho en moi. Les milieux dans lesquels on prône l’écologie sont remplis de bienveillance, de partage, de solidarité, et tout cela est porté par une volonté de faire bouger le monde : une niaque et une persévérance incroyable !
Pour moi, l’écologie est porteuse de sens et positive, autant pour l’humain que pour la faune et la flore ; et cela tant dans le présent que dans le futur. Alors, pourquoi faire bouger le monde ? Parce qu’un monde où l’écologie a toute sa place est un monde où chacun a la légitimité de porter sa voix. C’est un monde où chacun a accès à l’alimentation, à l’eau, aux vêtements, un monde où tout le monde a un toit au-dessus de sa tête, a accès à la culture et au respect, en un mot : à la dignité. Ce n’est pas une forme d’économie dérivée, c’est un nouveau modèle de vie et non de survie, qui permet à chacun de découvrir qui il est sans détruire ce que pourrait être l’autre. C’est un monde qui tire ses forces des modèles passés tout en se déchargeant de leurs faiblesses : la dépendance aux énergies fossiles et à la compétition.
J’ai découvert ces différents aspects à travers du bénévolat : une participation à un WWOOFing (du bénévolat dans une pépinière biologique) et à un chantier Twiza (chantier d’une maison écoconstruite en bottes de paille et ossature en bois). Le premier bénévolat concerne l’agriculture biologique, le second l’écoconstruction. Leur point commun : il n’y a aucun échange d’argent, uniquement des échanges de services. Pendant un certain temps, j’ai échangé ma force de travail (6 h minimum par jour avec deux jours de repos par semaine) contre un logement, trois repas par jour (de grande qualité biologique), une douche par jour et de la vie en communauté dans des lieux d’exception. Les propriétaires ont toujours été, à leur manière, pédagogues, et m’ont permis d’apprendre vite, dans la bonne humeur et dans l’échange. Nous n’étions pas une main-d’œuvre, nous étions des bénévoles qui étaient là pour apprendre, en fournissant un certain travail à hauteur de nos capacités physiques et intellectuelles. Ce système repose sur l’humanité et des relations profondes. Le temps de travail permet la découverte d’un autre moyen de faire, d’un autre moyen d’apprendre et de transmettre. Chacun s’entraide, il y a la place pour l’erreur, la débrouille, l’improvisation, et des idées fabuleuses en ressortent. Dans ce mode de vie, la nature est omniprésente, son silence, ses bruits : ceux des poules, des dindons, des oiseaux, des rivières, auxquels s’ajoutent des rires pendant le travail et pendant les moments de pauses, et ce, à longueur de journée.
Les téléphones restent loin de nous. Naturellement, le besoin de cette hyperconnexion a disparu depuis longtemps, on s’accroche à cette liberté d’être déconnectés.
Jean-Noël Gerz, co-fondateur de la ferme urbaine souterraine La Caverne, a transformé
un parking souterrain abandonné de 3 000 m2 à Paris en ferme urbaine.
« Mon rêve serait de créer un écovillage où j’ouvrirais une auberge écologique. »
Lorsque vient la pause, lorsque la journée de travail est terminée, c’est le moment du repos, de l’échange, et si désiré, des jeux de société. Chacun contemple l’avancée de la journée. Tous les âges sont représentés : de 18 à 70 ans, les générations sont mélangées et échangent. On parle voyage, dynamiques et expériences de vie, de projets ; on refait le monde, on se remplit d’énergies positives, on rêve. La bienveillance, la solidarité, l’humour et la profondeur de vie sont présents.
Quand je repars, je sens que j’ai contribué à un monde meilleur : j’ai permis l’amélioration d’espaces qui favoriseront la vie et la survie de la faune et de la flore, mais aussi de l’être humain ! J’ai noué des relations, facilement, profondément, qui resteront gravées dans ma tête et dans celles des autres participants. J’ai créé des souvenirs et expériences qui me donnent de l’énergie pour retourner à une vie qui s’inscrit plus dans la norme, le temps de finir mes études et de réaliser mes rêves.
Voilà comment cela m’impacte aujourd’hui. Cela m’ouvre la porte à de belles rencontres, à de petites étapes au quotidien, à un chemin et à une perspective fabuleuse. Mon rêve serait de créer un écovillage, dans lequel j’ouvrirais une auberge ou une forme d’hôtel écologique, qui permettrait de faire le lien entre l’extérieur et l’intérieur du village. Cela permettrait la transmission de savoir-faire et de savoir-être ; mais aussi de montrer que cette « utopie » est loin d’être un retour à l’âge de pierre, mais bien une évolution vers un monde plus juste, plus simple et plus beau.
CÉLIA LEFÈVRE • étudiante en master à la SUP’ÉCOLIDAIRE