Le 30 décembre 2020, le président chinois Xi Jinping, la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen, le président du Conseil européen Charles Michel, la chancelière allemande Angela Merkel et le président français Emmanuel Macron ont annoncé conjointement la nouvelle : les négociations sur l’Accord global sur les investissements Chine-UE ont pris fin dans le délai prévu. Cet accord revêt une importance considérable, puisqu’il intervient au moment où l’économie mondiale, déjà en proie à l’unilatéralisme et au protectionnisme, se retrouve plongée dans une récession sans précédent des suites de la pandémie de COVID-19. Cet accord a pu aboutir après sept longues années de discussions et 35 cycles de négociations. La partie européenne parle d’un « accord global sur les investissements ». Il s’agit du premier accord du genre négocié au niveau de l’UE depuis la ratification du Traité de Lisbonne en 2009, qui avait octroyé à certains secteurs des droits exclusifs d’investissement. Pour la Chine, cet accord sur les investissements va plus loin que ceux conclus traditionnellement, en couvrant quatre aspects : les engagements en matière d’accès au marché, les règles régissant la concurrence loyale, le développement durable et le règlement des différends. C’est le premier accord économique et commercial de haut niveau que la Chine a conclu avec une économie développée.
Bénéficier aux investissements mutuels
L’Accord global sur les investissements Chine-UE offrira un meilleur accès au marché, un environnement d’affaires plus sain, des garanties institutionnelles plus solides ainsi que des perspectives de coopération plus brillantes pour les investissements mutuels entre les deux parties.
Du point de vue de la Chine, le marché de l’UE présente un degré d’ouverture relativement élevé dans de multiples domaines, à l’exception de l’agriculture, de la pêche, des infrastructures énergétiques, de l’exploitation minière et des services publics. Cependant, dans la période qui vient de s’écouler, l’UE n’a cessé d’introduire des mesures restrictives clairement orientées, telles que l’examen plus strict des investissements, la protection de ses actifs stratégiques face aux acquisitions étrangères pendant la pandémie et la politisation de l’enjeu de la 5G. En conséquence, les investissements chinois en Europe ont suivi une tendance à la baisse. Dans un tel contexte, l’accord apportera des garanties institutionnelles permettant de maintenir un environnement de marché équitable, stable, ouvert et prévisible, pour que les entreprises chinoises investissent et mènent des activités au sein de l’UE. Il contribuera à atténuer, voire éliminer, les divers problèmes et incertitudes nés des décisions de l’UE de renforcer continuellement la protection de son marché intérieur ces dernières années. Ainsi, à l’avenir, les investissements chinois émis dans l’UE devraient renouer avec leur dynamique de croissance.
Pour l’UE, cet accord d’investissement ouvrira plus largement les portes du marché chinois. Il l’aidera à saisir les opportunités offertes par l’essor de la Chine et favorisera sa reprise économique pendant la période post-COVID-19. En vertu de cet accord, la partie européenne a obtenu de la Chine sa promesse de libéraliser les services financiers, environnementaux et informatiques, ainsi que les services de construction, les services auxiliaires de transport aérien et les services de transport maritime international. Ces engagements vont plus loin que ceux qu’avait pris la Chine dans le cadre de l’Accord général sur le commerce des services (AGCS) instituant l’Organisation mondiale du commerce (OMC). En outre, l’UE a obtenu de la Chine d’autres engagements en matière d’ouverture, que le pays n’avait pas encore fixés dans le cadre de sa démarche individuelle d’ouverture au monde extérieur. Ils concernent notamment la création d’hôpitaux privés, la suppression des restrictions quantitatives en matière de coentreprise pour les véhicules à énergies nouvelles et l’absorption des investissements dans la limite d’une participation de 50 % dans le secteur de l’infonuagique.
Contribuer à la réforme du système commercial multilatéral
En concluant cet accord d’investissement, la Chine et l’UE, qui comptent parmi les principales économies du monde, contribuent à la promotion de la mondialisation économique et du libre-échange. Le consensus atteint sur les règles de concurrence loyale et sur le développement durable en lien avec l’investissement joue un rôle de premier plan dans la réforme actuelle du système commercial multilatéral.
L’espace « Europe » de la Conférence sur les transferts de technologie mondiaux, le 28 octobre 2020, à Shanghai
S’agissant de la concurrence loyale, les grandes lignes reposent sur la non-discrimination, les considérations commerciales et la transparence. Depuis la création de l’OMC il y a près de 30 ans, la mondialisation économique et le libre-échange se sont heurtés à des réticences liées à plusieurs crises internationales majeures. La réforme du système commercial multilatéral est donc d’autant plus urgente. Au travers de cet accord, la Chine et l’UE sont parvenues à un consensus sur des questions concernant notamment les entreprises publiques, la transparence des subventions et l’obligation du transfert de technologies. Le texte précise, par exemple, que les entreprises publiques mènent des activités commerciales fondées sur des considérations commerciales, et que l’achat de biens et de services doit respecter le principe de non-discrimination. Certes, il s’agit d’engagements pris au niveau bilatéral entre la Chine et l’UE. Mais vu le poids que pèsent la Chine et l’UE dans le paysage économique et commercial mondial, les efforts des deux parties pour créer un environnement commercial internationalisé, fondé sur le droit et pragmatique, dynamiseront la révision des règles encadrant le système commercial multilatéral.
En ce qui concerne le développement durable, étant donné que les questions traitant de l’environnement et du travail sont devenues des préoccupations essentielles au cœur des négociations commerciales multilatérales et bilatérales ces dernières années, la Chine a pour la première fois pris des engagements au titre de dispositions spécifiques relatives au développement durable, y compris la protection de l’environnement et la défense des droits et des intérêts des travailleurs. Cela prouve que la Chine prend ses responsabilités en tant que grand pays, et adopte de nouveaux concepts de croissance et philosophies de développement centrées sur le peuple dans ses pratiques économiques et commerciales internationales. Sous la conduite de la Chine et de l’UE, soutenues par un nombre croissant d’économies rejoignant les engagements pris afin de lutter contre le changement climatique, la formulation de règles sur le développement durable dans le cadre du système commercial multilatéral prendra un nouvel élan.
Rehausser le niveau des relations économiques et commerciales
Parmi les relations économiques et commerciales bilatérales qui existent dans le monde, celles nouées entre la Chine et l’UE figurent parmi les plus importantes. En 2020, la coopération économique et commerciale entre la Chine et l’UE a réussi à surmonter deux défis, à savoir l’impact de la pandémie de COVID-19 et les conséquences du Brexit, faisant preuve d’une résilience à toute épreuve et d’un grand potentiel. Selon les statistiques des douanes chinoises, au cours des onze premiers mois de 2020, le volume du commerce bilatéral entre les deux parties a atteint 580,94 milliards de dollars, une hausse de 3,4 % en glissement annuel (un taux plus élevé qu’à la même période de l’année précédente).
La Chine s’engage à construire un nouveau modèle de développement, qui offrira plus de débouchés commerciaux et de possibilités de coopération pour l’Europe et le reste du monde. Suite à la conclusion de l’Accord global sur les investissements Chine-UE et à l’entrée en vigueur de l’Accord sur les indications géographiques Chine-UE le 1er janvier 2021, l’Europe se retrouve en pôle position pour coopérer avec la Chine. Ces deux accords jettent également des bases solides pour les relations commerciales et économiques sino-européennes, qui pourront ainsi accéder à un nouveau palier.
L’Accord global sur les investissements Chine-UE a été bien accueilli par le milieu des affaires de l’UE, et il amorcera à coup sûr un nouveau cycle de coopération en matière d’investissement entre les entreprises de l’UE et la Chine. Dans des domaines comme les véhicules à énergies nouvelles, les services financiers, les soins de santé et la biotechnologie, entre autres, les perspectives sont prometteuses. Dans le même temps, les deux parties devraient prêter attention à l’ère post-COVID-19. Il faudrait profiter de la conclusion de cet accord pour explorer la possibilité de bâtir une zone de libre-échange bilatérale, en vue de resserrer les relations économiques et commerciales Chine-UE.
Ensuite, les deux parties devraient également renforcer leur coopération dans la lutte contre la pandémie, rendre les vaccins plus accessibles et plus abordables, ainsi que fournir des biens publics mondiaux pour répondre aux besoins sanitaires des pays en développement. Elles ont tout intérêt à promouvoir la coopération économique, à établir des partenariats écologiques et numériques et à créer de nouveaux points de croissance. Il est aussi important d’approfondir l’interconnexion, de soutenir conjointement la reprise économique, et de remettre les chaînes industrielles et d’approvisionnement mondiales sur la bonne voie. Il y a lieu d’encourager la coopération multilatérale et d’instaurer une économie mondiale ouverte, de façon à ce que le développement commun de la Chine et de l’Europe entraîne celui du monde.
YAO LING · directrice de l’Institut de l’Europe de l’Académie chinoise du commerce international et de la coopération économique relevant du ministère du Commerce