La région autonome hui du Ningxia est située loin des sentiers battus, dans la grande boucle du fleuve Jaune, au carrefour de la région autonome de Mongolie intérieure, du Gansu et du Shaanxi, dans le nord-ouest de la Chine. Son relief montagneux et ses zones désertiques ont abrité les Xia occidentaux, il y a un millénaire. La nécropole de cette dynastie est l’une des attractions les plus réputées de la région.
Le désert de Tengger dans le Ningxia
Le Ningxia possède néanmoins un atout de taille qui lui a permis d’acquérir une notoriété internationale en l’espace de quelques années à peine. Ses vins sont en effet connus des meilleurs œnologues mondiaux et ils ont été maintes fois primés en Chine comme à l’étranger en raison des terroirs exceptionnels situés au pied des monts Helan.
Depuis une dizaine d’années, les exploitations viticoles fleurissent dans cette zone et l’on y trouve aussi bien les grands groupes du secteur agroalimentaire installés sur d’immenses superficies que des petits exploitants passionnés qui cultivent quelques hectares de vignes. Une route des vins, à l’image de celles que l’on trouve en France, en Allemagne, en Australie ou en Californie, permet de découvrir et de goûter les meilleurs crus dans des sites à couper le souffle. C’est une manne inespérée dans cette zone traditionnellement pauvre et arriérée que les autorités régionales veulent promouvoir en développant massivement l’œnotourisme.
La nécropole des Xia occidentaux
À quelques kilomètres de Yinchuan, le chef-lieu de la région, se trouve Château Changyu Moser XV, une réplique d’un château de la Loire au milieu d’un immense vignoble. Outre le centre de dégustation et sa boutique, les visiteurs pourront découvrir l’histoire du secteur viticole et vinicole de Chine dans un musée et un centre d’exposition spécialement aménagés dans les caves du château, avant de visiter les chais et d’en apprendre davantage sur les subtilités de la vinification et de la tonnellerie. Le vaste jardin à la française, très populaire auprès des photographes amateurs, ne désemplit pas le week-end et accueille même des banquets de mariage.
Des vins osés et emplis de passion
Pour plus d’intimité, il faut absolument passer quelques nuits à Canaan, la propriété de Wang Fang, que celle-ci exploite depuis 2011. Reprenant les terres de son père, elle a créé de toutes pièces une exploitation de classe internationale avec un courage et une audace qui lui ont valu le surnom de « Crazy Fang ». S’il fallait donner un visage aux vins des monts Helan, ce serait sans aucun doute celui de Wang Fang. Ses vins « Wild Pony », « Pretty Pony » et « Black Beauty » ont été primés et se retrouvent sur les meilleures tables de Chine, alors que son Chardonnay agrémente les soirées les plus chaudes. Wang Fang a aménagé deux suites dans son domaine pour permettre aux invités de profiter des balades à l’est des monts Helan, qui se trouvent à proximité. De retour, le visiteur comblé pourra se revigorer avec un assortiment de fromages allemands qu’il dégustera avec un verre de riesling maison avant de passer une nuit paisible ou de contempler le ciel étoilé du Ningxia.
Vendanges aux contreforts des monts Helan, près de Yinchuan (Ningxia), le 23 août 2019
Plus rustique, mais tout aussi authentique, le domaine Silver Heights en banlieue de Yinchuan est dirigé d’une main d’artiste par Emma Gao. Son époux, Thierry Courtade, ancien maître de chai au Château Calon-Ségur à Saint-Estèphe, est tout à la préparation de ses élixirs qui peuvent rivaliser avec les meilleurs crus mondiaux. Les amateurs de grands vins seront servis : Thierry Courtade est intarissable et la discussion autour d’un verre de rouge de premier choix pourra se prolonger indéfiniment, à moins qu’un regard de son épouse ne le rappelle à ses activités.
Des centres de loisirs et de détente, et même des terrains de golf ont été construits à proximité de certains domaines, afin que les visiteurs puissent pleinement profiter de leur séjour. En misant sur l’œnotourisme, le Ningxia stimule ainsi l’activité économique et l’emploi dans un secteur extrêmement prometteur et durable.
Le long de la route des vins du Ningxia, les surprises seront nombreuses. On y croise des viticulteurs étrangers en bottes en caoutchouc qui viennent apporter leur savoir-faire, mais aussi des amateurs de vins attirés par les commentaires dithyrambiques qu’ils ont lus dans les revues spécialisées comme Decanter. On rencontrera aussi des viticulteurs chinois passionnés comme Li Pengtu, qui dirige Château Yuhuang à Qingtongxia. Ce sexagénaire a su combiner sa dévotion pour le bouddhisme à la culture du vin. D’une grande jovialité, il noue immédiatement le contact avec ses hôtes et la barrière de la langue est rompue après un ou deux verres de son rouge fruité.
Cette route des vins est conseillée à tous ceux qui veulent faire une expérience authentique et hors du commun de la Chine. Ici, pas de sites surpeuplés et de grands magasins bruyants, mais le calme et la douceur de vivre, la vie qui s’écoule doucement, et des personnalités attachantes qui feront découvrir et aimer le Ningxia.
JACQUES FOURRIER • journaliste français basé à Beijing depuis 25 ans