L’intelligence artificielle (IA) transforme notre monde à une vitesse sans précédent. En tant qu’étudiant en informatique à l’Université Tsinghua de Chine, j’ai eu l’opportunité d’observer de près son évolution ainsi que son impact économique, et constater que la coopération sino-française dans ce domaine offre un potentiel immense pour l’innovation et le progrès technologique.
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Développement de l’IA en Chine et en France
La Chine est aujourd’hui l’une des forces motrices dans le développement de l’IA. Le gouvernement chinois a mis en place des politiques encourageantes pour promouvoir l’innovation technologique, avec un objectif clair d’aboutir à un niveau avancé mondial dans le domaine de l’IA d’ici 2030. Les investissements massifs dans la recherche et le développement, ainsi que la création de zones d’innovation comme la « Silicon Valley chinoise » à Shenzhen, témoignent de cette volonté.
Les entreprises chinoises, telles que Baidu, Alibaba et Tencent, jouent un rôle clé en développant des technologies avancées d’apprentissage automatique, de reconnaissance faciale et de traitement du langage naturel. Par ailleurs, la Chine a su créer un écosystème favorable à l’innovation en combinant un soutien gouvernemental fort et une dynamique entrepreneuriale.
Un aspect intéressant du développement de l’IA en Chine est la rapidité avec laquelle les nouvelles technologies sont intégrées dans la vie quotidienne. Par exemple, pour garantir la sécurité financière, la reconnaissance faciale est utilisée pour les paiements, et même la gestion du trafic. L’IA est aussi de plus en plus utilisée dans la médecine pour le diagnostic et les nouveaux traitements.
La France possède de son côté des bases solides dans les mathématiques et l’informatique, la part essentielle pour le développement de l’IA. Le gouvernement français avait lancé pour la période 2018-2022 une stratégie nationale pour l’IA avec un investissement de 1,5 milliard d’euros afin de stimuler la recherche, l’innovation et l’éducation dans ce domaine. Des institutions comme l’Institut national de recherche en informatique et en automatique, et des entreprises telles que Thales et Dassault Systèmes sont à la pointe de la recherche et du développement en IA. De plus, la France accueille de nombreux événements internationaux consacrés à l’IA, comme la Conférence sur les Systèmes de traitement de l’information Neuronale (NeurIPS).
La France se distingue également par son approche éthique de l’IA. Le gouvernement français a mis en place un comité d’éthique pour la superviser et s’assurer que les technologies sont développées de manière responsable. Cette approche pourrait servir de modèle pour d’autres pays cherchant à équilibrer innovation et responsabilité sociale.
Renforcement de la coopération sino-française en IA
L’une des premières étapes pour renforcer la coopération entre la Chine et la France dans l’IA consiste à intensifier les échanges académiques. Les universités et les instituts de recherche des deux pays peuvent bénéficier de programmes d’échange, de projets de recherche collaborative et de conférences conjointes. Ces initiatives permettraient de partager des connaissances, des ressources et des talents, tout en favorisant l’innovation et les avancées technologiques.
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Des programmes comme le Franco-Chinese Postdoctoral Research Program ou des collaborations entre l’Université Tsinghua et l’École Polytechnique pourraient servir de tremplin pour des projets de recherche de grande envergure et former une nouvelle génération de chercheurs avec une perspective globale et une compréhension profonde des deux cultures.
Les entreprises chinoises et françaises ont beaucoup à gagner en établissant des partenariats stratégiques. La création de co-entreprises, le partage de technologies et les investissements croisés peuvent accélérer le développement et la commercialisation de solutions innovantes. Par exemple, des collaborations entre les géants chinois de l’IA et les entreprises françaises de haute technologie pourraient conduire à des avancées significatives dans des domaines tels que la santé, la finance et les villes intelligentes.
Un exemple concret de collaboration pourrait être le développement de solutions d’IA pour les villes intelligentes, combinant l’expertise française en gestion urbaine et les avancées technologiques chinoises. De telles initiatives pourraient améliorer la qualité de vie des citoyens tout en réduisant l’empreinte environnementale des grandes villes.
Une coopération étroite entre la Chine et la France pourrait également contribuer à l’élaboration de normes et de réglementations internationales pour l’IA. En travaillant ensemble, les deux pays peuvent s’assurer que les technologies de l’IA sont développées et utilisées de manière éthique, sécurisée et respectueuse des droits humains. Cela inclut la protection de la vie privée, la transparence des algorithmes et la lutte contre les biais discriminatoires.
L’initiative conjointe pour une charte internationale sur l’éthique de l’IA pourrait être un premier pas vers la création d’un cadre global pour son utilisation responsable. Cette charte pourrait inclure des principes sur la transparence des algorithmes, la protection des données personnelles et la lutte contre les biais.
Le rôle des jeunes dans la coopération
Les jeunes, en particulier les étudiants et les jeunes professionnels, ont un rôle crucial à jouer dans la coopération sino-française en matière d’IA. En tant qu’étudiants en informatique à l’Université Tsinghua, nous avons l’opportunité de participer à des projets de recherche, des « hackathons » et des conférences internationales qui nous permettent de nouer des liens avec nos homologues français. Ces interactions sont essentielles pour créer un réseau de jeunes talents capables de collaborer sur des projets innovants.
Les jeunes peuvent aussi jouer un rôle de pont entre les cultures en favorisant la compréhension mutuelle et en surmontant les barrières linguistiques et culturelles. Les initiatives de mentorat, les stages et les programmes de formation peuvent également aider à développer les compétences nécessaires.
Des programmes comme le Young Leaders Program de la France, China Foundation ou le Global AI Talent Development Program peuvent offrir des plateformes où les jeunes talents des deux pays peuvent collaborer et innover ensemble. En favorisant ces échanges, nous créons un environnement propice à l’innovation et à la compréhension mutuelle.
La coopération sino-française dans l’IA offre donc des opportunités uniques pour les deux pays en leur permettant de renforcer leurs capacités technologiques et d’innover ensemble. En intensifiant les échanges académiques, en établissant des partenariats industriels et en travaillant sur des normes internationales, la Chine et la France peuvent réaliser des progrès significatifs dans ce domaine. Les jeunes ont ainsi un rôle clé à jouer en apportant leur énergie, leurs idées et leur passion pour l’IA.
*RAPHAËL PERRI est étudiant en informatique à l’Université Tsinghua