Il est facile pour un Africain résidant sur le continent de penser à tort que l’amitié sino-africaine est superficielle. En effet, avec le flot d’informations souvent négatives sur la coopération sino-africaine, il n’est pas surprenant que certains puissent douter de la sincérité de cette relation. En tant qu’Ougandais et Africain, je comprends les réserves de notre jeunesse face aux intentions de la Chine en Afrique, exacerbées par une couverture médiatique souvent défavorable. Cependant, malgré ce déluge de critiques et de désinformation, il est crucial que nous nous engagions à fournir des informations fiables et impartiales à notre population.
Les participants de la 8e Festival de la jeunesse Chine-Afrique découvrent la sculpture sur bois à l’Université professionnelle et technique de construction de Zhejiang Guangsha à Jinhua (Zhejiang), le 25 mai 2024.
En tant qu’Africain intéressé au premier chef par la coopération sino-africaine, je suis régulièrement confronté à des informations cherchant à discréditer cette amitié. Mon expérience lors du 8e Festival de la jeunesse Chine-Afrique en Chine m’a néanmoins offert une perspective authentique sur la réalité de l’amitié sino-africaine et a dissipé de nombreux préjugés. Cette expérience directe souligne l’importance de dépasser le narratif médiatique pour comprendre la véritable essence de nos relations.
Six siècles d’échanges et de dialogue
Il est souvent perçu à tort que l’implication chinoise en Afrique est un phénomène récent, alors que les interactions sino-africaines remontent à plusieurs siècles. Parmi les exemples les plus anciens, on compte les expéditions du navigateur Zheng He, qui a atteint la côte de l’Afrique de l’Est au XVe siècle. Commandant une flotte imposante, il n’a jamais été perçu comme une menace durant ses multiples voyages dans la région. Ses expéditions n’ont jamais eu pour objectif la conquête ou la colonisation, mais s’est attaqué à la piraterie. Zheng He lui-même a noté que grâce à ses voyages, les voies maritimes devenaient « pures et paisibles », permettant ainsi aux peuples étrangers de vaquer à leurs activités en toute sécurité.
George Musiime découvre l’artisanat local de l’impression à Jinhua (Zhejiang), le 23 mai 2024.
Ces expéditions témoignent de l’engagement de longue date de la Chine pour la paix, la sécurité et la prospérité partagée. Commandant une grande flotte moderne, Zheng He aurait pu opter pour la conquête, mais il a choisi la voie de la coopération. Ses voyages, souvent qualifiés de diplomatiques, incluaient le transport d’envoyés étrangers à la cour des Ming (1368-1644), renforçant ainsi les liens entre la Chine et les nations qu’il visitait.
Comprendre l’autre en apprenant sa langue
La langue est essentielle pour favoriser le respect mutuel, la compréhension et la tolérance entre les peuples. Mon séjour en Chine a complètement dissipé l’idée reçue selon laquelle l’enseignement du chinois en Afrique pourrait être un vecteur de colonisation future. À Beijing, j’ai eu l’opportunité de rencontrer de nombreux jeunes Chinois maîtrisant plusieurs langues étrangères, y compris des langues africaines locales. Cette capacité à communiquer dans les langues de l’autre était non seulement impressionnante, mais aussi un puissant témoignage de l’engagement envers un véritable échange culturel et linguistique.
Lors de discussions fascinantes avec deux étudiants de l’Université des études étrangères de Beijing, j’ai découvert qu’ils parlaient couramment le swahili. Pour une nation aussi influente que la Chine, l’apprentissage des langues étrangères témoigne d’un engagement profond pour la coopération internationale et la compréhension mutuelle. L’étude des langues africaines par ces étudiants est conçue pour faciliter la création d’une communauté de destin pour toute l’humanité. Ainsi, contrairement aux allégations de certains critiques occidentaux, la Chine ne cherche pas à imposer sa culture en Afrique. Au contraire, il est évident que les Chinois portent un intérêt sincère et respectueux envers les cultures africaines.
Une curiosité mutuelle
En plus des programmes d’échange linguistique, j’ai eu l’honneur de visiter l’Institut d’études africaines de l’Université normale du Zhejiang, qui propose le programme d’études africaines le plus prestigieux du pays. Il abrite également un musée consacré à la conservation d’objets du patrimoine africain, qui joue un rôle essentiel dans la préservation de la richesse culturelle africaine et offre aux étudiants issus de divers horizons culturels une immersion dans la diversité du continent. Lors de ma visite, j’ai découvert des aspects de la culture africaine que je ne connaissais pas. Cet engagement s’aligne parfaitement sur le Consensus de Dar es Salaam, qui a encouragé l’adoption de l’Initiative pour la civilisation mondiale, prônant le respect des cultures du monde entier.
Mon expérience s’est enrichie davantage lors de ma visite à l’Université professionnelle et technique de construction de Zhejiang Guangsha, où j’ai eu l’opportunité de découvrir les remarquables travaux réalisés par des étudiants africains. J’ai également été touché par les histoires inspirantes qui se cachent derrière chacun de ces projets.
Ma visite dans ces institutions remarquables a été une véritable révélation, non seulement pour moi, mais aussi pour beaucoup de mes collègues. Elle a permis de dissiper le discours selon lequel la Chine chercherait à exploiter l’Afrique. Au contraire, j’ai pu constater de mes propres yeux que la Chine ne se contente pas de préserver la culture africaine, elle en est également une gardienne attentive, protégeant une partie précieuse de notre patrimoine. Tout au long de mon séjour, j’ai constamment ressenti la proximité de ma culture, renforçant ainsi le sentiment d’appartenance.
Par ailleurs, bien que la coopération sino-africaine soit souvent perçue sous l’angle économique, axée sur la résolution des défis liés à la modernisation du continent, mon séjour en Chine m’a offert une perspective différente. J’ai découvert une dimension plus profonde de cette amitié, centrée sur les liens humains et les échanges culturels. J’ai été témoin des efforts déployés pour sensibiliser les Chinois à la culture africaine et préserver les artefacts africains avec une touche chinoise, ce qui témoigne de l’avenir prometteur de l’amitié sino-africaine. Tant que l’Afrique saura tirer parti de cette relation, les perspectives du continent ne pourront que s’améliorer.
*GEORGE MUSIIME est chercheur au Development Watch Centre (Ouganda)