C’est avec beaucoup de peine que j’ai appris le décès de Lionel Vairon. En tant que sinologue français bien connu en Chine, M. Vairon s’était engagé à promouvoir la communication et les échanges entre la Chine et la France. Il était membre du comité d’experts de la revue Dialogue Chine-France et un auteur populaire.
M. Lionel Vairon
En tant que rédactrice en chef de La Chine au présent et de Dialogue Chine-France, j’avais entendu parler de M. Vairon depuis longtemps. Ce n’est qu’en 2017 que grâce à la recommandation de Zheng Ruolin, ancien correspondant senior du journal Wenhui Bao qui avait travaillé en France pendant plus de 20 ans, je suis entrée en contact avec M. Vairon via WeChat. Je lui avais demandé de parler en tant qu’étranger du rapport du XIXe Congrès du PCC qui venait d’être publié en Chine. À ce moment-là, il n’y avait pas de version française du rapport, mais le niveau de chinois de M. Vairon étant très élevé, je lui avais envoyé la version chinoise pour référence. Très ponctuel, M. Vairon m’avait envoyé l’article dans les délais impartis. Durant nos contacts, sa rigueur et son adhésion aux principes m’avaient profondément marquée.
Lors de la fête du Printemps de l’Année du Chien en 2018, M. Vairon m’avait envoyé ses vœux sur WeChat. De temps en temps, il me faisait parvenir des articles qu’il publiait dans les médias européens et ailleurs sur des sujets concernant les relations sino-américaines, le Tibet et le Xinjiang, ainsi que les droits de l’homme, dans lesquels il critiquait le dénigrement de la Chine par l’Occident sur les questions du Tibet et du Xinjiang, ainsi que le « deux poids, deux mesures » sur les droits de l’homme notamment. Depuis 2020, il débattait de sujets tels que la discrimination raciale et la géopolitique dans le contexte du COVID-19, et appelait à « lutter contre l’épidémie de nouveau coronavirus avec une attitude réaliste ».
Le 26 mai 2020, j’avais adressé un message à M. Vairon sur WeChat, l’invitant à faire partie du comité d’experts de Dialogue Chine-France que nous préparions. Il avait volontiers accepté et, dans le numéro inaugural de la publication, intitulé « France-Chine : une coopération d’avenir », il avait donné son opinion sur la coopération entre la Chine et la France après les « deux sessions » chinoises. « Face à la campagne antichinoise de l’administration Trump, la France doit défendre ses propres intérêts et donc renforcer le dialogue bilatéral avec la Chine sur les principaux sujets qui, dans la période post-COVID-19, peuvent bénéficier aux deux parties et les aider à surmonter la crise économique », avait-il écrit.
Le 14 août, j’avais de nouveau envoyé un rendez-vous à M. Vairon via WeChat, dans l’espoir qu’il puisse écrire sur le développement de la Chine dans le domaine de la gouvernance environnementale ainsi que sur la coopération sino-française en la matière. Le délai convenu était de dix jours pour la soumission. M. Vairon, qui l’avait toujours respecté, n’était cette fois-ci pas au rendez-vous, m’expliquant qu’il avait été hospitalisé, que la situation était « quelque peu compliquée » et qu’il repoussait l’échéance de plusieurs jours. Le 1er septembre, j’ai reçu son article « Vers une Chine verte ... », publié dans le numéro de septembre de Dialogue Chine-France.
Dans cet article, il saluait les mesures de la Chine dans le domaine de la protection de l’environnement et appréciait hautement la coopération entre la France et la Chine en la matière. « Avec le retrait des États-Unis le 1er juin 2017 de l’Accord de Paris, la Chine a pris la tête, aux côtés de la France, de la lutte internationale contre ce fléau. En novembre 2019, l’Appel de Pékin sur la conservation de la biodiversité et le changement climatique lancé à l’occasion de la visite du président français Emmanuel Macron en Chine fut particulièrement apprécié car, s’il ne donnait pas lieu à de nouvelles orientations, il réitérait avec force l’engagement des deux pays pour la préservation du multilatéralisme et l’amélioration de la gouvernance mondiale afin de faire face aux changements climatiques », écrivait-il. Dans le même temps, il déclarait qu’en plus de coordonner l’action climatique internationale, les deux pays pouvaient également bénéficier des progrès technologiques des deux parties. Il n’hésitait pas à dire la vérité : « Les progrès technologiques donnent naturellement lieu à une concurrence commerciale forte, par exemple dans le secteur du développement de l’hydrogène propre, mais cette concurrence est saine si elle demeure honnête et ne peut que bénéficier à l’ensemble de la population de la planète »
Le 29 septembre, je recevais un message de M. Vairon m’apprenant qu’il avait récemment subi une opération, que sa maladie ne pouvait être soignée et qu’il ne pourrait plus écrire d’articles. C’était la première fois que l’état de santé de M. Vairon parvenait à ma connaissance. Je pensais en effet qu’il avait attrapé un rhume ou qu’il souffrait d’un problème bénin et temporaire, et qu’il irait mieux. En octobre et novembre, M. Vairon m’avait répondu deux fois en me disant qu’il avait reçu ses émoluments, exprimant sa gratitude. Le 16 novembre, il m’apprenait qu’il était hospitalisé depuis huit semaines et qu’il n’en sortirait plus. Se montrant très reconnaissant pour la confiance que je lui avais accordée, il s’excusait de ne pas pouvoir continuer à écrire ou à accepter des interviews à l’avenir. Je ne pouvais pas deviner à ce moment-là que c’était le dernier message qu’il m’envoyait.
M. Vairon est venu en Chine pour la première fois en 2005, à Shanghai. Il avait été « stupéfait par le niveau de modernisation à Shanghai ». Il avait remarqué qu’en effectuant des recherches sur la Chine à l’étranger, il comprenait la Chine, mais en fait, il s’agissait de la Chine des années 1970 et 1980. « Les changements qui ont eu lieu en ces lieux sont à couper le souffle », s’était-il exclamé. Depuis, il se rendait en Chine presque « tous les trois mois », soit une soixantaine de voyages au total. Il avait déclaré publiquement que le développement de la Chine au cours des 40 dernières années ne pouvait pas être qualifié de « miracle » parce que « miracle » signifie qu’il s’agit d’un don de Dieu, alors que le succès de la Chine dépend des « politiques efficaces et de gens qui travaillent dur ».
La version chinoise du livre de M. Lionel Vairon, traitant sur la « théorie de la menace chinoise »
M. Vairon a écrit deux livres traitant de la soi-disant « théorie de la menace chinoise ». « Personnellement, je ne crois pas que le développement de la Chine constituera une menace pour le monde, mais je crois que l’avenir de la Chine et les relations de la Chine avec le monde dépendent de la manière dont le monde accueille la montée en puissance de la Chine », avait-il écrit. Il comprenait ainsi clairement le développement de la Chine et l’environnement extérieur auquel elle est confrontée.
M. Vairon, qui connaissait si bien le développement de la Chine, nous a quittés. La revue Dialogue Chine-France perd un excellent consultant et un contributeur de premier ordre, ainsi qu’un chercheur actif et un passeur entre la Chine et la France. Dans nos contacts, je l’appelais toujours par son nom chinois : « Monsieur Wei ». Je dédie donc cet article en hommage à « Monsieur Wei », qui est parti vers d’autres contrées.