Depuis 2012, la bataille décisive contre la pauvreté s’est engagée dans une « voie verte » durable.
Les trésors inestimables de la nature
Parmi les 592 districts clés dans le travail national de lutte contre la pauvreté et pour le développement en Chine, plus de 80 % sont vulnérables sur le plan écologique ; et plus de 95 % des personnes vivant dans la pauvreté absolue sont réparties dans des anciennes bases révolutionnaires, des zones peuplées d’ethnies minoritaires, des régions frontalières et des campagnes pauvres, où l’environnement est extrêmement fragile. La Chine doit suivre la « méthode verte » de réduction de la pauvreté, caractérisée par le développement intégré entre aménagement écologique et lutte contre la pauvreté.
Depuis 2015, la Chine a promulgué des lois et règlements visant non seulement à identifier les domaines et régions prioritaires en matière de compensation écologique, mais aussi à poser un cadre pour les mécanismes de compensation fondés sur le marché. En outre, la Loi de la République populaire de Chine sur la sylviculture a exigé la création d’un fonds de compensation écologique pour les ressources forestières, afin de clarifier les normes applicables.
Les modèles de référence
Parallèlement au niveau national, les différentes régions cherchent à concilier leurs propres conditions et leurs propres avantages. Certaines ont accumulé une bonne expérience et donné naissance à des modèles.
Premier modèle : agir pour freiner la désertification, afin de contribuer à la réduction de la pauvreté et à la création de richesses écologiques, comme à Kubuqi. Cette région s’est d’abord avancée sur la voie de la désertification, puis a rejoint la voie de la réduction de la pauvreté, pour enfin déboucher sur la voie de la création de richesses écologiques. À partir des années 80, Kubuqi a progressivement façonné un modèle d’aménagement du désert à quatre moteurs : orientation politique des autorités gouvernementales, investissement industriel des entreprises, participation des agriculteurs et éleveurs au marché, et innovations scientifiques et technologiques selon une logique durable. Le Rapport sur la création de richesses écologiques dans le désert de Kubuqi en Chine, publié par le Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE), dresse un bilan historique : 9,69 millions de mu (1 mu = 1/15 ha) de terres désertiques ont reverdi ; 15,4 millions de tonnes de carbone ont été capturées ; 24,376 milliards de m3 d’eau provenant des sources ont été préservés ; 18,3 millions de tonnes d’oxygène ont été libérées ; 349 millions de yuans ont été générés grâce à la protection de la biodiversité ; et plus de 500 milliards de yuans de richesses écologiques ont pu être créés, dont 80 % correspondant à des bénéfices écologiques et sociaux.
Deuxième modèle : s’appuyer sur les ressources forestières pour favoriser les revenus d’activité, comme dans le district de Puxian (province du Shanxi). Les ressources forestières y représentent le principal cheval de bataille dans l’aménagement écologique et une arme massive pour repousser la pauvreté. Le district de Puxian a donné la priorité à l’exploitation forestière dans des filières traditionnelles (noix et aubépine), ainsi que dans des filières spécifiques (mûriers à papier et poivriers du Sichuan). L’objectif ? Aider les ménages pauvres à développer des branches industrielles en lien avec les forêts, telles que la culture de plantes médicinales ou de champignons et la culture en sous-bois. En 2016, rien que dans le district de Puxian, 4,24 millions de kilos de noix ont été produits et ont apporté plus de 67 millions de yuans aux agriculteurs, soit un revenu moyen de 16 000 yuans par tête. Parallèlement, le district profite de fonds d’aménagement écologique forestier du gouvernement central et d’autres niveaux. En prévision de travaux de boisement s’étendant sur 3 675 mu, des contrats ont été conclus avec 19 coopératives locales spécialisées dans ce secteur. Les ménages pauvres, en intégrant ces coopératives, travaillent à proximité de leur domicile et augmentent leur revenu d’au moins 6 500 yuans par habitant. Compte tenu de l’éventail de projets envisagés, le district a ouvert des postes spécifiques et encouragé l’emploi local en embauchant des démunis comme gardes forestiers.
Troisième modèle : miser sur les ressources naturelles et humaines pour développer l’écotourisme. Selon les statistiques du Bureau du groupe dirigeant du Conseil des affaires d’État pour la lutte contre la pauvreté et pour le développement, depuis 2011, la Chine a fait sortir de la pauvreté plus de 10 % de sa population démunie par le biais du tourisme rural, soit plus de 10 millions d’habitants. Les données du Centre national de suivi du tourisme rural montrent que le revenu par habitant démuni a augmenté de 1 123 yuans dans les 101 lieux de pauvreté observés (villages identifiés comme pauvres) dans 25 provinces (régions autonomes et municipalité). Intéressons-nous au district de Laishui, dans la ville de Baoding (province du Hebei), où les terres sont stériles et où les réseaux routiers et de communication sont arriérés. Ce district, frappé par la pauvreté, est également une zone écologiquement fragile. Pour réduire la pauvreté, il met en valeur ses ressources naturelles uniques, notamment le parc naturel Yesanpo, tout en développant le tourisme rural. Les villages pauvres ont été invités à rejoindre le plan de développement global des zones pittoresques. Au final, 71 villages pauvres, abritant 9 094 foyers et 17 526 habitants pauvres, ont fait cette démarche. En 2016, dans le district de Laishui, la vente d’entrées dans les parcs naturels a engendré un chiffre d’affaires de 150 millions de yuans, avec 1,7 milliard de yuans d’avantages sociaux de retombées. En 2019, le district a été rayé de la liste des districts défavorisés.
Quatrième modèle : recourir à Internet et aux plateformes d’e-commerce pour développer des filières vertes et des canaux de vente dynamiques. Exemple : le département autonome yi de Liangshan (province du Sichuan), une région tout en relief où la pauvreté a un degré et une portée non négligeables. Le département de Liangshan a tablé sur la production biologique d’olives comme « porte de sortie » de la pauvreté. Il a appelé les agriculteurs locaux et les ménages pauvres à cultiver des oliviers d’Europe à grande échelle. Pour gonfler les ventes, un modèle de coopération de type « ménages pauvres + entreprises leaders + plateforme JD (une entreprise de e-commerce) via Internet » a été adopté : les ménages pauvres cultivent des oliviers ; les entreprises leaders fournissent aux agriculteurs de jeunes plants à forte productivité, des services techniques pour la plantation et des contrats d’achat ; la plateforme JD se charge des ventes. En 2018, les recettes par mu d’oliviers d’Europe ont augmenté d’environ 4 000 yuans pour les 230 ménages pauvres qui ont pris part à ce modèle.
Le 22 avril 2014, le Programme des Nations unies pour l’environnement a annoncé à Ordos, en Mongolie intérieure,
Le partage des expériences chinoises
Réduire la pauvreté par le développement écologique est une approche qui cherche à réaliser une symbiose harmonieuse entre l’homme et la nature, tout en promouvant de concert l’aménagement écologique et la lutte contre la pauvreté, pour atteindre des résultats durables. La Chine a formé des modèles et de grandes pratiques connexes, dont les pays étrangers pourraient s’inspirer.
Premièrement, améliorer la mise en place de la « méthode verte » de réduction de la pauvreté. L’État doit introduire des politiques pertinentes et canaliser les ressources (fonds et talents notamment) pour favoriser l’investissement dans les régions écologiquement fragiles et les zones défavorisées.
Deuxièmement, affermir la motivation et la participation des ménages pauvres. La sortie définitive de la pauvreté et l’enrichissement des habitants sont tributaires de la force endogène des populations démunies.
Troisièmement, allier les ressources potentiellement lucratives et créer un modèle à part entière de réduction de la pauvreté. Il convient d’intégrer pleinement les ressources naturelles et humaines locales, tout en créant des modèles tels que « écosystème + tourisme rural / industries caractéristiques / postes d’intérêt public », afin de tracer une voie vers la prospérité coordonnant une croissance économique respectueuse de l’environnement et la réduction de la pauvreté via l’écologie.
Quatrièmement, recourir aux nouvelles technologies comme Internet et les plateformes d’e-commerce pour concevoir des méthodes innovantes en matière de réduction de la pauvreté. Il convient de tirer parti des avantages qu’offrent Internet et les plateformes d’e-commerce, notamment l’accès à un large public et à de multiples canaux marketing. Ces technologies permettent aux régions et groupes pauvres de promouvoir et vendre leurs produits, et ainsi d’engendrer rapidement des retombées économiques.
TAN WEIPING • directeur général adjoint du Centre international de la réduction de la pauvreté de Chine