Voix des jeunes

Vers plus de coopération dans les grandes infrastructures de recherche
By CHEN XIAOYI* | Dialogue Chine-France | Updated: 2024-07-09 16:13:00

Les grandes infrastructures de recherche ont toujours constitué une plateforme importante pour la coopération scientifique et technologique internationale. Elles permettent d’explorer les frontières scientifiques, de promouvoir la transformation technologique et de résoudre les défis mondiaux communs. La Chine et la France, deux grands pays dans les sciences et technologies, mais aussi deux grands pays responsables, renforceront leur coopération dans les grandes infrastructures de recherche et les grands projets scientifiques internationaux pour favoriser le progrès commun dans les sciences et technologies et contribuer à la poursuite de la coopération internationale dans ces domaines et à la création d’un climat mondial d’innovation ouverte. 

Des techniciens installent des tubes photomultiplicateurs dans le détecteur central du laboratoire neutrino de Jinji (Guangdong), le 7 juin 2023. 

L’expérience française 

Dès 1949, le physicien français Louis de Broglie proposa pour la première fois la création d’un laboratoire régional de recherche nucléaire, formant ainsi l’idée originale du Centre européen de recherche nucléaire (CERN). Aujourd’hui, le CERN compte 23 pays membres et a découvert le boson de Higgs. Il s’agit d’un exemple typique de coopération dans les sciences et technologies autour de grandes infrastructures de recherche. Des années 1960 aux années 1990, la France a ainsi établi l’Institut Laue-Langevin (ILL), puis le site European Synchrotron Radiation Facility (ESRF) dans le Polygone scientifique de Grenoble, une cité scientifique ouverte et innovante. 

Le polygone scientifique accueille chaque année des dizaines de milliers de visiteurs internationaux et a donné naissance à des entreprises de renom comme STMicroelectronics pour devenir la « Silicon Valley » européenne. Depuis 2008, la France publie régulièrement la Feuille de route nationale des infrastructures de recherche. Elle planifie et gère les grandes installations scientifiques nationales et participe aux projets scientifiques internationaux aux États-Unis, en Europe, et en Chine. Dans la Stratégie nationale des infrastructures de recherche (édition 2021) publiée en 2022, la France a proposé de participer au démarrage de Jiangmen Underground Neutrino Observatory (JUNO) en Chine pour en faire l’une de ses principales priorités pour les cinq prochaines années. Les neutrinos, également appelés « particules fantômes », ont des masses extrêmement petites et sont extrêmement difficiles à détecter, ce qui nécessite d’énormes détecteurs. JUNO a été conçue pour capturer les neutrinos et explorer les mystères de l’origine et de l’évolution de l’univers. 

Vue panoramique de l’Experimental Advanced Superconducting Tokamak (EAST), à Hefei (Anhui), le 27 août 2022 

L’exemple de la coopération sino-française 

La Chine et la France ont établi de nombreuses modalités de coopération dans les grandes infrastructures de recherche, dont la plus représentative est la coopération basée sur le projet Tokamak. Tokamak, également connu sous le nom de « soleil artificiel », est une infrastructure de recherche sur la fusion à réaction contrôlable et continue qui simule le principe de génération d’énergie par le soleil sur Terre. 

Dans les années 1980, l’Institut de physique des plasmas de l’Académie des sciences de Chine a coopéré avec le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) dans les infrastructures expérimentales de fusion. Les deux parties sont progressivement passées de la coopération entre le HT-7 chinois et le Tore supra français aux expériences conjointes entre le tokamak chinois EAST (Experimental Advanced Superconducting Tokamak) et le tokamak français WEST (W (Tungsten) Environment in Steady-state Tokamak). 

Sur la base d’une coopération approfondie, en 2013 et 2017, la Chine et la France ont construit ensemble un laboratoire commun et le Centre franco-chinois sur l’énergie de fusion (Siffer) établissant un record mondial dans la durée de fonctionnement du plasma. Les résultats obtenus ont joué un rôle important dans le projet ITER. 

Les deux parties travaillent également ensemble dans l’organisation de l’école d’été annuelle de la physique du Plasma et de la fusion en Afrique. En 2023, le premier programme pilote pour l’innovation ouverte (PPOI) de l’Académie des sciences de Chine basé sur la recherche de l’énergie de fusion nucléaire a été lancé à Hefei. En 2024, la fusion de EAST et WEST a été le point d’orgue du Salon des réalisations de la coopération scientifique et technologique sino-française à Paris. 

Au cours de 40 ans de coopération en matière de fusion, la Chine et la France se sont appuyées sur la coopération dans les grandes infrastructures de recherche pour la transformer en coopération institutionnelle et en coopération au niveau national. Le passage de la réalisation collaborative d’objectifs scientifiques à la création conjointe d’un écosystème d’innovation ouvert est un modèle dans la coopération sino-française dans les sciences et technologies. 

Vue aérienne de la source de rayonnement synchrotron à haute énergie (HEPS) à la Cité scientifique de Huairou à Beijing, le 18 septembre 2023 

Vers une coopération élargie 

Vu le modèle actuel de développement mondial des grandes infrastructures de recherche, le degré d’internationalisation des grandes infrastructures de recherche chinoises et des bases de la coopération passée entre la Chine et la France, il existe un large espace de coopération entre les deux pays dans ce domaine. 

Premièrement, alors que le financement mondial de la recherche scientifique régresse et que la construction de grandes infrastructures de recherche ralentit, la Chine est toujours dans une période de développement rapide dans ce domaine. Actuellement, près de 60 grandes infrastructures de recherche sont soit en construction soit en service. Au cours de la période du 14e Plan quinquennal, une vingtaine d’autres sont prévues. La Chine se place ainsi aux premiers rangs mondiaux en termes de stock et de progression. 

Deuxièmement, la Chine a déployé de gros efforts en matière de coopération internationale ouverte dans ce domaine, mais il reste encore beaucoup à faire dans le domaine de l’internationalisation. Le partage du programme FAST a été ouvert au monde en 2021 et 27 candidatures de 14 pays ont été approuvées pour la première fois. Dans le cadre de JUNO, 23 conférences de groupes de coopération internationale ont été organisées, et 316 scientifiques de 13 pays et régions participeront en 2024. Mais dans l’ensemble, moins de 10 % des grandes infrastructures de recherche en activité en Chine sont construites conjointement par des entreprises nationales et étrangères, loin derrière les chiffres mondiaux. 

Troisièmement, la Chine et la France ont accumulé une base solide en matière de coopération dans l’innovation scientifique et technologique, depuis la signature de l’Accord intergouvernemental de coopération scientifique et technologique en 1978, ainsi que dans la coopération dans les grandes infrastructures de recherche. La fusion est devenue une référence pour la coopération sino-française. Des projets de coopération sont également en cours entre les villes scientifiques dotées de grandes infrastructures de recherche. En 2019, la Cité scientifique de Huairou et la Cité scientifique de Grenoble ont établi un mécanisme d’échange pour élargir la coopération autour de la construction d’un écosystème d’innovation ouvert. 

*CHEN XIAOYI est chercheuse associée à l’Institut de science et de développement de l’Académie des sciences de Chine 

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